Question de M. KRATTINGER Yves (Haute-Saône - SOC) publiée le 31/10/2008

Question posée en séance publique le 30/10/2008

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

L'industrie automobile subit un choc terrible : des usines ferment, le chômage partiel explose, les intérimaires et les titulaires de contrats à durée déterminée sont renvoyés à l'ANPE, les équipementiers et les sous-traitants sont touchés. La sidérurgie va chômer aussi, le recul des commandes est très fort dans l'industrie, le marché immobilier est déprimé, les demandes de permis de construire se raréfient et le bâtiment va souffrir.

La crise est là, et elle est très grave ! Elle se propage à l'économie réelle par deux canaux : le financement insuffisant de la trésorerie et des investissements des entreprises ; la diminution des crédits accordés aux ménages et aux collectivités territoriales.

Les trois piliers de la croissance que sont la consommation, les exportations et l'investissement sont touchés.

Le moral des ménages et des chefs d'entreprise a atteint son niveau le plus bas depuis vingt ans. La récession est là. La menace d'un effondrement de l'économie par un effet de dominos n'est pas du tout écartée.

Devant cette situation sans précédent, le Gouvernement propose de supprimer la taxe professionnelle sur les investissements, décision dont l'effet sera nul à court terme mais qui sera financée dans deux ans sur le dos des collectivités territoriales !

Vous nous proposez également, monsieur le Premier ministre, de revenir au traitement social du chômage, tant décrié hier par l'actuelle majorité, en créant 100 000 contrats aidés dans les associations et dans les collectivités territoriales, tout en réduisant sévèrement leurs dotations.

Simultanément, vous continuez à défiscaliser les heures supplémentaires, ce qui joue contre l'embauche de nouveaux salariés.

Par ailleurs, le bouclier fiscal continue de « protéger » les plus riches, qui n'en ont pas besoin, alors que ce sont les plus modestes qui vont « trinquer » !

Que d'erreurs ! Que de contradictions ! Quelle est la cohérence de ces propositions ? Sans prendre en compte la gravité de la situation, vous annoncez, en réalité, une batterie de « mesurettes » disparates, marquées par l'attentisme, en espérant que le soleil reviendra.

Quand prendrez-vous les décisions indispensables ? Quand imposerez-vous aux banques de recommencer enfin à prêter ? Quand préparerez-vous un plan de sauvetage de la filière automobile, prévoyant des soutiens au marché et aux salariés, des garanties bancaires pour les sous-traitants, une aide à la recherche et au développement pour les constructeurs ? Quand proposerez-vous un « plan BTP » garantissant les prêts destinés à financer le secteur immobilier et l'investissement des collectivités territoriales ?

Nos concitoyens victimes de cette crise ressentent un profond sentiment d'injustice. Leur colère grandit. Monsieur le Premier ministre, vous devez nous proposer un plan de sauvetage de l'économie réelle qui soit à la hauteur de la gravité de la situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 31/10/2008

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2008

M. François Fillon, Premier ministre. Oui, monsieur le sénateur, la crise est grave ! Elle touche le monde entier, en particulier toute l'Union européenne. Nous avons décidé d'y faire face avec les moyens les plus énergiques.

Nous avons d'abord commencé par proposer, conjointement avec nos partenaires européens, un plan visant à donner un coup d'arrêt à la crise financière. Ce plan, qui a été exécuté extrêmement rapidement dans la totalité des pays européens touchés par la crise, commence déjà à produire des résultats.

Ainsi, nous avons assuré la continuité du fonctionnement du système financier et nous avons mis en place les conditions nécessaires pour que les banques recommencent à prêter aux entreprises et aux ménages.

J'ai moi-même installé, la semaine dernière, dans l'Eure, la première commission départementale, qui, sous l'autorité du préfet et du trésorier-payeur général, veillera au fonctionnement normal de l'économie.

Ces commissions nous permettront de vérifier que les instructions données aux banques sont bien respectées, en contrepartie du soutien qui leur est apporté, et que les établissements financiers ne se comportent pas de façon anormale.

Cela étant, nous ne nous sommes pas bornés à proposer des mesures pour empêcher la chute, qui était possible, de notre système financier. Nous avons également, depuis plusieurs semaines, mis en œuvre un dispositif destiné à venir en aide à l'économie, qui naturellement est touchée par le ralentissement de la distribution du crédit.

Ainsi, nous avons d'abord proposé un plan en faveur des PME, en mobilisant à leur profit 22 milliards d'euros issus de la collecte des livrets réglementés, OSÉO étant l'instrument principal de cette mesure.

Nous avons ensuite mis en place un plan d'urgence pour venir en aide au secteur du logement, en particulier grâce à l'achat par l'État de 30 000 logements en voie d'achèvement, qui seront transformés en logements sociaux. Cela nous permettra d'atteindre plus rapidement les objectifs que nous nous sommes fixés en la matière.

En outre, le Président de la République a annoncé, voilà quelques jours, la création d'un fonds stratégique devant nous permettre, en cas de nécessité, de prendre une participation au capital d'entreprises stratégiques en difficulté ou, plus généralement, d'entreprises françaises moyennes ou grandes qui, du fait de l'effondrement des cours de bourse, pourraient être la proie de prédateurs, ce qui mettrait en danger l'indépendance de notre économie.

Enfin, nous avons annoncé un certain nombre de mesures de soutien au secteur économique, comme la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements. Vous êtes vraiment seul à penser, monsieur le sénateur, que cette disposition sera sans effet ou qu'elle n'en aura que dans l'avenir !

M. René-Pierre Signé. Et la compensation ?

M. François Fillon, Premier ministre. Cette suppression est l'une des mesures les plus réclamées par les milieux économiques. Je vous rappelle que la France est le seul pays en Europe à avoir institué un impôt de cette nature. Nous devons essayer de réformer ensemble cette situation ancienne, dont la responsabilité est largement partagée. C'est la raison pour laquelle nous avons également lancé une réflexion sur l'organisation du territoire, qui débouchera sur des simplifications et une réforme fiscale d'ensemble.

Monsieur le sénateur, le plan que nous mettons en œuvre est donc de grande ampleur. Dans le même temps, nous agissons pour que l'Union européenne engage une politique de relance et de soutien à l'industrie.

Ainsi, il est absolument indispensable que la Commission européenne propose dans les meilleurs délais un plan de soutien à l'industrie automobile européenne. C'est ce que nous avons demandé lors du dernier Conseil européen. Alors que les États-Unis viennent de décider d'accorder une aide de 25 milliards de dollars à leur industrie automobile, il ne serait pas acceptable que l'Europe ne se dote pas des mêmes outils pour permettre à ses constructeurs automobiles de passer le cap difficile de la crise.

Comme vous le voyez, les mesures que j'ai évoquées sont loin d'être disparates ! Elles sont au contraire tout à fait cohérentes avec celles qui ont été prises par l'ensemble des pays européens. S'il fallait en prendre d'autres, pour pallier des effets de la crise qui ne se seraient pas encore manifestés, soyez assuré que le Gouvernement le fera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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