Question de M. MARTIN Pierre (Somme - UMP) publiée le 16/07/2009

M. Pierre Martin rappelle à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche qu'en avril 2008, en réponse aux difficultés d'application de l'article L. 111-3 du code rural, fixant les règles d'urbanisme applicables à proximité des bâtiments d'élevage, et aux nombreux problèmes qu'il engendrait sur le terrain, le ministre de l'agriculture s'engageait à désigner une inspection générale au conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux à laquelle il avait associé le conseil général de l'environnement et du développement durable. Moins d'une année après, un rapport lui était remis préconisant trois recommandations :

- la suppression pure et simple de l'article L. 111-3 du code rural ;
- la refonte de cet article ;
- et enfin, afin de parer au plus pressé, l'élaboration d'une circulaire interministérielle donnant aux services les instructions et les éclaircissements nécessaires pour affronter les principales difficultés posées par la rédaction actuelle.

Il lui demande quel suivi a été accordé à ce rapport, où en sont les travaux des conseillers chargés du dossier, quelles dispositions seront prises pour répondre aux situations conflictuelles de voisinage ?

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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 14/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 13/10/2009

La parole est à M. Pierre Martin, auteur de la question n° 602, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, ma question s'adresse à M. Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le 15 avril 2008, j'interrogeais son prédécesseur, M. Michel Barnier, sur les critères d'urbanisme applicables dans le périmètre de bâtiments d'élevage.

Cette règle, qui figure à l'article L. 111-3 du code rural, énonce un principe général de réciprocité et impose qu'une distance d'éloignement de 100 mètres soit respectée entre les bâtiments à usage agricole et toute nouvelle construction ou à l'occasion de tout changement de destination de construction à usage non agricole nécessitant un permis de construire. Ce principe est fondé sur la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

Malgré les dérogations qui lui ont été apportées, l'application de cet article soulève un grand nombre de difficultés dans les communes rurales et les communes à forte pression démographique, et s'avère source de nombreux conflits et litiges entre nouveaux voisins.

J'avais alors demandé à M. Barnier s'il lui était possible de revoir cette question, pour assurer l'accueil de nouveaux arrivants dans nos villages, pour préserver le maintien des agriculteurs dans nos campagnes et pour favoriser l'installation des jeunes. Attentif à ces problèmes, il a désigné, comme il l'avait annoncé dans sa réponse, une inspection générale qu'il a confiée dès le mois d'avril 2008 au conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, en y associant le conseil général de l'environnement et du développement durable.

Après un travail approfondi, la mission a remis son rapport au ministre de l'agriculture et avancé trois recommandations : la suppression, en la matière, de l'« ardu » code rural au profit du code de l'urbanisme ; la refonte de l'article et le renvoi à un décret d'application pour les dérogations ; l'élaboration d'une circulaire interministérielle s'appuyant sur une cartographie de la localisation des exploitations. Or leur mise en œuvre éventuelle demandera beaucoup de temps, beaucoup trop de temps pour les projets actuellement en gestation ou à l'étude dans nos zones rurales.

Cela étant, la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural nous offre un outil non négligeable puisque les parties concernées y sont autorisées à déroger à la règle des 100 mètres par la création d'une servitude.

Ce type de dérogations, largement utilisé dans l'un de nos départements, reste toutefois trop modestement appliqué ailleurs, du fait, peut-être, que cette servitude ne concerne que les changements de destination ou l'extension de bâtiments agricoles existants, ce qui exclut les constructions neuves. L'article introduit pourtant une souplesse appréciable tout en ayant le mérite d'ouvrir le dialogue entre les parties prenantes.

Dans mon département – disant cela, je sais que je me fais aussi l'écho des préoccupations de nombre de mes collègues dans les leurs –, une réponse rapide doit être apportée à l'attente des fonctionnaires, des chambres d'agriculture, des maires, des propriétaires ruraux et des nouveaux arrivants, qui se heurtent à l'application de la règle.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, à l'heure où nous travaillons sur le Grenelle de l'environnement et cherchons, en particulier, à lutter contre le mitage des territoires ruraux, s'il vous est possible, compte tenu des normes et conditions d'hygiène actuellement imposées aux bâtiments agricoles, de compléter rapidement la rédaction de l'article L. 111-3 du code rural, pour faire en sorte que les servitudes permettant de déroger aux règles d'éloignement fassent partie des pièces prioritaires composant une demande de permis de construire. Nous éviterions ainsi bien des querelles de voisinage.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur Martin, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui n'a pu être présent ce matin. Pour être honnête, la réponse que je vais vous apporter en son nom apparaît quelque peu théorique par rapport à la suggestion que vous venez de faire. Celle-ci mérite en effet d'être étudiée rapidement, tant la création de servitudes est peut-être la meilleure façon de sortir de l'impasse actuelle.

Vous l'avez très largement rappelé, les règles d'urbanisme applicables à proximité des bâtiments d'élevage posent un certain nombre de problèmes au regard de l'objectif affiché de préserver les activités agricoles tout en permettant l'installation dans ces zones rurales de nouveaux habitants, qu'ils soient ou non exploitants. Je rappelle que c'est dans ces zones que la population croît le plus vite dans notre pays.

Si les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural imposant les mêmes règles de distance pour la construction d'habitations liées ou non à l'exploitation ont justement pour objet de permettre une cohabitation entre ruraux historiques et nouveaux ruraux dans les meilleures conditions, force est de constater qu'elles sont bien difficiles à mettre en œuvre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles ont été modifiées par l'article 79 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et par l'article 19 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, ce qui a permis aux communes d'assouplir le principe en édictant des règles d'éloignement spécifiques.

L'application de la règle de réciprocité reste néanmoins très complexe et soulève de nombreux problèmes. Vous l'avez rappelé, M. Barnier avait confié au conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux une mission d'évaluation.

En outre, les règles d'éloignement en la matière font l'objet de nombreuses dispositions législatives et réglementaires figurant dans divers codes. Leur gestion relève de plusieurs compétences ministérielles et leur application, au niveau local, de différents services départementaux et des mairies.

Face à ces difficultés réelles, l'inspection générale a proposé trois niveaux de recommandations. Vous les avez rappelés, je n'y reviens donc pas. Muni de ces éléments, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche poursuit son travail d'analyse et n'a encore pris aucune décision concernant la suite à leur donner.

Monsieur Martin, à mon sens, la suggestion que vous venez de faire d'avoir recours à la servitude, technique très ancienne du code civil, peut naturellement être versée au dossier puisqu'il est encore temps. Je la transmettrai donc à M. Le Maire, qui, j'en suis certain, ne manquera pas de vous tenir informé des développements de ce dossier et, notamment, du devenir de votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir précisé que ma suggestion méritait d'être prise en compte assez rapidement, tant il est vrai que la règle de réciprocité pose problème en la matière.

Mon département compte 560 000 habitants, mais comprend 782 communes, donc beaucoup de petites communes rurales dans lesquelles il devient impossible de construire, car les agriculteurs, soucieux de se protéger, s'appuient sur la règle des 100 mètres. Soyons sérieux : personne ne peut prétendre, en toute logique, que les mouches et les odeurs d'un élevage s'arrêtent à cette limite !

M. Michel Mercier, ministre. C'est sûr !

M. Pierre Martin. La création de servitudes permettrait de faciliter les rencontres et de recréer une certaine convivialité, élément essentiel de la vie de nos villages. À la campagne, il doit tout de même être possible de vivre en toute tranquillité, sans créer trop de préjudices à ses voisins !

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