Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 14/11/2008

Question posée en séance publique le 13/11/2008

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

Le 31 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui a pour effet de repousser de soixante-cinq à soixante-dix ans l'âge de mise à la retraite d'office des salariés. Elle l'a fait avec l'aval du Gouvernement, représenté par M. Xavier Bertrand.

Selon les auteurs de cet amendement, il s'agissait d'éviter que les personnes de soixante-cinq ans souhaitant travailler plus longtemps ne soient discriminées. L'intention est louable : on modifie l'âge plafond sans toucher l'âge légal. On invite à cotiser plus sans y obliger. Le « travailler plus pour gagner plus » est ressuscité après quelques mois de léthargie. L'idée est astucieuse, mais elle cache mal la réalité des faits.

Personne n'est dupe : cette proposition vise à pallier la baisse continue des taux de remplacement par une augmentation brutale de la durée de cotisation. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

On nous rétorquera qu'il s'agit d'une permission et non d'une obligation. Mais, dans les faits, pour obtenir une retraite décente, bien des salariés devront travailler plus longtemps.

En cela, le report à soixante-dix ans de l'âge de mise à la retraite d'office est une provocation inutile. Qui peut croire que les salariés décident eux-mêmes, selon leur bon vouloir, de leur date de départ à la retraite ?

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement ne tient déjà pas ses objectifs financiers, avec un déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale estimé à 5 milliards d'euros en 2009 ; il pourrait avoir la décence de ne pas verser dans la surenchère gratuite !

Le vrai sujet est non pas l'allongement de l'amplitude du temps de cotisation, mais le maintien dans l'emploi jusqu'à soixante ans. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Car en France, aujourd'hui, c'est à cinquante-huit ans et demi que l'on est mis à la retraite, pas à soixante-dix ! (Nouvelles marques d'approbation sur les mêmes travées.)

En faisant mine d'offrir la possibilité de cotiser plus longtemps, on se moque de la très grande majorité des cotisants. Près de deux tiers des Français interrogés lundi dans Le Parisien-Aujourd'hui en France par l'institut CSA estiment d'ailleurs que le recul de soixante-cinq à soixante-dix ans de l'âge jusqu'auquel un salarié peut refuser d'être mis à la retraite d'office est « une mauvaise chose ».

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Dominique Braye. C'est du déclaratif !

M. Bernard Cazeau. Avec eux, monsieur le ministre, nous vous posons solennellement la question : allez-vous revenir sur l'amendement Jacquat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Non !

M. le président. La parole est à M. le ministre.


Réponse du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité publiée le 14/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2008

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le sénateur, le sujet doit être traité avec beaucoup de sérénité, en évitant les raccourcis et les contradictions que je viens d'entendre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Car il faut tout dire, monsieur Cazeau : c'est ce Gouvernement qui a décidé de prolonger le niveau minimum de retraite pour ceux qui ont fait toute leur carrière au SMIC. C'est cette majorité qui a adopté ladite disposition, et nous attendons de savoir si vous allez la voter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

C'est ce Gouvernement qui a décidé d'augmenter le minimum vieillesse de 25 % sur cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette mesure va être votée et nous attendons de savoir quelle sera votre position.

Il faut aussi dire que l'âge de la retraite reste bien fixé à soixante ans : rien n'est changé ! Aucune des conditions financières n'a été modifiée et chacun, en conscience, sait bien que telle est la réalité.

M. Jean-Pierre Bel. On prépare les esprits !

M. Xavier Bertrand, ministre. Alors, quand on cherche à mettre en avant des faux-semblants, c'est peut-être parce que l'on n'est pas très à l'aise avec le dossier des retraites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Il y a ceux qui ont mené la réforme voulue par François Fillon en 2003 et ceux qui se sont contentés de faire des rapports.

M. David Assouline. Quelle droite arrogante !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est vrai que mener une réforme demande du courage : c'est cette majorité qui a décidé d'engager celle des retraites en 2003.

C'est aussi, il faut le savoir, ce même Gouvernement qui a décidé de s'occuper des carrières longues. Car lorsqu'on a commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans, il est légitime de ne pas rester en activité jusqu'à soixante ans. Le groupe communiste le demandait depuis longtemps ; c'est cette majorité qui a mis en place un tel dispositif. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Dominique Braye. On agit !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est aussi cette majorité et ce Gouvernement qui vont mener à leur terme les négociations sur la pénibilité.

M. David Assouline. Démagogie !

M. Xavier Bertrand, ministre. Car lorsqu'on a exercé un métier difficile, ce n'est pas à soixante ans que l'on se sent cassé physiquement, c'est parfois avant.

Pourquoi voulez-vous faire sortir obligatoirement et automatiquement de l'entreprise les salariés qui ont atteint soixante-cinq ans ? Est-ce qu'on est « fichu » à cet âge-là ? Bien sûr que non !

Mme Raymonde Le Texier. Il ne s'agit pas de cela !

M. David Assouline. Vous jouez sur tous les tableaux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais juste vous donner un exemple précis, en vous lisant la lettre que j'ai reçue le 9 octobre de Jean-Yves, de Lille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi n'écoutez-vous pas ce citoyen qui rencontre une difficulté ?

Jean-Yves m'a écrit ceci : « J'ai rencontré mon président-directeur général fin août pour lui faire part de mon souhait de prolonger mon activité quelques mois au cours de l'année 2009. À ma grande surprise, j'ai reçu le 1er octobre un courrier recommandé avec accusé de réception de la directrice des ressources humaines me signifiant ma mise à la retraite d'office. J'aurai en effet 65 ans en décembre, mais je suis toujours tonique et réactif et, selon les gens que je rencontre, il paraît que je ne fais pas mon âge. »

À ce monsieur, vous, vous répondez : « tant pis » ! Nous, nous lui répondons : « nous allons faire bouger les choses » ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Quand on a travaillé durement, on s'arrête à 60 ans !

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