Question de M. PASTOR Jean-Marc (Tarn - SOC) publiée le 21/08/2008

M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 qui institue le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "EDVIGE" (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale).

Il s'agit de mettre en fiches « toutes personnes physiques âgées de 13 ans et plus (…) ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». Tous les citoyens ayant un jour souhaité s'investir pour leur cité sont susceptibles d'être visés.

Ce décret concerne également tout individu, groupe ou organisation dont l'activité est « susceptible de troubler l'ordre public » et permet aux services de police d'effectuer des enquêtes administratives pour l'accès à certains emplois ou à certaines missions, sur la base des éléments figurant dans le fichier EDVIGE.

Pourront ainsi être répertoriées au titre de l'enregistrement des données à caractère personnel toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, à l'appartenance ethnique, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses, au patrimoine, au véhicule, etc.

La CNIL (commission nationale de l'informatique et des libertés) est réservée sur plusieurs points très importants du décret : elle regrette le maintien du seuil de 13 ans, l'imprécision de la rédaction retenue pour le décret et l'absence de limite dans la durée de conservation des données ; elle déplore l'absence de garanties sur la collecte des informations relatives aux origines ethniques, à la santé et à la vie sexuelle des personnes ; elle observe l'absence dans le décret d'une procédure formalisée de mise à jour et d'apurement des fichiers.

Ce nouveau mode de recensement étend considérablement le champ des données collectables, comme les motifs justifiant le fichage. Il présente des risques importants d'attenter aux libertés et au respect de la vie privée. En effet, il s'agit aujourd'hui d'informer le gouvernement sur des individus engagés et non plus de lui permettre d'apprécier une situation politique économique ou sociale.

Dans la mesure où de nombreuses associations de défense des droits de l'homme s'en sont émues, il lui demande de bien vouloir lui expliquer pourquoi il n'a pas été tenu compte des réserves émises par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), accréditant l'idée que cette initiative gouvernementale s'inscrirait résolument dans le cadre de la mise en place d'une politique sécuritaire d'inspiration anti-démocratique.

Eu égard aux nombreuses imprécisions du texte, et partant, au risque de dérives qu'il porte en lui, il lui demande d'en prévoir très rapidement le retrait.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 26/02/2009

La réforme du renseignement mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a conduit à la création, le 1er juillet, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la disparition de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG). L'une des missions qu'exerçait la DCRG, la mission d'information générale, incombe désormais à la sécurité publique (et à Paris à la préfecture de police). Afin de permettre à la sécurité publique d'assurer sa nouvelle mission et donc de reprendre l'usage du fichier précédemment géré par la DCRG (amputé de ce qui concerne le renseignement intérieur, transféré à la DCRI, et les courses et jeux, transférés à la police judiciaire), il a été nécessaire d'instituer un nouveau cadre juridique, par un décret du 27 juin 2008. Ce fichier appelé Edvige constituait donc purement et simplement une reprise partielle du fichier des renseignements généraux créé par décret du 14 octobre 1991, intégrant les modifications apportées par une directive de 1995 et une loi de 2004. Son texte, soumis au conseil d'État, prenait en compte des demandes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Il a pourtant suscité des inquiétudes et des malentendus. Afin d'y apporter des réponses, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a ouvert une vaste consultation puis décidé de présenter un nouveau décret. Il convient à cet égard de souligner qu'eu égard notamment à la décision du ministre de retirer le décret portant création d'Edvige, le conseil d'État, saisi en référé, a rejeté le 29 octobre un recours présenté par plusieurs associations tendant à la suspension du décret du 27 juin. Ce dernier a été retiré par un décret du 19 novembre 2008. Le nouveau fichier ne comportera que des données directement liées à la sécurité publique ou permettant de répondre aux demandes d'enquêtes de recrutement imposées par la loi. Il apporte des garanties renforcées à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée, tout en préservant les moyens nécessaires aux forces de police pour assurer efficacement la sécurité des Français.

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