Question de Mme LEPAGE Claudine (Français établis hors de France - SOC) publiée le 28/10/2009

Question posée en séance publique le 27/10/2009

Concerne le thème : L'immigration

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer la question sensible des mineurs étrangers isolés, et d'abord le problème de l'expertise médicale à laquelle la PAF, la police aux frontières, peut soumettre ceux-ci à leur arrivée en France en cas de doute sur leur âge réel. Sont alors suspects, même ceux qui présentent un document d'identité, considéré comme faux, bien entendu…

Les services médico-judiciaires procèdent donc alors à des examens cliniques qui, selon le corps médical lui-même, ne peuvent que fournir une estimation très approximative de l'âge d'une personne : la marge d'erreur est de dix-huit mois. Comment, dans ces conditions, admettre que le sort de ces jeunes puisse dépendre exclusivement de ces examens ?

De plus, ceux-ci sont souvent pratiqués sans le consentement averti des mineurs eux-mêmes, qui ne bénéficient pas toujours de l'assistance d'un interprète.

Résultat : jusqu'à 60 % des personnes maintenues en zone d'attente se déclarant mineures ont été considérées par la PAF comme étant majeures.

Une telle procédure est indigne de la patrie des droits de l'homme. Tout mineur étranger isolé doit être présumé mineur en danger.

Que deviennent ensuite les mineurs « certifiés conformes » ?

Tout va à peu près bien jusqu'à leur majorité. S'ils ont été repérés, ils sont placés dans un centre d'accueil et scolarisés. Pourtant, une fois majeurs, ils ne sont plus protégés par un statut juridique. Ils se retrouvent sans ressources ni papiers, devenus irréguliers dans le pays où ils espéraient vivre et travailler. Leur avenir étant ainsi hypothéqué, ils deviennent la proie facile de filières criminelles. Ils ne peuvent même plus avoir de contacts avec les éducateurs et les travailleurs sociaux qui, pourtant, les ont suivis jusqu'à la veille de leur dix-huit ans.

Que comptez vous faire, monsieur le ministre, pour mettre fin à cette situation honteuse, indigne de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)


Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 28/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009

M. Eric Besson, ministre. Madame la sénatrice, je suis extrêmement surpris de la tonalité de votre question. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

J'ai répondu tout à l'heure à propos de « la jungle », comme l'appelaient les migrants, que la France est l'un des rares pays au monde, l'un des rares pays en Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. C'est faux !

M. Pierre Assouline. Cela ne vaut que jusqu'à leurs dix-huit ans !

M. Eric Besson, ministre. Je persiste et signe : la France est l'un des rares pays au monde et en Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés, et je serais très heureux que quelqu'un m'apporte la démonstration du contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Répondez à la question, qui est précise !

M. Eric Besson, ministre. Pour autant, devons-nous ignorer que nous faisons face à un afflux de mineurs étrangers isolés, notamment pour les raisons que je viens d'indiquer ? Car, à partir du moment où il est notoire que la France ne les reconduit jamais, il est logique que, pour les filières, pour les passeurs, elle devienne une destination recherchée.

Cela étant, la France n'est pas seule à être confrontée à ce phénomène, qui est à ce point devenu un problème européen que l'actuelle présidence suédoise vient de décider d'en faire l'une des priorités de ce qui s'appellera le « programme de Stockholm », et que la future présidence espagnole l'inscrira parmi ses toutes premières priorités.

Oui, vous avez raison, madame la sénatrice, il y a une zone floue : nous accueillons des mineurs qui ont quatorze, quinze, seize ans, et dont la régularisation n'est pas automatique lorsqu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans. C'est pourquoi j'ai créé un groupe de travail, auquel participent notamment France Terre d'asile et divers experts, chargé d'étudier cette question.

Quant à l'examen médical, madame la sénatrice, contrairement à ce que vous avez suggéré, notre jurisprudence, nos règles, veulent que le doute sur l'âge profite toujours au mineur. Lorsque nous sommes dans la marge d'incertitude que vous évoquez, c'est donc toujours au mineur qu'elle profite.

Je donnerai un exemple de l'application concrète de ce principe aux mineurs extraits de « la jungle » : savez-vous que mon ministère, pour 100 jeunes Afghans isolés, a mobilisé, afin qu'ils soient bien traités et que nous puissions leur proposer un parcours de vie, 700 000 euros ? Vous m'avez bien entendu : pour 100 jeunes Afghans, 700 000 euros ont été débloqués en urgence par mon ministère. Si ce n'est pas là une preuve irréfragable de la générosité de la France, que vous faut-il ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, c'est précisément sur le passage de la minorité à la majorité que j'ai insisté, car c'est à ce moment-là que surviennent le plus de problèmes et que ces jeunes, qui ne sont plus protégés, ont tendance à disparaître, voire, pour certains, à sombrer dans la criminalité.

S'ils ont suivi un cursus scolaire en France durant un, deux ou trois ans, ils parlent français, ils ont acquis des compétences. Plus que quiconque, ils réunissent donc les conditions pour être naturalisés, ou tout au moins pour, dans un premier temps, obtenir un permis de séjour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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