Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 30/05/2008

Question posée en séance publique le 29/05/2008

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la politique de coopération que vous menez par des « accords bilatéraux de gestion des flux migratoires », tels les accords signés avec la République démocratique du Congo, le Gabon, ou encore la Tunisie, vous organisez une immigration économique, au détriment de l'immigration familiale.

Vous acceptez des étrangers bardés de diplômes, très qualifiés, et vous fermez la porte aux étrangers exerçant des métiers n'exigeant pas de compétences particulières.

Vous vous défendez de pratiquer le « pillage des cerveaux étrangers », qui va à l'encontre du développement solidaire. Mais comment, alors, appelez-vous cette pratique ?

Votre politique révèle un autre paradoxe : d'un côté, un discours volontariste, qui favorise une nouvelle immigration, élitiste ; de l'autre côté, un refus persistant de reconnaître des droits aux étrangers déjà installés sur notre territoire.

L'objectif de « l'immigration choisie et concertée » est de fournir de la main-d'œuvre à des secteurs qui, en France, souffrent d'une carence en la matière. C'est le cas, on le sait, dans le bâtiment ou la restauration, ce qui explique que l'on y trouve un nombre important de sans-papiers.

Alors, plutôt que d'aller trier des hommes dans ces pays pauvres, au risque de renouer avec des pratiques coloniales du passé, pourquoi ne pas reconnaître des droits à ces étrangers qui travaillent ici, en France, à ces milliers de salariés étrangers qui se lèvent tôt et qui restent invisibles, sans droits ?

Pourtant, ils contribuent au développement de notre pays, paient des impôts, participent à la bonne marche de l'économie… Mais ils sont sans papiers, ce qui fait d'eux des proies faciles pour toutes les exploitations et les rend corvéables à merci…

Le 15 avril, le mouvement des sans-papiers grévistes qui occupent leurs entreprises – nous saluons ici leur courage – a permis aux travailleurs des PME et aux femmes exerçant dans les secteurs du nettoyage et des services à la personne, de sortir également de l'ombre, et de rendre visible un travail qui répond à un réel besoin social.

L'opinion publique reconnaît l'apport de ces femmes et de ces hommes et la nécessité de ce travail.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à procéder à un examen au cas par cas, excluant toute régularisation massive.

Malgré votre dernière circulaire, le sort de ces personnes reste entre les mains des préfectures, c'est-à-dire soumis à un pouvoir discrétionnaire et arbitraire. Plus de 1 000 demandes ont été déposées, mais je suis au regret de vous dire que seulement 70 régularisations sont effectives à ce jour.

Selon le ministère, qui a reçu les grévistes, les associations et les syndicats le 19 mai, les consignes n'auraient pas été comprises par les préfectures, qui interprètent votre circulaire, de manière parfois abusive, par la lenteur, diluant ainsi vos promesses.

Pourtant les règles sont claires, et nous les connaissons : un contrat de travail, trois fiches de paie, l'engagement d'un employeur sans référence à la durée de séjour ou à la situation familiale, ni à la condition d'ancienneté dans l'entreprise.

M. Dominique Braye. La question !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce processus simplifié devrait s'appliquer à toutes les préfectures. Or ce n'est pas le cas !

Monsieur le ministre, vous engagez-vous à mettre un terme aux abus de certaines préfectures, en donnant des instructions claires visant à un examen rapide des demandes de carte de séjour « salarié » ?

Par ailleurs, pouvez-vous demander aux préfets de ne plus « piéger » les travailleurs, qui sont arrêtés après avoir déposé leur dossier et donné l'adresse de leur domicile et de leur lieu de travail ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Car oui, chers collègues, c'est malheureusement une réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 30/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/05/2008

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la sénatrice, vous avez évoqué deux sujets principaux et vous avez souligné, ce qui est d'ailleurs tout à fait fondé – cela me permet à mon tour de le rappeler devant la Haute Assemblée – qu'en moins d'un an, ce qui est très peu, nous avons signé non pas un, mais cinq accords de gestion concertée des flux migratoires : avec le Gabon, la Tunisie, le Bénin, la République démocratique du Congo, le Sénégal, et nous en signerons encore plusieurs au cours des prochains mois.

Cela signifie tout simplement – vous ne l'avez pas dit, mais c'est par pudeur, j'imagine – que la nouvelle politique d'immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d'émigration puisque, en Europe et surtout en France, deux immigrés sur trois viennent du continent africain.

Vous avez évoqué ensuite un sujet très sensible, il est vrai, parce qu'il touche à la personne humaine : celui des travailleurs sans papiers.

Madame la sénatrice, il faut bien comprendre que, dans notre pays, il y a des règles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La France est un État de droit et, dans un État de droit, les règles sont faites pour être respectées. (Très bien ! sur certaines travées de l'UMP.) Or la règle ici est simple : quand on est en situation irrégulière, on a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf cas particulier, sanitaire, humain, social et économique, vous avez raison.

M. David Assouline. Mais ce sont tous des cas sociaux !

M. Brice Hortefeux, ministre. Mais cela signifie aussi qu'un étranger en situation légale doit, lui, pouvoir impérativement bénéficier d'un effort d'intégration de notre part.

Certains des critères ont été définis dans le cadre de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, de novembre 2007. Vous avez participé aux débats, madame la sénatrice, je m'en souviens très bien, et vous n'ignorez donc pas que ce texte, en son article 40, prévoit très exactement la situation que vous visez, ce qui, au passage, démontre la capacité d'anticipation très forte du Gouvernement, mais vous ne l'avez pas dit, certainement, là aussi, par pudeur ! (Mme Alima Boumediene-Thiery s'exclame.)

Les critères sont connus, et ils sont plus précis que ceux que vous avez évoqués. Il doit s'agir d'un métier sous tension et d'une zone géographique bien définie, tant il est vrai que ce n'est pas la même chose de travailler dans le Pas-de-Calais ou dans le Cantal. Il faut qu'il y ait un véritable contrat de travail pour mettre fin à certaines distorsions, j'en suis d'accord. Il faut aussi, bien entendu, que l'employeur s'engage à acquitter les taxes qui sont dues lorsqu'on recrute un employé étranger. Certains espéraient profiter d'un effet d'aubaine, j'en suis tout à fait conscient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah !
M. Brice Hortefeux, ministre. Cela étant, un des chiffres que vous avez cités n'est pas exact, mais peut-être date-t-il de quelques jours : sur les 1 000 dossiers qui ont effectivement été déposés, 250 ont été acceptés. M. le Premier ministre a indiqué que les régularisations se limiteront à quelques centaines, dans un souci de justice sociale vis-à-vis des immigrés en situation légale.

Madame la sénatrice, alors que nous demandons à tous les membres de la communauté nationale, à tous nos concitoyens de respecter la loi dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui !

M. Brice Hortefeux, ministre. …il serait tout de même surprenant que la loi ne s'applique pas à ceux qui sont venus sur notre territoire sans autorisation, sans titre de séjour, avec un visa touristique,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par exemple, ceux qui gagnent de l'argent en France et qui ne veulent pas payer leurs impôts en France !

M. Brice Hortefeux, ministre. …et qui ont obtenu une autorisation de travail avec des papiers frauduleux ou falsifiés, achetés à de véritables filières.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Donc, je vous le confirme, il n'y a pas et il n'y aura pas de prime à l'illégalité ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)


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