Question de M. GAILLARD Yann (Aube - UMP) publiée le 16/05/2008

Question posée en séance publique le 15/05/2008

M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, la France, leader mondial du marché de l'art il y a un demi-siècle, n'en représente désormais que 5 % à 6 %, contre près de 30 % pour le Royaume-Uni et 50 % pour les États-Unis. Notre pays vient même d'être relégué en quatrième position derrière la Chine, ce qui, d'ailleurs, n'a rien d'étonnant.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ni d'infamant !

M. Yann Gaillard. Alors que le marché de l'art croît de 36 % au niveau mondial, il ne progresse en France que de 13 %.

Face à ce constat déprimant, il importe de réagir, car le marché de l'art est non seulement une vitrine de la créativité et de la culture françaises, il revêt également une importance économique considérable puisqu'il représente 10 000 entreprises, 50 000 emplois et 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et il va en outre de pair avec cette industrie du luxe qui doit rester l'une de nos spécialités préférées.

Madame la ministre, il y a un peu plus d'un mois, vous avez présenté un « plan de renouveau pour le marché de l'art français », s'inspirant largement du rapport de M. Martin Bethenod, codirecteur de la FIAC, la Foire internationale d'art contemporain, et faisant suite à la lettre de mission du Président Nicolas Sarkozy d'août 2007.

Mon éminent collègue Philippe Marini et moi-même …

M. Charles Revet. Excellents sénateurs !

M. Yann Gaillard. … avons déposé il y a deux mois deux propositions de loi sur le sujet, et vous avez eu l'élégance de le souligner lors de la présentation de ce plan, madame la ministre. Nos efforts vont donc dans le même sens, et plusieurs soucis nous sont communs, au premier rang desquels votre projet de prêt à taux zéro. Cependant, si inciter les particuliers à acquérir des œuvres d'art contemporain semble intéressant, le dispositif a-t-il des chances réelles d'être accepté par Bercy et, donc, d'être mis en œuvre prochainement ?

M. Didier Boulaud. Si, en plus, il faut que Bercy donne son accord…

M. Jean-Pierre Sueur. Le ministre concerné est là, il peut vous répondre !

M. Yann Gaillard. Nous allons donc le savoir ! (Sourires.)

Par ailleurs, pouvons-nous, dans une certaine mesure, freiner l'exportation des œuvres d'art, que M. Giacomotto, président du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, a coutume de comparer à un « vide-grenier » ?

Enfin, la présidence française de l'Union européenne sera-t-elle l'occasion de mettre en avant certaines de nos priorités, telles que la suppression de la TVA sur les œuvres d'art importées et la réforme du droit de suite, cette invention française qui se retourne contre nos intérêts ? Cela nous permettrait de pouvoir lutter à armes moins inégales avec la place de Londres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 16/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2008

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Gaillard, la situation du marché de l'art n'est en effet pas très florissante. Les propositions de loi que vous avez cosignées avec votre collègue Philippe Marini montrent d'ailleurs tout l'intérêt que vous portez à ce sujet.

Pour remédier à cette situation, j'ai effectivement présenté, le 2 avril dernier, un plan de renouveau pour le marché de l'art français, qui comporte une trentaine de mesures, parmi lesquelles le prêt sans intérêt.

À cet égard, nous sommes en train de discuter actuellement avec l'Association française des banques pour trouver des établissements partenaires, lesquels se « rémunéreraient » par le biais des dispositifs fiscaux prévus en faveur du mécénat.

M. Didier Boulaud. Demandez à la Société Générale, elle a de bonnes idées !

Mme Christine Albanel, ministre. Il s'agit d'une disposition intéressante, et elle a rencontré un grand succès au Royaume-Uni, notamment auprès des classes moyennes, qui peuvent ainsi acquérir des œuvres de jeunes artistes pour lesquelles elles ont un coup de cœur, l'achat étant d'un montant oscillant autour de 5 000 euros.

Mme Raymonde Le Texier. C'est beaucoup, pour le budget des classes moyennes !

Mme Christine Albanel, ministre. C'est une bonne façon, me semble-t-il, de commencer une collection. Cette mesure trouvera sa traduction législative dans le projet de loi de finances pour 2009.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, l'exportation des œuvres d'art est une question complexe. Vous avez eu tout à fait raison de le souligner, il faut éviter tout phénomène de « vide-grenier ».

Cela étant, nos systèmes de certificats d'exportation, ainsi que le dispositif mis en place pour l'acquisition des « trésors nationaux » donnent de bons résultats. Ce dernier nous permet, chaque année, de conserver une vingtaine d'œuvres absolument majeures. À titre personnel, je suis d'ailleurs favorable à son extension aux particuliers.

Une autre mesure à envisager concerne les professionnels de nos salles des ventes, qui sont actuellement pénalisés. Ceux-ci doivent avoir les mêmes possibilités qu'à l'étranger, tout simplement pour que les ventes aient lieu en France, et pas à l'étranger. S'agissant des artistes contemporains, le problème est un petit peu différent, dans la mesure où le fait qu'ils s'exportent est le signe de leur bonne santé.

Il importe d'encourager les collectionneurs en France, et c'est bien ce que nous faisons en proposant toutes ces mesures. Nous devons également donner à nos artistes des occasions d'affirmer leur talent, de se faire connaître et d'être réexposés. Une manifestation comme la Force de l'art, qui se tiendra de nouveau l'année prochaine, en est un bon exemple.

Enfin, le Président de la République s'est fortement engagé sur la TVA des biens culturels, et, partant, des œuvres d'art importées, qui nous pénalise grandement. Son taux devrait effectivement être abaissé.

Quant au droit de suite, nous en avons mal évalué les effets lors de la transposition de la directive en 2001. Mais cette dernière nous donne justement l'occasion d'y revenir au 1er janvier prochain, avec la présentation d'un rapport devant le Parlement européen. Il convient qu'au minimum la situation de la France soit identique à celle du Royaume-Uni, où le droit de suite ne s'applique qu'aux artistes vivants.

Monsieur le sénateur, notre objectif est que les professionnels français ne soient plus pénalisés et que ce secteur retrouve dynamisme et rayonnement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Mme Catherine Tasca. C'est réussi…

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