Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 11/06/2009

M. René-Pierre Signé souhaite attirer l'attention de M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) par le Gouvernement, mesure de politique sociale qui avait été formulée par le parti socialiste et qui apparaît comme un progrès en matière de droit social. Il remplace le RMI, l'API et différents mécanismes encourageant à la reprise d'activité : prime de retour à l'emploi, prime forfaitaire d'intéressement. Son côté positif est indéniable mais, comme toute belle médaille, il a son revers.

D'une part, le fait que les départements soient chargés de son application est une charge supplémentaire qui les oblige à créer un service complémentaire et à recruter du personnel, charge nouvelle, qui ne sera pas compensée.

D'autre part, le RSA s'appliquera principalement aux personnes qui ont trouvé un emploi ; or retrouver un emploi, dans la conjoncture actuelle, est particulièrement difficile. L'économie française crée peu d'emplois et avant tout des emplois temporaires ou partiels dont le RSA risque d'ailleurs d'encourager l'offre. La possibilité de proposer, en toute bonne conscience, des « petits boulots » à temps partiel est tentante puisque l'État complètera le salaire. Par là même, il contribuera à alimenter la pauvreté salariale, en particulier pour les services à la personne qui sont des services de moindre présence, se limitant en moyenne à 11 heures par semaine.

On peut donc craindre que l'impact sur la pauvreté soit faible, que les emplois peu rémunérateurs se multiplient et en conséquence que la qualité de l'offre soit altérée. Ce seront justement les moins « employables », les plus marginalisés qui resteront dans des « niches à pauvreté », avec le risque d'y demeurer longtemps, d'où une probable augmentation de l'isolement et de la précarité.

Il souhaiterait que ces effets pervers soient pris en compte et combattus de façon à ce que le RSA soit non seulement un complément de revenu indispensable mais qu'il permette et encourage la recherche d'un travail de qualité ; sinon on risquerait de constater qu'il aboutit à un effet contraire à son objectif.

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Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissariat à la jeunesse publiée le 23/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 22/09/2009

La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 582, adressée à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le haut-commissaire, je souhaite attirer votre attention sur la mise en place du revenu de solidarité active, le RSA, mesure de politique sociale qui avait été envisagée par le parti socialiste – une critique de ma part serait, par conséquent, malvenue – et qui apparaît comme un progrès en matière de droit social.

Le RSA remplace le revenu minimum d'insertion, le RMI, l'allocation de parent isolé, l'API, et différents mécanismes encourageant à la reprise d'activité, comme la prime de retour à l'emploi ou la prime forfaitaire d'intéressement.

Si ce côté positif est indéniable, il a son revers.

D'une part, l'application de cette allocation incombe aux départements, ce qui entraîne pour eux des frais supplémentaires et les oblige à créer un service et à recruter du personnel pour assurer cette prestation complémentaire : en d'autres termes, une charge nouvelle non compensée. Le financement du dispositif, lui-même très lourd, est, pour une grande part, supporté par le département.

D'autre part, le RSA s'appliquera principalement aux personnes qui ont trouvé un emploi. Or l'économie française crée peu d'emplois et, avant tout, des emplois temporaires ou partiels, dont le RSA risque d'ailleurs d'encourager l'offre. La possibilité de proposer, en toute bonne conscience, des « petits boulots » à temps partiel est tentante, puisque l'État ou les collectivités locales compléteront le salaire.

Par là même, le RSA contribuera à alimenter la pauvreté salariale, en particulier dans le domaine des services à la personne requérant une moindre présence de l'employé et se limitant, en moyenne, à onze heures par semaine.

Enfin, la complexité de l'inscription, le véritable interrogatoire imposé, les contrôles très stricts découragent les demandeurs.

On peut donc craindre, monsieur le haut-commissaire, que l'impact sur la pauvreté ne soit faible, que les emplois peu rémunérateurs ne se multiplient et, en conséquence, que la qualité de l'offre ne soit altérée. On pourrait aussi évoquer les pertes d'aides diverses qu'entraîne l'attribution du RSA.

J'aimerais que ces effets pervers, qui viennent ternir une mesure intéressante, soient pris en compte et combattus de façon que le RSA non seulement soit un complément indispensable, mais également permette et encourage la recherche d'un travail de qualité ; sinon, on risquerait de constater qu'il aboutit à un effet contraire à son objectif.

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, vous avez eu la courtoisie de souligner que le RSA constitue un progrès social. Vous pensiez probablement à toutes les personnes qui, jusqu'au mois de juin dernier, voyaient déduite du montant de leurs aides sociales l'intégralité du revenu de leur travail et ne percevaient pas un centime de plus, voire perdaient de l'argent, lorsqu'elles retrouvaient un emploi. Cette situation était inique. Le Gouvernement est heureux d'avoir été aidé par le Sénat à y mettre fin.

Je veux maintenant vous apporter des précisions susceptibles d'apaiser les craintes que vous avez formulées.

Le RSA fait-il peser des charges nouvelles sur les conseils généraux et sur les départements ? Dans cet hémicycle même, des amendements ont été adoptés pour éviter une telle incidence ; l'intégration de l'allocation de parent isolé dans le RSA est compensée au centime d'euro près. Une clause de revoyure a été prévue dans les deux années suivantes, pour vérifier qu'il en est bien ainsi.

La mise en place du RSA impose-t-elle aux départements de créer des services spécifiques ? Tel n'est pas le cas, puisqu'un système de conventions a été institué entre l'État, Pôle emploi, les caisses d'allocations familiales et les départements pour faire en sorte que l'accompagnement social et professionnel soit réparti entre ces différentes institutions.

De surcroît, l'État consacre une somme de 150 millions d'euros à l'aide personnalisée de retour à l'emploi mise en place département après département, ce qui permet souvent aux départements de limiter leur budget affecté à la reprise d'emploi et d'augmenter celui qu'ils destinent à l'accompagnement.

Le Gouvernement sera totalement transparent sur les chiffres en la matière. Il rendra compte des conséquences financières du revenu de solidarité active sur les dépenses des conseils généraux.

Le RSA va-t-il provoquer une dégradation de la qualité de l'emploi ? Le RSA ayant été expérimenté dans trente-trois départements avant sa généralisation, l'observation de la situation particulière de l'ensemble des personnes concernées n'a révélé aucune dégradation de ce type ; les allocataires ont même profité d'un complément de revenus.

Le temps partiel et la précarité existaient avant la création du RSA.

Alors qu'aujourd'hui 336 000 familles perçoivent un complément de revenus moyen de 185 euros chaque mois, vous ne pouvez pas soutenir, monsieur Signé, que le RSA n'a pas d'impact sur la pauvreté. Au contraire, il conduira un certain nombre de ménages à sortir de la pauvreté.

Pour s'en assurer, le Gouvernement a créé le comité d'évaluation du revenu de solidarité active, que j'ai installé la semaine dernière ; il est présidé par le professeur Bourguignon et comprend, notamment, cinq présidents de conseil général. Cette instance rédigera des rapports transmis au Parlement relatifs à l'effet du RSA sur le taux de pauvreté, sur la qualité de l'emploi, sur les dépenses des collectivités locales et sur le taux de retour à l'emploi.

Je suis persuadé que vous pourrez le constater, année après année, les effets favorables du RSA l'emporteront très largement sur d'éventuels effets pervers que nous pourrons corriger, s'ils se manifestent, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

Enfin, selon vous, monsieur Signé, le bénéfice du RSA ferait perdre des aides. Non, monsieur le sénateur, il n'en est rien.

Tout d'abord, et je parle sous le contrôle de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui vient de nous rejoindre, le montant du RSA n'est pas inclus dans les ressources prises en compte pour l'attribution de la couverture maladie universelle, la CMU.

Pour ce qui concerne la taxe d'habitation et la redevance télévision, un système progressif a été instauré, allant de la gratuité jusqu'à l'acquittement d'un certain impôt, sans qu'à aucun moment il y ait basculement de la gratuité au paiement de la taxe d'habitation à plein tarif.

Enfin, une sénatrice a proposé un guide d'évolution des aides connexes ; il a été cosigné par l'Association des régions de France, par l'Assemblée des maires de France et par l'Assemblée des départements de France. Il permet de faire évoluer l'ensemble des aides pour qu'elles soient désormais délivrées en fonction non plus du statut, mais des ressources, afin d'éviter qu'à un moment donné le fait de gagner un euro de plus grâce à son travail ou à l'attribution du RSA ne fasse perdre une aide équivalente à vingt, trente ou parfois cent euros. Il s'agit d'un progrès réel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans aucun cas de figure le RSA ne fait diminuer les ressources des bénéficiaires.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de cet excellent plaidoyer. Je savais que vous alliez présenter le dossier d'une façon très positive. Je veux cependant revenir sur certains points.

Premièrement, la mise en place du RSA connaît un début un peu poussif : 815 000 dossiers ont été enregistrés à la fin du mois d'août, alors que vous en attendiez 1,9 million…

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C'est quatre fois plus que lorsque le RMI a été mis en place !

M. René-Pierre Signé. Le chiffre est néanmoins bien inférieur à celui que vous espériez. Il doit être ajouté au 1,1 million de titulaires du RMI et de l'allocation de parent isolé.

Vous avez évoqué 336 000 familles. Selon les chiffres dont je dispose, 286 000 travailleurs pauvres ont bénéficié du RSA. Ces chiffres sont modestes, contrairement à vos affirmations.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ils concernent le mois d'août !

M. René-Pierre Signé. Deuxièmement, s'agissant du financement, vous nous affirmez que le RSA est compensé à l'euro près, mais les départements ne sont pas tout à fait de cet avis… Ils ont bel et bien dû recruter du personnel pour gérer cette prestation !

J'ai noté que le Premier ministre, M. Fillon, critiquait les recrutements des collectivités locales, qu'il juge intempestifs. Toutefois, il oublie que ces embauches ne sont dues qu'à des transferts de charges mal compensés et d'ailleurs imposés, car personne n'a demandé à gérer le RSA. (M. le haut-commissaire s'étonne.)

Troisièmement, malgré votre réponse, je sais, pour avoir pu l'observer, que les bénéficiaires, pour un simple emploi à trois quarts de temps, risquent de voir disparaître ou se réduire leur allocation logement, de même que peuvent être supprimées leur exonération de taxe d'habitation, leur prime pour l'emploi et la prime de retour à l'emploi qui existait précédemment. Et nombre d'entre eux m'affirment qu'ils risquent également de perdre leur droit à la CMU, bien que vous souteniez le contraire !

Il y a tout de même dans votre intervention un élément qui me donne satisfaction : vous avez affirmé que, si le RSA suscitait des effets négatifs, vous tâcheriez de les corriger. Monsieur le haut-commissaire, je pense que de tels effets se produisent, et je souhaite que vous y remédiiez !

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