Question de M. ANTOINETTE Jean-Étienne (Guyane - SOC-A) publiée le 03/04/2009

Question posée en séance publique le 02/04/2009

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Etienne Antoinette. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Depuis le 2 mars dernier, la justice en Guyane est paralysée par une grève des audiences engagée par les avocats, largement suivie par les greffiers et les personnels des greffes, soutenue par le Syndicat de la magistrature, par les élus locaux et par la population.

La situation en cause est gravissime. Puisque, pour le Gouvernement, seule vaut la logique comptable en matière de carte judiciaire, citons quelques chiffres : 15 magistrats pour une population officielle de 210 000 habitants, contre une moyenne nationale de 12 magistrats pour 100 000 habitants ; 4 800 affaires par magistrat et par an contre une moyenne nationale admise par la Chancellerie de 1 100 affaires.

La Guyane, qui a vu sa cour d'appel supprimée en 1947 – fait unique en France –, dispose, depuis 1991, d'une chambre détachée à la cour d'appel de Fort-de-France. L'unique tribunal de grande instance, installé sur un territoire aussi vaste que le Portugal, est administré – y compris pour le moindre achat de crayon – par la cour d'appel de Fort-de-France, que 1 300 kilomètres d'océan séparent de la Guyane. Il y a en effet autant de distance entre Cayenne et la Martinique qu'entre Annecy et Varsovie ! Jamais, dans l'Hexagone, la Chancellerie n'aurait installé un centre de décision aussi éloigné des justiciables ! Comment accepter une telle aberration, une telle discrimination ?

Madame le garde des sceaux, vous avez pu vous-même constater l'indigence des locaux et la vétusté des équipements lors de votre visite en Guyane au mois de février 2008.

Les engagements pris dans le contrat d'objectifs signé en 2005 n'ont pas été respectés. La question de l'organisation administrative de la justice est tout simplement évacuée par la Chancellerie, qui, pour toute réponse officielle à la délégation d'avocats qu'elle a reçue le 19 mars dernier, a évoqué le déblocage de 100 000 euros destinés à la réalisation de menus travaux d'urgence au tribunal de grande instance, ainsi… qu'une réflexion approfondie.

Comment accepter que les justiciables attendent six mois une ordonnance en référé, quatorze mois une convocation devant le juge aux affaires familiales ou plus de trois ans une décision des prud'hommes ? Rappelons aussi des expertises médicales refusées ou sans suite, faute de paiement, et la fermeture du bureau d'aide juridictionnelle, faute de greffier.

Cette situation ne peut plus durer, sauf à tolérer un déni de justice et un traitement discriminatoire en Guyane.

Le rapport Merle de 1997, celui du Conseil supérieur de la magistrature en 2001, l'audit de la direction des services judiciaires en 2005, les interventions des différents bâtonniers ont formulé les mêmes recommandations.

Madame le garde des sceaux, la population guyanaise va doubler d'ici à 2030. Les besoins vont suivre. On ne peut plus tergiverser avec le droit au droit de tout justiciable, si je puis dire, où qu'il soit.

Oui ou non, madame la ministre, allez-vous mettre en place une cour d'appel de plein exercice à Cayenne et un tribunal de grande instance à Saint-Laurent du Maroni ?

Oui ou non, allez-vous construire un palais de justice digne de ce nom, dont la nécessité est indiscutable ?

Oui ou non, allez-vous créer en Guyane des postes de magistrats et de greffiers formés, et combien ? Bref, quand allez-vous agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Ministère de la Justice publiée le 03/04/2009

Réponse apportée en séance publique le 02/04/2009

La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur le sénateur : les juridictions de Guyane sont confrontées à de réelles difficultés. Pour m'être rendue sur place, j'ai pu le constater. D'ailleurs, depuis cette date…

M. René-Pierre Signé. Vous n'avez rien fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … le Gouvernement a mis en place des moyens pour tenter d'améliorer les conditions dans lesquelles la justice est rendue en Guyane.

Les avocats ont été reçus à la Chancellerie le 19 mars dernier.

J'ai demandé à l'inspection du ministère de la justice un rapport d'audit sur les conditions de travail au sein de cette juridiction.

M. Paul Raoult. Mieux vaut une table ronde !

M. Didier Boulaud. Ou une table carrée !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce rapport m'a été remis la semaine dernière. Il en ressort qu'il convient de prendre sans tarder des mesures.

C'est ainsi qu'une aide d'urgence de 100 000 euros a été débloquée, que des travaux de rénovation ont été immédiatement lancés et que des moyens humains et matériels sont accordés, si bien que tous les postes vacants seront pourvus à bref délai.

Vous connaissez les contraintes que subit la fonction publique lorsqu'il s'agit de pouvoir les postes, contraintes de transparence pour ceux de magistrats, notamment, et contraintes liées aux commissions d'affectation du personnel pour les postes de greffiers. Il faut donc tenir compte des délais afférents à ces contraintes. Néanmoins, le Gouvernement a, je le répète, pris les mesures nécessaires pour que tous les postes vacants soient pourvus.

Par ailleurs, j'ai demandé au secrétaire général du ministère de la justice de me faire des propositions sur l'organisation administrative de la justice en Guyane. Les pistes envisagées vont m'être prochainement soumises. Je lui ai également demandé d'examiner la possibilité de création d'une cité judiciaire.

Dès que ces propositions lui seront faites, le Gouvernement tiendra ses engagements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

M. René-Pierre Signé. Mais quand ?

M. Simon Sutour. Après le 7 juin ?

M. René-Pierre Signé. Ce sera bien la première fois que le Gouvernement tient ses engagements !

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