Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 24/07/2008

M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le fait que certains usagers utilisent Internet pour diffuser des propos injurieux ou diffamatoires. Or, la prescription des délits correspondants obéit au régime des délits de presse, fixé par la loi du 29 juillet 1881. Ce régime établit hélas, une très courte prescription : un délit de presse est en effet prescrit trois mois après la première publication des propos litigieux. Eu égard à la nature électronique et dispersée des sites Internet, la prescription peut ainsi très facilement intervenir sans même que la victime d'une diffamation soit en mesure de porter plainte en temps utile. Dans un premier temps, certains tribunaux ont apporté une solution à ce problème en considérant que le délai de prescription ne devait courir qu'à compter de la suppression des textes en cause et non à la date de leur première publication (cf. notamment Cour d'appel de Paris, 15 décembre 1999). Cependant, la Cour de cassation a rapidement écarté cette position et a réaffirmé que le point de départ de la prescription se situait à la date à laquelle le message avait été mis pour la première fois à la disposition du réseau (arrêts des 30 janvier, 16 octobre et 27 novembre 2001, arrêt du 19 septembre 2006). Il souhaiterait en conséquence qu'elle lui indique si elle ne pense pas qu'il conviendrait de modifier les délais de prescription pour tout délit d'injure ou de diffamation commis par le biais d'Internet.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 25/12/2008

La garde des sceaux rappelle à l'honorable parlementaire que la diffusion via internet constitue un mode de publication au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, au même titre que la publication par écrit ou par moyen audiovisuel. Dès lors, les propos diffusés via internet sont susceptibles d'être incriminés sous les qualifications pénales issues de la loi du 29 juillet 1881, parmi lesquels la diffamation ou l'injure publiques, définies par l'article 29 de ce même texte. Concernant le point de départ de la prescription en matière d'infractions de presse commises sur internet, après un arrêt du 15 décembre 1999 où la Cour d'appel de Paris a considéré que ces infractions étaient des délits continus, un revirement s'est opéré en 2001. Par arrêts des 31 janvier 2001, 16 octobre 2001 et 27 novembre 2001, la Cour de cassation a réaffirmé que le délai de prescription de l'action publique court à partir du jour où « le message a été mis en place pour la première fois à la disposition des utilisateurs ». La loi pour la confiance dans l'économie numérique du 23 juin 2004 prévoyait de faire une distinction en matière de prescription suivant le support utilisé pour commettre l'infraction de presse. Ainsi, si le message était uniquement diffusé par le biais d'internet, ou s'il avait d'abord été diffusé sur internet, la prescription trimestrielle de l'action publique prévue à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ne commençait à courir qu'à partir du moment où la mise en ligne du message litigieux avait cessé. Cette disposition a été jugée contraire à la constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2004-496 du 10 juin 2004. Le Conseil constitutionnel a estimé que si, par elle-même, la prise en compte de différences dans les conditions d'accessibilité d'un message dans le temps, selon qu'il est publié sur un support papier ou qu'il est disponible sur un support informatique, n'est pas contraire au principe d'égalité, toutefois, la différence de régime instaurée, en matière de droit de réponse et de prescription, par les dispositions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique. Le Sénat a voté, en première lecture, le 4 novembre 2008, la proposition de loi déposée par M. le sénateur Marcel Cleach visant à allonger de trois mois à un an la prescription des délits de presse lorsqu'ils sont commis sur internet, avec cette réserve que lorsque le message diffusé en ligne ne sera que l'exacte reproduction d'un article ou de propos diffusés par la presse écrite ou audiovisuelle, le délai de prescription sera maintenu. En outre, il faut noter que la jurisprudence relative à la réédition qui fait courir un nouveau délai de prescription semble s'appliquer aux infractions de presse commises sur internet. Plusieurs décisions juridictionnelles ont consacré la notion de réédition sur internet lorsque les propos sont remis ou maintenus en ligne avec de nouvelles informations ou sur un nouveau support technique (tribunal de grande instance de Paris 26 février 2002, cour d'appel de Paris 27 février 2002, tribunal de grande instance de Paris 6 septembre 2004).

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