Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 17/09/2009

M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la BCAE Herbe. La décision envisagée concernant l'application de nouvelles BCAE (bonnes conditions agro-environnementales), en particulier pour la gestion des surfaces en herbe, ne manquera pas d'avoir de fâcheuses et lourdes conséquences. Les directives qui seraient imposées modifieraient sensiblement les modes de régénération des prairies telles qu'elles sont pratiquées dans le Massif Central, donc dans la Nièvre.
Cette décision impliquerait :
1) Un chargement minimal de 0,2 UGB/ha;
2) L'interdiction de retourner les prairies permanentes. Toutes les prairies permanentes inscrites dans la référence 2008-2009 seront ainsi figées;
3) Les prairies temporaires de plus de 5 ans qui seraient cultivées devraient être remplacées ha pour ha;
4) La surface de prairie temporaire de référence ne devra pas être réduite de plus de 30 %;
5) Les contrôles seraient sévères et précis et, en cas de non observance, pourraient entraîner la suppression des aides de la PAC.
Cette immixtion dans leur fonctionnement sera très mal ressentie par des agriculteurs qui pratiquent différemment la régénération des prairies sur ces territoires où l'élevage est essentiellement extensif. Ils se convertiront mal à ces nouvelles pratiques, beaucoup plus contraignantes, les enfermant dans un carcan réglementaire sans souplesse, peu rationnel et contre productif.

Il lui demande donc si ces mesures peuvent être appliquées avec plus de discernement, aménagées, adaptées à chaque région, le Massif Central, bassin allaitant, pouvant bénéficier de règlement particulier.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 28/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 628, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'hypothèse d'une application assez brutale des nouvelles BCAE – bonnes conditions agricoles et environnementales –, en particulier pour la gestion des surfaces en herbe. Leur mise en œuvre modifierait sensiblement les modes de régénération des prairies tels qu'ils sont pratiqués dans le Massif central ainsi que dans la Nièvre, prolongement septentrional de ce dernier, et ne manquerait pas d'avoir de fâcheuses conséquences.

Cette décision impliquerait en effet pour les agriculteurs certaines contraintes : un chargement minimal de 0,2 unité de gros bétail, ou UGB, par hectare ; l'interdiction de retourner les prairies permanentes – toutes celles qui sont inscrites dans la référence 2008-2009 seraient ainsi figées – ; le remplacement hectare pour hectare des prairies temporaires cultivées de plus de cinq ans ; enfin, l'impossibilité de réduire de plus de 30 % la surface de prairie temporaire de référence. Au surplus, les contrôles seraient sévères et précis et, en cas de non-observance de la réglementation, les aides de la PAC pourraient être supprimées.

Cette mesure pérenniserait ainsi les prairies permanentes et limiterait les possibilités de retournement des prairies temporaires, ce qui serait très mal ressenti par des agriculteurs qui, sur des territoires où l'élevage est essentiellement extensif, pratiquent différemment la régénération des prairies, en assurant une rotation plus fréquente des cultures et en réduisant les intrants. Ces agriculteurs se convertiraient difficilement à ces nouvelles pratiques, beaucoup plus contraignantes, qui seraient de nature à les enfermer dans un carcan réglementaire sans souplesse, peu rationnel, voire même contre-productif dans certaines régions.

Ne serait-il pas possible, monsieur le secrétaire d'État, d'appliquer ces mesures avec davantage de discernement, et de les adapter aux spécificités de chaque région, en prévoyant, par exemple, une réglementation particulière pour le Massif central, bassin allaitant ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur Signé, vous interrogez M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'application, en général et singulièrement dans votre département, des bonnes conditions agricoles et environnementales, les fameuses BCAE. M. Bruno Le Maire aurait souhaité vous répondre personnellement, mais il travaille actuellement avec le Président de la République à des annonces importantes en matière de politique agricole. Il vous prie de bien vouloir l'excuser.

Le bilan de santé de la PAC a été ouvert voilà plus d'un an et conclu le 20 novembre 2008, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. L'accord obtenu à l'issue d'une longue et difficile négociation permet de consolider la PAC à court terme, et laisse chaque État membre libre d'orienter une partie des aides en fonction de choix nationaux.

Les mesures annoncées le 23 février 2009, conformément aux orientations souhaitées par le chef de l'État et sous l'autorité du Premier ministre, conduisent à réorienter en 2010 près de 1,4 milliard d'euros, soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs.

Parmi les quatre objectifs fixés, l'instauration d'un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe, auquel vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, mobilisera 700 millions d'euros afin d'attribuer des droits à paiement unique, ou DPU, aux agriculteurs ayant déclaré de l'herbe productive pendant une période de référence à définir.

Ce soutien répond à une logique économique de maintien du potentiel de productions animales sur le territoire, à partir de systèmes à l'herbe productifs avec un minimum d'animaux à l'hectare.

À la demande des organisations professionnelles agricoles, l'octroi de cette dotation spécifique dans le cadre du découplage devra s'accompagner d'une assurance sur la continuité de la mise en valeur de ces surfaces en herbe.

Ainsi, au titre de ces BCAE, une nouvelle norme sera mise en œuvre à partir de 2010 dans le cadre de la conditionnalité des aides, dont l'objectif est le maintien des prairies permanentes et temporaires.

Cette nouvelle norme comprend en premier lieu l'exigence d'une productivité minimale des surfaces herbagères, qui doit se traduire soit par un chargement minimal de 0,2 UGB par hectare calculé par exploitation – ce seuil, fixé nationalement, peut être adapté par arrêté préfectoral pour les zones peu productives –, soit par un rendement minimal des surfaces en herbe, défini par arrêté préfectoral pour les exploitations commercialisant tout ou partie de leur production herbagère ; ce seuil, là encore, pourra être adapté par arrêté préfectoral pour les zones peu productives.

La nouvelle norme comprend en second lieu une exigence de maintien global des surfaces en herbe, qui s'applique au niveau de l'exploitation, et qui s'appuie sur les principes suivants : le non-retournement des pâturages permanents, sauf circonstance exceptionnelle ; le retournement des prairies temporaires de plus de cinq ans sous condition de réimplantation de l'exploitation, avec cependant une prise en compte du parcellaire; enfin, une évolution des prairies temporaires par rapport à l'année de référence, dans la limite de 30 %.

Vous avez eu raison de vous inquiéter du caractère sans doute trop rigoureux de ces exigences, monsieur le sénateur. Des souplesses, qui restent toutefois très encadrées, ont été prévues au niveau départemental. Les États membres doivent en effet s'assurer du maintien d'un ratio de pâturages permanents - prairies temporaires et prairies permanentes de plus de cinq ans - dans la surface agricole utile. En cas de détérioration de ce ratio par rapport à 2005, année de référence, les États membres doivent, selon la réglementation communautaire, se donner les moyens de limiter l'érosion des pâturages permanents, voire obliger les agriculteurs à les réimplanter.

Je reprendrai maintenant ces différentes souplesses.

Premièrement, l'exigence sera adaptée pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'installer dans de bonnes conditions.

Deuxièmement, une dérogation est prévue pour les exploitations en reconversion aidées par l'État, comme pour celles qui bénéficient de l'aide à la cessation d'activité laitière.

Troisièmement, la souplesse introduite au maintien des prairies temporaires de plus de cinq ans au regard du parcellaire des exploitations est conditionnée. Afin que cette dernière dérogation ne conduise pas à une diminution systématique de ces prairies, elle sera toutefois évaluée chaque année au niveau départemental avant d'être reconduite.

Quatrièmement, les surfaces déclarées en prairies temporaires l'année de référence, alors qu'elles étaient en gel l'année précédente, ne seront pas retenues dans la référence.

Enfin, cinquièmement, les surfaces en prairies temporaires engagées dans une mesure agro-environnementale de reconversion des terres arables ne seront pas comptabilisées non plus.

Ces assouplissements que vous appeliez de vos vœux, monsieur le sénateur, sont de nature à répondre aux interrogations des agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je remercie M. le secrétaire d'État d'avoir pris en compte cette question, qui est importante, mais aussi d'avoir admis que les règles imposées étaient un peu rigoureuses et que, par conséquent, des dérogations étaient possibles, ce qui était précisément le but de ma question.

Au-delà de la dérogation pour les jeunes agriculteurs, qui avait déjà été confirmée, je crois que, si des modifications et des assouplissements pouvaient être apportés dans certains départements ou dans certaines régions à ces règles brutalement imposées, les agriculteurs seraient satisfaits.

J'ajoute, monsieur le secrétaire d'État, que les BCAE ne concernent pas seulement les prairies. Cela va beaucoup plus loin, puisqu'il existe une norme en matière de protection et gestion de l'eau qui s'impose à toute la sole irriguée. Il en va de même en matière de maintien et d'élargissement des particularités topographiques : les haies, les étangs, les fossés et les arbres pourront être retenus comme éléments topographiques, ce qui signifie que l'on n'aura quasiment plus le droit d'y toucher !

Cette nouvelle norme de gestion des surfaces en herbe, celle dont nous venons de parler, ne fait que renforcer des exigences qui existaient déjà mais qui sont devenues encore plus contraignantes.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez entrouvert une porte, et je vous en remercie. J'espère que toutes ces mesures, qui nous semblent imposées un peu brutalement, pourront faire l'objet d'aménagements et d'adaptations en fonction des régions.

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