Question de M. ANZIANI Alain (Gironde - SOC) publiée le 16/07/2009

M. Alain Anziani appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur les suicides en prison et sur les lacunes de la politique de prévention.

Les annonces gouvernementales en matière de lutte contre les suicides en prison ne se sont pour l'heure traduites par aucune amélioration concrète. Il est par ailleurs très regrettable que l'administration pénitentiaire ne rende plus publiques les statistiques relatives aux suicides en milieu pénitentiaire. Néanmoins, l'Observatoire international des prisons (OIP) estime que le nombre de suicides en prison est de 72 pour le premier semestre 2009, ce qui traduit une augmentation sensible par rapport au premier semestre 2008.

Ainsi, la maison d'arrêt de Gradignan a connu son second suicide en moins d'un mois. Depuis 1996, 32 détenus se seraient suicidés dans cet établissement qui se classe parmi les établissements dont le taux de suicide est le plus important. Il ne semble qu'aucune mesure spécifique n'ait été prise pour l'heure.

Il note par ailleurs que le Gouvernement ne semble avoir donné aucune suite au rapport rendu par le docteur Louis Albrand en avril dernier. Il rappelle que le docteur Albrand avait boycotté la remise de son rapport à la Chancellerie, pour dénoncer la « réécriture » de son rapport par l'administration pénitentiaire.

Concernant la prévention des suicides des personnes détenues, il est aujourd'hui urgent de rompre avec la logique actuelle qui ne vise qu'à empêcher les détenus de mourir. Pour réellement prévenir les suicides, il faut d'abord restaurer la personne détenue dans sa dignité d'homme. Aujourd'hui, cette dignité n'est pas respectée, notamment du fait de la surpopulation carcérale et de la violation systématique du principe de l'encellulement individuel.

En conséquence, il lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle entend prendre afin de lutter enfin efficacement contre les suicides de personnes détenues. Il lui demande notamment quelles suites elle entend donner au rapport Albrand et quelle sera sa politique en matière d'encellulement individuel.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/12/2009

Le nombre de suicides dans les prisons françaises constitue une des préoccupations principales du garde des sceaux. L'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination des personnes incarcérées depuis de nombreuses années. Elle a renforcé son action depuis 2002, date de la première circulaire interministérielle et 2004, à la suite du rapport du Pr Terra missionné conjointement par le garde des sceaux et le ministre chargé de la santé afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. Les efforts réalisés, notamment en matière de formation, ont permis à l'administration pénitentiaire de connaître en 2006, 2007 et 2008 une baisse du taux de suicides depuis 1991. Mais les progrès en ce domaine étant toujours fragiles, l'année 2008 a été marquée par une légère augmentation, comparativement aux deux années précédentes, notamment au printemps puis à l'automne 2008. C'est pourquoi en novembre 2008 a été mis en place une commission d'experts chargée de procéder à une évaluation du dispositif de lutte contre les suicides et de faire des propositions concrètes. Le 18 août 2009, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a clairement affirmé sa volonté de transparence sur le sujet en rendant public avec une mise en oeuvre immédiate les 20 recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention du suicide. Elle a souhaité initier son action sans délais et engager un véritable plan de prévention et d'intervention avec l'ensemble des personnels pénitentiaires et médicaux, ainsi que des acteurs de la vie carcérale, comme les bénévoles, intervenants divers, familles et codétenus. Ce plan d'actions doit être renforcé autour de cinq grands axes : la formation du personnel pénitentiaire face au risque suicidaire (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifiques) ; l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec la mise en oeuvre généralisée de matériel adapté (cellules de protection d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones) ; l'humanisation de l'univers carcéral avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone notamment) ; le développement des expérimentations (« codétenus de soutien » et la vidéosurveillance) ; le développement des activités en détention. Les dispositifs expérimentés sont inspirés par certains systèmes européens voisins qui ont démontré leur efficacité au regard de la baisse du nombre de suicides en détention. Ils résultent de la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue présentant un risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale ». Enfin, sur le principe de l'encellulement individuel, le programme immobilier d'envergure mis en place depuis 2002 visant à augmenter la capacité du parc pénitentiaire, ainsi que la mise en place d'une politique plus volontariste d'alternative à l'incarcération mise en oeuvre par les services pénitentiaires et qui produit d'ores et déjà des effets positifs, contribueront à offrir de meilleures conditions de détention et à atteindre l'objectif fixé par la loi pénitentiaire en la matière.

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