Question de Mme ANDRÉ Michèle (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 11/12/2008

Mme Michèle André interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les risques qu'encourt la filière apicole face aux insecticides neurosystémiques.
Nombre de molécules incorporées dans les insecticides, dont le cruiser, qui est aujourd'hui autorisé pour le traitement de cultures, sont soupçonnées de destructions massives de colonies d'abeilles. Indicateurs de l'atteinte faite à l'environnement, ces hyménoptères permettent pour l'homme de mesurer les atteintes dont peuvent souffrir les oiseaux, l'eau et l'alimentation humaine. Toutes les molécules à forte rémanence, c'est-à-dire dont les traces sont identifiables plusieurs années après traitement des cultures peuvent-elles être ainsi autorisées même avec toutes les précautions d'emploi voulues ? Il viendra un temps où les contentieux juridiques nés d'atteinte à la santé des abeilles, des oiseaux ou de l'homme via son alimentation, mettront en avant les responsabilités des agriculteurs utilisateurs et/ou du laboratoire producteur et/ou de l'État lui ayant accordé une autorisation de mise sur le marché.
Le plan Eco-phyto 2008-2018 qui souhaite voir la réduction de l'emploi des pesticides de moitié en agriculture n'a-t-il pas pour but premier de réduire l'impact environnemental de ces derniers ? Diminuer leur quantité sans s'assurer de la réduction réelle de leur concentration, toxicité à court, moyen ou long terme, ne serait-il pas contre productif ?
Il a réaffirmé en mai dernier sa vigilance dans le suivi de l'utilisation du cruiser, or il semble aujourd'hui que son autorisation de mise sur le marché n'ait pas été précédée par l'attente des résultats du protocole de suivi.
La fiche technique de ce produit, donc de cette molécule, attire l'attention sur les risques de toxicité sur les oiseaux, l'eau et les abeilles. Est-ce une façon pour le laboratoire qui le produit de se départir de toute responsabilité à venir ?
Les apiculteurs affirment qu'une simple rotation des cultures permettrait une lutte efficace contre les nuisibles en réduisant l'emploi du produit phytosanitaire cruiser, répondant là, sans doute, à leurs détracteurs qui les accusent de manque de bonnes pratiques apicoles. Est-ce le bon sens ?
Pour toutes ces interrogations et bien d'autres encore auxquelles le rapport d'un député intitulé "Pour une filière apicole durable" n'a que très partiellement répondu, elle souhaiterait voir le principe constitutionnel de précaution s'appliquer à toutes les molécules de ce type, dont le cruiser est aujourd'hui l'un des derniers exemples, en retirant ces produits du marché. Ce serait pour elle l'une des marches du plan éco-phyto 2008-2018 du ministère.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 12/02/2009

Le 14 novembre 2008, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a rendu un avis favorable au renouvellement de l'autorisation de la préparation insecticide Cruiser. Conscient toutefois des inquiétudes exprimées par certains apiculteurs face à ce produit, le ministre de l'agriculture et de la pêche a souhaité, avant de prendre une décision, rencontrer les différentes parties concernées : associations de protection de l'environnement, représentants de la profession apicole, organisations professionnelles agricoles, afin de recueillir leurs points de vue sur le dispositif de l'année écoulée. Dans le prolongement de ces rencontres et sur le fondement de l'avis rendu par l'AFSSA, il a décidé le 17 décembre dernier de renouveler l'autorisation pour 2009 de la préparation Cruiser. Cette autorisation est assortie de conditions restrictives et sous réserve d'un renforcement du suivi de son utilisation. Les conditions d'enrobage et d'utilisation sont strictement encadrées. Un arrêté ministériel précisera les contrôles à opérer vis-à-vis du processus d'enrobage des semences (dit « plan poussière »). L'utilisation des semences enrobées avec cette préparation n'est possible sur une même parcelle uniquement qu'une année sur trois. L'autorisation est limitée aux semences de maïs ensilage, grain et porte-graine femelle. Les agriculteurs sont tenus de mettre en place des déflecteurs sur les semoirs afin de limiter les émissions de poussières lors des semis. Les semis des semences enrobées de Cruiser doivent être effectués au plus tard le 15 mai 2009. En tenant compte de l'expérience de 2008, le protocole de suivi de l'autorisation est également renforcé. Le plan de surveillance est étendu à six régions au lieu de trois en 2008. Les ruchers faisant l'objet d'un suivi dans le cadre de ce plan seront installés plus précocement et leur nombre sera augmenté. Le nombre des mesures des poussières émises par extraction d'air suivant le procédé ORAMIP sera également augmenté et la traçabilité des parcelles améliorée. Ce protocole de suivi est une innovation en termes de suivi des effets non intentionnels sur l'environnement d'un produit phytosanitaire. Il s'inscrit dans la logique du plan « Ecophyto 2018 » qui prévoit la détection et l'identification des éventuelles conséquences de l'utilisation des phytosanitaires sur l'environnement. Le pilotage du plan de surveillance sera assuré par un comité placé auprès du cabinet du ministre de l'agriculture et de la pêche, associant toutes les associations qui le souhaiteront dans le cadre d'un suivi régulier et transparent. L'autorisation sera immédiatement suspendue si les éléments de suivi ou toute circonstance particulière le justifiaient. Par ailleurs, il a été décidé de charger la brigade nationale d'enquête vétérinaire, conformément aux préconisations du rapport du député Martial Saddier, de collecter, harmoniser et centraliser toutes les observations permettant de déterminer les raisons de la mortalité de ruchers sur l'ensemble du territoire national ; de demander à l'Institut national de la recherche agronomique de faire le bilan de l'état des recherches sur les méthodes agronomiques alternatives et évaluer les pratiques des autres pays européens pour lutter contre le taupin.

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