Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 06/03/2008

Mme Anne-Marie Payet interroge M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer sur la lenteur de la mise en place du dispositif d'alerte au tsunami à la Réunion.

Elle rappelle que suite au tsunami dévastateur de décembre 2004, le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, avait annoncé que la Réunion - où sont implantés des organismes de haut niveau comme Météo France, l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) et le Bureau d'études géologiques et minières (BRGM) - était susceptible d'accueillir un pôle de prévention des catastrophes naturelles à grande échelle.
Le Gouvernement français confirmait même, deux mois plus tard, à l'UNESCO, que la Réunion pourrait être un élément essentiel d'un système d'alerte au tsunami dans l'océan indien. Ambitieux, le projet prévoit la création d'un centre d'alerte national de prévention "multi risque" (tsunami, cyclone, vague atypique) chargé de gérer les alertes aux tsunamis locaux et lointains.

Aujourd'hui, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques déplore un attentisme inacceptable de la France dans la mise en place de ces dispositifs d'alerte au tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer.

Il souligne par ailleurs que le dispositif final mis en place dans l'océan indien se révèle décevant par rapport au projet initial et que l'installation des nouveaux marégraphes a pris beaucoup de retard, dans la mesure où ils n'ont pas encore été installés à Mayotte ni à Madagascar.

Elle ajoute que ce rapport émet dix-neuf recommandations visant à insuffler un nouvel élan à la mise en œuvre de ce dispositif d'alerte ; il propose entre autres de :

- confier au CEA la mission de centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée, l'Atlantique nord-est, les Antilles et l'océan indien ;
- créer un comité de pilotage coordonné par le secrétariat général de la mer, chargé de mettre en place un système national d'alerte aux tsunamis ;
- mandater le service hydrographique et océanographique de la marine pour coordonner les activités de mesure de hauteur d'eau en France et adapter son réseau de marégraphes afin que les données soient transmises en temps réel.

Elle lui demande en conséquence de bien vouloir lui faire connaître sa position sur ce dossier.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer publiée le 30/04/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2008

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 185, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question porte sur la mise en place du dispositif d'alerte aux tsunamis à la Réunion.

À la suite du tsunami qui a dévasté l'océan Indien en décembre 2004, le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie avait annoncé que la Réunion, où sont implantés des organismes de haut niveau comme Météo France, l'Institut de physique du globe de Paris ou le Bureau de recherches géologiques et minières, était susceptible d'accueillir un pôle de prévention des catastrophes naturelles à grande échelle.

Le Gouvernement français confirmait même deux mois plus tard, à l'UNESCO, que la Réunion pourrait être un élément essentiel d'un système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien. Ambitieux, le projet prévoyait la création d'un centre d'alerte national de prévention multirisques – tsunami, cyclone, vague atypique – chargé de gérer les alertes aux tsunamis locaux et lointains.

Aujourd'hui, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, déplore un attentisme inacceptable de la France dans la mise en place de ces dispositifs d'alerte aux tsunamis sur les côtes françaises, que ce soit en métropole ou en outre-mer. Il souligne aussi que le dispositif final mis en place dans l'océan Indien se révèle quelque peu décevant par rapport au projet initial et que l'installation des nouveaux marégraphes a pris beaucoup de retard, dans la mesure où ils n'ont pas encore été installés à Mayotte ou à Madagascar.

Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que l'océan Indien est considéré comme le bassin le plus sûr au regard du risque de tsunami, puisqu'il ne représente que 4 % des tsunamis survenus au XXe siècle, contre 77 % pour le Pacifique. Pourtant, le tsunami du 26 décembre 2004 a fait plus de victimes que l'ensemble des tsunamis connus depuis l'Antiquité. Il nous a aussi rappelé qu'aucune côte n'était durablement à l'abri de cet aléa, et que si la fréquence des tsunamis est faible, ces événements peuvent prendre une ampleur jamais égalée.

En septembre 2006, des spécialistes internationaux réunis à l'occasion d'un séminaire sur les risques naturels ont souligné que la Réunion n'était pas à l'abri d'un tsunami dévastateur, qui pourrait être provoqué par un important séisme ou par l'effondrement du piton de la Fournaise. Cette perspective a été évoquée par le spécialiste des volcans Karim Kelfoun. Un tel événement pourrait, selon lui, faire déferler des vagues de quarante mètres de haut sur Saint-Denis, de soixante mètres sur Saint-Benoît et Saint-Pierre, et de cent mètres sur les côtes mauriciennes.

Dans le rapport de l'OPECST figurent dix-neuf recommandations visant à insuffler un nouvel élan à la mise en œuvre de ce dispositif d'alerte et à le hisser au niveau de celui du Pacifique. Il propose notamment de confier au Commissariat à l'énergie atomique la mission de centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée, l'Atlantique du Nord-Est, les Antilles et l'océan Indien, de créer un comité de pilotage coordonné par le secrétariat général de la mer, chargé de mettre en place un système national d'alerte aux tsunamis, et de mandater le service hydrographique et océanographique de la marine pour coordonner les activités de mesure de hauteur d'eau en France et adapter son réseau de marégraphes afin que les données soient transmises en temps réel.

Je vous serais reconnaissante, monsieur le secrétaire d'État, de me faire connaître votre position sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous l'avez souligné, la création d'un système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien a été décidée en mars 2005, à la suite de la catastrophe du 26 décembre 2004, sous l'égide de la commission océanographique nationale de l'UNESCO, afin de pouvoir alerter les autorités concernées et les populations. La plupart des vingt-sept pays de l'océan Indien ont désigné leur service météorologique comme référent, et la France a décidé d'établir à la Réunion un Centre national d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien, le CNATOI, à vocation régionale.

Les services de Météo France, avec lesquels le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer coopère, fournissent l'infrastructure du CNATOI, qui est adossé au centre météorologique spécialisé de prévention cyclonique de la Réunion. Dès avril 2005, les dispositions techniques nécessaires ont été prises afin de recevoir les messages des centres d'alerte aux tsunamis de Hawaï et de Tokyo et de rediffuser ces informations à destination des États de la zone.

Par ailleurs, un programme d'équipement des services météorologiques des pays de la zone destiné à leur permettre d'avoir accès aux alertes a été conduit en complément de ceux de l'Organisation météorologique mondiale et de la Commission de l'océan Indien. Le préfet de la Réunion ainsi que ceux de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises sont systématiquement destinataires des alertes transmises par le CNATOI.

Pour ce qui concerne le réseau d'instruments de mesure, un marégraphe en temps réel a été installé à la Réunion en octobre 2007 ; il est prévu d'en mettre en place deux autres dans la région d'ici à 2009, dont l'un à Madagascar. Par ailleurs, l'installation d'un marégraphe neuf à Mayotte, sous maîtrise d'ouvrage de la direction de l'équipement de Mayotte et du service hydrographique et océanographique de la marine, a été décidée. Il sera opérationnel en 2008.

Parmi les stations sismiques du réseau GEOSCOPE, les stations de la Réunion et de Canberra ont été installées en 2007, celle de l'île de Crozet sera raccordée en temps réel très prochainement et celle de l'île d'Amsterdam en 2009. Un sismographe est en voie d'installation à Madagascar, et celui de Djibouti fera prochainement l'objet d'une remise à jour.

Madame la sénatrice, vous pouvez donc constater qu'un programme d'équipement en instruments de mesure est activement mis en œuvre. Il convient d'ores et déjà de saluer les efforts consentis, puisque deux marégraphes et cinq sismographes en temps réel renforcent aujourd'hui le système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien.

Comme vous l'avez rappelé, ces actions sont menées dans le cadre d'un des volets de l'aide de la France aux pays victimes du tsunami de décembre 2004, dont la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères et européennes, la DGCID, a confié la mise en œuvre à Météo France et à ses partenaires, pour un montant de 1,472 million d'euros.

Les difficultés techniques et administratives rencontrées par les acteurs lors du déploiement des capteurs de mesures en temps réel dans la zone de l'océan Indien ainsi que la nécessité de mener de nouvelles études afin d'engager les actions restantes expliquent que 1,1 million d'euros seulement ont été employés. La DGCID a prolongé la convention avec Météo France jusqu'à la fin de l'année 2009, pour permettre l'achèvement des actions entreprises dans le cadre de l'enveloppe initialement prévue.

Les recommandations du rapport de l'OPECST font l'objet d'une attention particulière. Les réponses sont coordonnées par le secrétariat général de la mer, qui est chargé notamment de mettre en place un centre national d'alerte confié au CEA et dont la localisation devrait être arrêtée dans les tout prochains jours.

Tels sont les quelques éléments d'information que je pouvais vous livrer aujourd'hui, madame la sénatrice. Ils montrent que, sur ces questions éminemment importantes, l'action de l'État n'a pas faibli depuis 2005.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je remercie M. le secrétaire d'État de m'avoir apporté ces précisions. Sa réponse calmera certainement les inquiétudes des Réunionnais et de toutes les populations concernées. Il ne faut pas oublier que la catastrophe de Sumatra a choqué l'opinion publique, car le nombre de victimes aurait, je le pense, été beaucoup plus faible si un système d'alerte au tsunami avait existé dans l'océan Indien.

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