Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 18/09/2009

Question posée en séance publique le 17/09/2009

La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Le salon international de l'élevage SPACE 2009 s'est ouvert mardi dernier à Rennes dans un climat très tendu : la profession agricole est divisée, quatre ministres sont venus en renfort, le président de la FNSEA a été fortement chahuté. Le ring de présentation des animaux s'est transformé en ring de combat, dont vous avez été « exfiltré », monsieur le ministre, sous protection des gendarmes.

À l'origine de ce climat se trouve la « grève du lait » lancée par certaines organisations. Si l'on peut discuter la méthode, le constat s'impose : le prix du lait ne permet plus de couvrir les charges de production. Comment ne pas être en colère quand, dans le même temps, les prix des produits laitiers affichés dans les grandes surfaces ne diminuent pas, signe que les industriels et les distributeurs s'octroient des marges confortables ?

En réalité, cette grève du lait révèle le désarroi profond de toute la France agricole. Vous l'avez reconnu vous-même, monsieur le ministre : l'agriculture traverse la crise la plus grave qu'elle ait connue depuis trente ans. Effondrement des cours, difficultés à exporter, aléas climatiques : toutes les filières sont touchées en même temps, à l'exception peut-être d'une seule, celle du lait de chèvre !

Pour certaines, le malaise est profond. Je pense notamment à la viticulture ou encore aux productions fruitières et maraîchères, dont la situation a amené le président du groupe du RDSE, M. Yvon Collin, à vous alerter cet été. Pour d'autres, le mal est plus conjoncturel, lié à la crise économique générale ou à la sécheresse.

Quoi qu'il en soit, la situation est grave. Plus que la colère, c'est désormais l'abattement et même l'angoisse qui dominent. Nos agriculteurs ne peuvent plus se contenter d'effets d'annonce !

M. Jean-Pierre Sueur. Oui !

Mme Françoise Laborde. Au-delà des aides d'urgence, des avances de trésorerie, nécessaires mais insuffisantes, il faut agir sur le long terme par des mesures fortes et structurantes.

Monsieur le ministre, vous venez de lancer la réflexion sur la future loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Cette crise agricole de grande ampleur révèle aussi combien une régulation des marchés est indispensable.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Mme Françoise Laborde. Depuis 1992, l'Europe démantèle minutieusement la politique agricole commune pour livrer son agriculture à la seule loi du marché. Cette démarche libérale dogmatique est suicidaire !

M. François Marc. Oui !

Mme Françoise Laborde. Les campagnes françaises font peut-être encore rêver les gens des villes, mais plus ceux qui les habitent et les valorisent par leur labeur.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour garantir aux agriculteurs un revenu « stable et décent », comme le Gouvernement s'y était engagé ? Comment allez-vous leur permettre de vivre de leur travail et leur redonner la fierté de leur métier ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 18/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/09/2009

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur la situation de l'agriculture française. Je répète ici ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises : l'agriculture française vit la crise la plus grave qu'elle ait connue depuis une trentaine d'années.

Je tiens à vous rassurer sur ce qui s'est passé au salon international de l'élevage SPACE 2009 : le ministre n'a pas eu à être « exfiltré » ; il avait dit qu'il viendrait, il est venu ; il avait dit qu'il écouterait, il a écouté, et il a reçu toutes les organisations qui le souhaitaient, la FRSEA, la Fédération des jeunes agriculteurs, l'Association des producteurs de lait indépendants… (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un bon ministre !

M. François Marc. Il a reçu des tomates !

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, il faut avoir un certain courage pour ouvrir le dialogue quand certains le refusent a priori.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est votre devoir, tout simplement !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de ces péripéties, il nous faut envisager des mesures d'urgence. Certaines ont d'ailleurs déjà été prises sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République.

Ainsi, le Gouvernement a apporté, pour chaque filière, des aides à la trésorerie ciblées, qui répondent aux préoccupations des exploitants.

La filière du lait recevra dans un premier temps 30 millions d'euros, somme qui sera complétée par 30 millions d'euros supplémentaires. Nous souhaitons que cette mesure profite principalement aux jeunes agriculteurs et à ceux qui ont investi récemment.

Par ailleurs, 15 millions d'euros ont été alloués à la filière des fruits et légumes. Nous avons rendez-vous dans quelques jours pour examiner les moyens d'améliorer la compétitivité de ce secteur.

Enfin, je réunirai à la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre prochain les banquiers, les assureurs et l'ensemble des créanciers des exploitations agricoles françaises. Dans la crise que nous traversons, j'estime que l'effort pour soutenir les agriculteurs de France ne doit pas être supporté uniquement par l'État, mais partagé entre tous.

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est trop long !

M. Bruno Le Maire, ministre. Toutefois, ces mesures d'urgence ne suffisent pas. Vous l'avez souligné, madame la sénatrice, et je partage entièrement votre avis, nous avons également besoin de mesures structurelles, devant lesquelles, reconnaissons-le, nous avons reculé depuis trop longtemps.

M. Yvon Collin. C'est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ces mesures structurelles seront d'abord nationales : à la demande du Président de la République et du Premier ministre, elles feront l'objet d'un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

M. François Marc. Dans deux ans !

M. Bruno Le Maire, ministre. J'invite tous les membres de la Haute Assemblée à participer activement à la discussion de ce texte, qui sera déposé sur le bureau du Parlement non pas dans deux ans, mais d'ici à la fin de l'année 2009.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est trop long !

M. Bruno Le Maire, ministre. Mon propos est long parce que le sujet l'exige !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez deux minutes trente, comme tout le monde !

M. Bruno Le Maire, ministre. Des mesures de régulation seront aussi prises à l'échelon européen ; j'aurai l'occasion d'y revenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est que collectivement que nous parviendrons à apporter les bonnes réponses aux difficultés de l'agriculture française. Je compte donc sur vous pour nous aider dans ce travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

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