Question de M. GOUTEYRON Adrien (Haute-Loire - UMP) publiée le 22/11/2007

M. Adrien Gouteyron attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le problème des ravages causés chez les jeunes par la consommation de cannabis. Il lui indique que, selon l'association de prévention en alcoologie de Haute-Loire, il s'agit d'un problème « alarmant » de santé publique. Le constat est sans appel : les jeunes absorbent une grande quantité d'alcool en un court laps de temps, recherchant une ivresse rapide. Ce phénomène est récent et a de quoi inquiéter car ce mode particulier d'alcoolisation excessive et ponctuelle a des effets dévastateurs sur la santé. S'agissant de la consommation de cannabis, on peut la qualifier d'inquiétante puisque la France atteint un des plus hauts niveaux de consommation en Europe, avec 1,2 million d'usagers réguliers et 500 000 consommateurs quotidiens. Il lui demande donc par quelles mesures ces deux fléaux peuvent être combattus.

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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports publiée le 30/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2008

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 109, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur une certaine pratique de consommation d'alcool qui devient, pour de nombreux jeunes, un véritable fléau. Il s'agit non pas d'excès ponctuels, mais d'un phénomène d'alcoolisation lié, comme le souligne l'association de prévention en alcoologie et en addictologie de mon département, à des pratiques addictives de toutes sortes, comme la consommation de cannabis.

Je souhaite tout particulièrement évoquer les ravages dus à l'alcoolisation massive de certains adolescents. Si l'usage du cannabis est aujourd'hui dans la ligne de mire des politiques de santé publique, l'alcoolisme des jeunes ne me paraît pas suffisamment pris en compte et combattu.

Pour reprendre les termes du constat alarmant fait par cette association, « un phénomène de banalisation de l'alcool est en train de toucher les jeunes qui boivent à n'en plus pouvoir ». Ce phénomène, on le sait, nous vient des pays scandinaves, qui pratiquent le binge drinking. Cette pratique, qui consiste à consommer une quantité considérable d'alcool en un court laps de temps pour obtenir une ivresse rapide, a parfois des conséquences dramatiques.

Nous avons tous en tête le drame des deux lycéennes d'Abbeville qui ont été retrouvées dans le coma dans les toilettes de leur établissement scolaire, après avoir, à l'heure du petit-déjeuner, consommé plusieurs verres de vodka.

Le rapport de l'Académie nationale de médecine, livré l'automne dernier, est très préoccupant : selon une enquête, un pourcentage significatif des adolescents de dix-sept ans avouent s'être adonnés au binge drinking dix fois au moins au cours des trente derniers jours.

Loin de moi l'idée de stigmatiser la fête ! En revanche, il faut dénoncer un phénomène qui tend à associer la fête à une consommation excessive et brutale d'alcool. Les conséquences, sur lesquelles je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sont ravageuses.

Frédérique Gardien, dans un excellent ouvrage : L'alcoolisme adolescent, en finir avec le déni, pointe du doigt le fait que, trop souvent aujourd'hui, on ne souhaite pas reconnaître l'alcoolisme comme un risque potentiel à l'adolescence, et souligne également que cette recherche de la défonce est le signe d'un mal-être profond chez les adolescents, qui veulent ainsi échapper à la réalité.

Je pense que le Gouvernement se préoccupe de cette question, mais je souhaite que vous nous en disiez un peu plus ce matin, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, la consommation d'alcool et de cannabis par les jeunes, sur laquelle vous m'interrogez, est un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur.

Globalement, et il n'est pas inutile de le rappeler, la consommation de boissons alcoolisées est en baisse en France, et ce même parmi les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Pour autant, cette situation est loin d'être satisfaisante, puisque 9 % à 10 % des jeunes Français âgés de dix-huit ans à vingt-cinq ans présentent les signes d'une consommation problématique d'alcool. De plus, et vous l'avez très bien souligné, les ivresses alcooliques sont en hausse parmi les plus jeunes.

S'agissant du cannabis, la tendance à la consommation est maintenant à la stagnation, voire à une légère baisse, après une augmentation entre 2000 et 2002. En revanche, le niveau de l'usage régulier est stable et on constate que la part des usages quotidiens s'est accrue.

Ces tendances ont été confirmées par l'Académie nationale de médecine pour la consommation d'alcool, puis, récemment, par l'Académie nationale de pharmacie pour la consommation de cannabis.

Afin de lutter contre de tels phénomènes, des consultations mises en place en 2004 à destination des jeunes consommateurs de cannabis s'ouvriront aux jeunes en difficulté avec l'alcool, en particulier à ceux qui sont confrontés à des problématiques d'ivresse massive.

Ces consultations se dérouleront dans les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA, structures issues de la fusion entre les centres de cure ambulatoire en alcoologie et les centres spécialisés de soins aux toxicomanes depuis la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et un décret du 14 mai 2007, qui en définit les missions.

Cessant d'être centrés sur un produit et traitant l'ensemble des addictions, les CSAPA se révéleront particulièrement adaptés à la prise en charge des polyconsommations, associant drogues licites et illicites.

Cette amélioration de la prise en charge comprendra également l'offre de soins hospitalière, qui sera réorganisée, en particulier avec la création de services et de pôles d'addictologie spécifiques. En outre, la formation des professionnels sera renforcée, notamment par la création d'une filière addictologie au cours de la formation médicale.

Par ailleurs, l'articulation entre le secteur sanitaire et le système judicaire est importante. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance réorganise le système des injonctions thérapeutiques, qui peut désormais être mobilisé à tous les stades de la procédure pénale.

Améliorer la prise en charge globale des jeunes est nécessaire, mais pas suffisant. Diminuer l'accessibilité au produit est également indispensable.

La législation relative à la vente d'alcool aux mineurs de plus de seize ans est complexe et obsolète. Si ces derniers ont interdiction de consommer des alcools forts, c'est-à-dire les boissons des troisième, quatrième et cinquième groupes, dans les bars, ils peuvent les acheter en toute légalité dans les grandes surfaces et les épiceries. Inversement, ils peuvent consommer de la bière ou du vin dans les bars ou les cafés. Or nous savons que les ivresses massives des jeunes sont surtout liées à l'achat de boissons alcoolisées dans les grandes surfaces.

Il convient également, et vous l'avez souligné, de réfléchir aux nouveaux modes d'alcoolisation - je pense notamment au phénomène que l'on appelle le « binge drinking » - et de s'interroger sur les campagnes de prévention et d'information du public, qui sont plus centrées sur des consommations d'alcool de convivialité. Avant, ces pratiques étaient la norme ; aujourd'hui, nous assistons à des changements sociétaux. Parfois, l'objectif est non plus simplement de boire dans une ambiance festive, mais bien de s'alcooliser massivement pour obtenir une sorte de « shoot » qui amène très rapidement à l'ivresse.

Aussi, face à de tels changements du mode de consommation et à ce qui demeure un véritable problème de santé publique, je présenterai très prochainement un certain nombre de mesures destinées à mieux protéger notre jeunesse contre le phénomène des alcoolisations massives.

Le moment venu, la représentation nationale, donc la Haute Assemblée, sera amenée à se prononcer sur cet important sujet.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Le Gouvernement a une conscience très aiguë des phénomènes sociaux et des nouvelles modalités que prennent certains types d'addiction.

Les dispositifs que vous venez de décrire sont intéressants. Je me réjouis surtout des mesures nouvelles que vous avez annoncées et qui permettront, j'en suis persuadé, d'améliorer une situation intolérable.

Toutefois, madame la ministre, l'alcoolisation des jeunes est le signe d'une forme de malaise de la jeunesse, que nous devons également essayer de dissiper. Certes, c'est beaucoup plus difficile. Mais je crois que c'est le devoir d'un Gouvernement de s'en préoccuper. (Mme la ministre acquiesce.)

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