Question de M. VIAL Jean-Pierre (Savoie - UMP) publiée le 10/04/2008

M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour que le Gouvernement obtienne du groupe canadien Alcan-Rio Tinto des informations précises sur les projets industriels du groupe en France dans le domaine de la production de l'aluminium et notamment sur le site de Saint-Jean-de-Maurienne. Alors que le groupe représentait plus de 25 000 emplois il y a quatre ans, les OPA successives et les cessions d'activité qui en sont résultées, réduiraient l'activité du groupe, à la seule activité de l'aluminium ce qui représenterait moins de 5 000 salariés, si la cession de l'emballage et de la transformation était autorisée. Or, cette réduction accélérée du périmètre d'activité d'Alcan-Rio Tinto en France, n'offre pas pour autant des garanties sur la pérennité de la production de l'aluminium, notamment en Savoie, bien au contraire. L'opacité et la contradiction des informations du groupe Alcan-Rio Tinto et l'absence d'un réel projet industriel, doivent conduire le Gouvernement à obtenir des informations précises et sérieuses, compte tenu des obligations et des garanties que le groupe Alcan-Rio Tinto doit donner en matière de garanties industrielles, environnementales et bien évidemment sur le plan économique et social, mais aussi en matière de garanties industrielles et de qualité environnementale des sites industriels abandonnés.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 30/04/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2008

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 208, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Jean-Pierre Vial. Au moment où notre pays subit, comme beaucoup d'autres, un effet d'accélération des regroupements industriels dans le cadre de la mondialisation, avec une actualité qui fait question, je voudrais évoquer l'avenir de ce qui reste de l'activité de ce que fut, dans notre pays, le groupe Pechiney.

Il y a quatre ans, celui-ci représentait 25 000 emplois. À la suite de deux offres publiques d'achat et de plusieurs cessions, l'activité de l'ex-groupe Pechiney, devenu aujourd'hui Alcan-Rio Tinto, pourrait être réduite à la seule production d'aluminium, avec moins de 4 000 emplois, si la cession des activités d'emballage et de transformation était autorisée.

Ce démantèlement n'est malheureusement pas arrivé à son terme, et je tenais à vous interroger précisément, madame la secrétaire d'État, sur l'avenir du site savoyard de production d'aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne, qui représente 750 emplois directs et 2 000 emplois globalement.

En 2005, Alcan posait très clairement devant les collectivités locales savoyardes comme condition de survie du site de Saint-Jean-de-Maurienne l'augmentation des capacités de production de 140 000 à 250 000 tonnes, outre la garantie d'un coût compétitif de l'énergie au-delà de 2012.

Malgré les engagements financiers particulièrement importants consentis par les collectivités territoriales, le projet d'agrandissement n'a été lancé ni par Alcan hier ni par Rio Tinto, et il est aujourd'hui purement et simplement annulé. Rio Tinto ne saurait mieux manifester que, contrairement à ses déclarations, il ne fait aucun effort de développement de l'usine au-delà des investissements nécessaires au maintien de l'activité.

Bien plus, malgré de fausses assurances et un discours contredit par la réalité, Rio Tinto a, de toute évidence, décidé d'abandonner l'activité de production d'aluminium à Saint-Jean-de-Maurienne au-delà des années 2012-2016.

Or, au même moment, Rio Tinto travaille sur trois projets : en Algérie, un des plus gros projets d'unité de fabrication d'aluminium au monde, avec une capacité de plus de 750 000 tonnes ; à Oman, le démarrage, dans quelques mois, d'une unité de 330 000 tonnes ; en Arabie Saoudite, le projet d'une unité de production de 1 000 000 de tonnes.

Sous couvert d'une stratégie d'amélioration de la rentabilité du site, c'est un quasi-plan social qui est mis en œuvre, lequel n'est en réalité qu'une étape d'un processus délibéré, calculé et arrêté par la direction de Rio Tinto.

Madame la secrétaire d'État, nous connaissons les contraintes de l'économie mondiale, mais nous ne pouvons admettre qu'à cette logique s'ajoute un cynisme conduisant à tromper les salariés et les élus des collectivités concernées.

Ma question vise donc tout simplement à obtenir davantage de transparence.

Les intentions de Rio Tinto de fermer le site de Saint-Jean-de-Maurienne au-delà de la période 2012-2016 se confirment tous les jours un peu plus.

S'il en était autrement, qu'une mission conduite sous l'autorité du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui suit ce dossier, permette à Rio Tinto d'apporter un démenti en faisant connaître son plan stratégique à quinze ans pour le site de Saint-Jean-de-Maurienne.

Si, au contraire, Rio Tinto reconnaît que son intention est bien de fermer le site au-delà de l'horizon 2012-2016, qu'il lui soit fait obligation de le mettre en vente dès à présent, afin que les démarches entreprises permettent de trouver des repreneurs, comme ce fut le cas lors de la reprise de Pechiney électrométallurgie, devenu Ferropem à la suite de son rachat par le groupe espagnol FerroAtlantica.

En tout état de cause, pendant cette période intermédiaire et dans ces circonstances très particulières, il faut, conformément à la demande adressée au Président de la République et au Premier ministre, que le Gouvernement s'oppose à la vente, projetée par Rio Tinto, des activités d'emballage et de transformation, fruits de sa dernière OPA.

Madame la secrétaire d'État, il ne vous est pas demandé d'aller contre le cours de la mondialisation des rapprochements industriels, mais il convient de veiller à ce que les opérations envisagées se déroulent dans le respect le plus élémentaire des salariés qui ont fait la richesse de ce groupe, en leur donnant, ainsi qu'aux collectivités concernées, les informations souhaitées dans la transparence, et en préservant la possibilité de trouver d'autres repreneurs à un moment où le prix de l'aluminium permet à Rio Tinto de dégager des profits considérables.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, votre question témoigne, ce qui ne me surprend pas, de votre parfaite connaissance de ce dossier et du terrain local.

Je vais vous présenter les éléments d'information que Mme Christine Lagarde m'a chargée de vous transmettre.

Le groupe Alcan, qui emploie plus de 15 000 personnes en France sur quarante-neuf sites, a fait l'objet d'une offre publique d'achat amicale de la part du groupe anglo-australien Rio Tinto. Cette opération a été couronnée de succès.

À cette occasion, Rio Tinto a pris à l'égard du Gouvernement français, le 4 octobre dernier, des engagements précis quant à la pérennité de l'activité de recherche et développement en matière d'électrolyse, telle qu'elle est assurée par les centres de recherche de la région Rhône-Alpes, et quant à la sécurité d'approvisionnement des industries aéronautiques et de défense à partir de sites français.

Le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi suit ce dossier avec une très grande vigilance et entretient des contacts réguliers avec Rio Tinto.

En ce qui concerne le site de Saint-Jean-de-Maurienne, que Mme Christine Lagarde a eu l'occasion d'évoquer personnellement avec M. Paul Skinner, président de Rio Tinto, le Gouvernement partage votre objectif, monsieur le sénateur, d'y maintenir dans la durée une activité industrielle solide et compétitive.

Le site de Saint-Jean-de-Maurienne joue en effet un rôle clé en tant que plateforme de démonstration pour les innovations développées en région Rhône-Alpes. La recherche et développement et l'innovation sont des enjeux cruciaux pour le maintien d'une base industrielle forte en France. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de réformer le crédit d'impôt recherche, pour en faire le dispositif le plus attrayant au monde et accueillir ainsi en France les investissements porteurs d'activités futures.

L'avenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne repose également sur les conditions d'accès à l'énergie à moyen et à long termes. Dans cette perspective, le Gouvernement soutient le projet Exeltium, en attente d'accord de la Commission européenne, qui permettra aux industries électro-intensives, dont Rio Tinto, de sécuriser leur approvisionnement en électricité à des prix tirant parti de la compétitivité de la France en matière de production d'électricité nucléaire.

Rio Tinto a demandé à la direction du site de Saint-Jean-de-Maurienne de lui proposer, mi-2008, un plan d'action visant à faire de ce site un des plus compétitifs à l'échelon mondial d'ici à 2012. Ce travail, en voie d'achèvement, semble constituer un préalable à toute décision concernant l'avenir stratégique du site.

En tout état de cause, monsieur le sénateur, le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi se tiendra informé des conclusions de cette réflexion et Mme Christine Lagarde restera très attentive à l'évolution de la situation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Je remercie Mme la secrétaire d'État, Mme Lagarde et les services du ministère de l'attention qu'ils portent à ce dossier depuis plusieurs mois et qu'ils ne manqueront pas de continuer de lui accorder à l'avenir.

Je le dis très calmement, madame la secrétaire d'État : je ne crois nullement aux engagements pris par Rio Tinto à l'égard du Gouvernement quant au devenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne.

Rio Tinto ment lorsqu'il prétend faire de Saint-Jean-de-Maurienne un site moderne : on sait très bien que le projet de doublement de la capacité de production, condition de sa survie, a été abandonné. Tous les industriels et les techniciens savent que cette décision rend impossible la pérennité du site.

C'est pourquoi les élus insistent pour que la cession projetée des activités de transformation et d'emballage, qui est essentielle pour Rio Tinto dans l'optique de l'OPA que ce groupe vient de réaliser, ne soit pas autorisée. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra donner des garanties de survie aux sites français de production d'aluminium contrôlés par Rio Tinto. Si ce groupe ne peut apporter de telles garanties pour le site de Saint-Jean-de-Maurienne, qu'il permette la vente de ce dernier, afin que l'on puisse trouver des repreneurs.

En tout état de cause, je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des éléments d'information que vous m'avez transmis. Je ne doute pas que le Gouvernement continuera à suivre ce dossier avec la plus grande attention : l'avenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne dépend de sa vigilance.

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