Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 19/02/2009

M. Bernard Piras attire l'attention de Mme la Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la mise en œuvre de l'article 40 du code de procédure pénale et du principe constitutionnel de la liberté du mariage.

Cet article 40 stipule notamment qu'un officier public ou un fonctionnaire qui a connaissance dans l'exercice de ses fonctions d'un délit doit sans délai informer le procureur de la République. Certains officiers de l'état civil s'estiment liés par cet article 40 pour saisir le parquet de la situation des étrangers en situation irrégulière qui projettent de se marier. Or, outre que le contrôle de la régularité du séjour des étrangers candidats au mariage n'entre pas dans les attributions des officiers d'état civil, ces pratiques se heurtent aux exigences constitutionnelles de la liberté du mariage.

En effet, dans une décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a jugé que des dispositions législatives qui prévoyait le signalement aux préfets de la situation d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour « sont de nature à dissuader les intéressés de se marier ; qu'ainsi, elles portent atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ».

Ainsi la pratique visant à saisir systématiquement le procureur de la République de la situation des étrangers en situation irrégulière qui déposent un dossier de mariage sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale est contraire à la jurisprudence constitutionnelle car de nature à dissuader les intéressés de se marier.

Si les prescriptions de l'article 40 du code de procédure pénale s'imposent à l'administration, cette dernière ne peut cependant pas faire de cet article une application qui aurait des conséquences anticonstitutionnelles.
Il lui demande si elle est en mesure de lui confirmer ce principe.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 16/04/2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que, dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a effectivement réaffirmé, dans le prolongement de sa décision du 13 août 1993, le principe fondamental de la liberté du mariage « composante de la liberté individuelle protégée par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ». Le Conseil a estimé que le respect de ce principe s'opposait « à ce que le caractère irrégulier du séjour fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ». Il en a déduit, d'abord, que, « si le caractère irrégulier du séjour d'un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d'autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale, le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l'absence de consentement, a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage » et ensuite « qu'en prévoyant, d'une part, le signalement à l'autorité préfectorale de la situation d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour et, d'autre part, la transmission au préfet de la décision du procureur de la République de s'opposer à la célébration du mariage, d'ordonner qu'il y soit sursis ou de l'autoriser, les dispositions de l'article 76 sont de nature à dissuader les intéressés de se marier qu'ainsi elles portent également atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ». La circulaire du ministère de la justice du 2 mai 2005 a pleinement tiré les conséquences de cette décision en soulignant : « L'article 40 du code de procédure pénale concerne le cas où, dans l'exercice de ses fonctions, l'officier public acquiert la connaissance de l'existence d'un crime ou d'un délit qui peut donner lieu à des poursuites pénales. Ces dispositions sont donc sans incidence directe sur la célébration du mariage à l'inverse de l'article 175-2 du code civil dont l'effet est de permettre au procureur de la République soit de retarder, soit d'empêcher la célébration du mariage. » Dans la mesure où une transmission de l'officier d'état civil sur le fondement de l'article 40 ne saurait avoir pour conséquence directe de retarder ou d'empêcher la célébration du mariage, il n'y a pas atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage. On peut en outre souligner qu'à propos du droit de mener une vie familiale normale, également protégé par la Constitution, le Conseil a jugé dans cette même décision « qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle et les exigences du droit de mener une vie familiale normale ». Sous réserve de l'appréciation des juridictions judiciaires, gardiennes de la liberté individuelle aux termes de l'article 66 de la Constitution, les signalements par les officiers d'état civil sur le fondement de l'article 40 de situations d'étrangers en situation irrégulière à l'occasion de dépôt de dossier de mariage n'apparaissent pas contraires aux exigences constitutionnelles. En cas de poursuites, il appartiendrait en outre à ces mêmes juridictions d'examiner éventuellement si les conditions d'interpellation sont conformes aux exigences de loyauté.

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