Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 08/10/2009

Mme Alima Boumediene-Thiery interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, à propos de son soutien apporté au projet de destruction du lac de Beaumont-sur-Oise et à sa transformation en décharge.

Le lac de Beaumont-sur-Oise constitue un site d'exception, renfermant une très grande biodiversité sur 27 hectares : 700 espèces, dont 180 classées « remarquables » et plus d'une dizaine classées comme des espèces protégées. Par ailleurs, la présence de trois habitats d'intérêt communautaire au sens de la directive Natura 2000 ont été relevés par une expertise écologique : 3140 (Eaux méso-oligotrophes calcaires avec végétation benthique à Characées), 6210 (Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d'embuissonnement sur calcaires) et 6410 (Prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilo-limoneux, Molinion-caeruleae). Présentant un intérêt floristique très fort, une partie du site est classée en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF).

Le préfet du Val-d'Oise a cependant autorisé la transformation de ce site remarquable en décharge devant accueillir des déchets de gravats et déblais des bâtiments et travaux publics.

Le 1er août 2008, une ordonnance de suspension de l'arrêté préfectoral qui avait autorisé la mise en décharge du lac est prise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Soutenu par le ministère de l'écologie, le préfet du Val-d'Oise et la société CALCIA, bénéficiaire de la décision, ont formé un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a confirmé, le 29 juin 2009, la suspension de l'arrêté préfectoral.

Dans ces circonstances, elle souhaite connaître les raisons qui amènent le ministre à soutenir ce projet.

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Réponse du Secrétariat d'État aux transports publiée le 28/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 642, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le secrétaire d'État, je regrette l'absence de Jean-Louis Borloo ; en effet, ma question, qui porte sur la destruction projetée du lac de Beaumont-sur-Oise et sa transformation en décharge, le concerne directement.

Nombreux sont les citoyens du Val-d'Oise qui ont appris avec surprise et consternation que le préfet de ce département apportait son soutien à la transformation du lac de Beaumont en décharge devant accueillir des déchets de gravats, de déblais des bâtiments, de travaux publics, au profit d'une société privée, les Ciments Calcia.

Le lac de Beaumont-sur-Oise, le plus grand lac profond d'Île-de-France, constitue un site d'exception. Il renferme une très grande biodiversité sur 27 hectares : 783 espèces, dont 236 sont classées « remarquables » et plus d'une dizaine comme espèces protégées, plus de 60 espèces d'oiseaux, également protégées.

Par ailleurs, trois habitats d'intérêt communautaire au sens de la directive Natura 2000 ont été relevés par une expertise écologique : 3 140 eaux méso-oligotrophes calcaires avec végétation benthique à characées, 6 210 pelouses sèches semi-naturelles et faciès d'embuissonnement sur calcaires, et 6 410 prairies à molinia.

Présentant un intérêt floristique très fort, une partie du site est classée en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique.

En dépit de ces éléments, qui militent pour une protection renforcée de ce site, le préfet du Val-d'Oise a autorisé la transformation de ce site remarquable en décharge.

Le 1er août 2008, une ordonnance de suspension de l'arrêté préfectoral qui avait autorisé la mise en décharge du lac est prise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Soutenus par le ministre de l'écologie, le préfet du Val-d'Oise et la société CALCIA, alors sous le pseudonyme de Valoise SAS, bénéficiaire de la décision, ont formé un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a confirmé et renforcé les motifs de la suspension de l'arrêté préfectoral, par une décision du 29 juin 2009, en reconnaissant aux espèces protégées un habitat prioritaire au sens de l'annexe I de la directive « Natura 2000 » 92/43/CEE du Conseil.

La pugnacité des associations de protection a permis de suspendre un tel projet, mais il revient à l'État, par votre voix, monsieur le secrétaire d'État, de se justifier sur les raisons qui l'amènent à soutenir un tel projet, contraire aux engagements du Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

Ma question est donc simple.

Nous souhaitons savoir pourquoi vous continuez de soutenir contre un jugement de la plus haute juridiction – je vous rappelle que le Conseil d'État nous a donné raison – un projet dont nous savons qu'il n'est pas « grenello-compatible » et, dans le cas contraire, quelles mesures vous comptez prendre pour protéger définitivement ce patrimoine naturel contre sa destruction ou sa dégradation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui m'a demandé de vous répondre sur l'opération de remblaiement du Lac de Beaumont-sur-Oise.

La société Ciments CALCIA a exploité le terrain de ce lac à partir de 1913 sous un autre nom, pour l'extraction de craie destinée à la cimenterie de Beaumont-sur-Oise. En 1968, cette carrière a été fermée conformément à la réglementation en vigueur, qui ne prévoyait pas, à l'époque, de remise en état du site comme cela se fait actuellement. Au fur et à mesure des années, un lac artificiel s'est donc créé, et la nature a progressivement enrichi ce milieu d'un point de vue faunistique et floristique, sans toutefois donner au lac un caractère exceptionnel.

En 2004, la société Ciments CALCIA a vendu ce terrain à la société Valoise, sous réserve qu'elle remette le site en état et qu'elle dispose donc des autorisations nécessaires pour procéder au remblaiement. Ainsi, la société Valoise a déposé une demande d'autorisation au titre de la police de l'eau qui, après plusieurs demandes d'éléments complémentaires, a été considérée comme complète le 11 septembre 2006.

S'agissant d'une procédure de réhabilitation d'un ancien site industriel, le projet a consisté à garantir le maintien de la faune et de la flore présentes sur le site et à améliorer la sécurité de ce dernier, qui avait malheureusement enregistré plusieurs accidents mortels ces dernières années. La zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique, la ZNIEFF, située à proximité du site a également été prise en compte, notamment pour éviter son enclavement et sa dégradation comme c'est le cas actuellement.

L'instruction du dossier au titre de la police de l'eau visait à apporter des garanties concernant notamment l'impact du projet sur les nappes phréatiques et les eaux superficielles, sur le plan qualitatif et quantitatif – plusieurs études ont été réalisées afin de mieux prendre en compte le fonctionnement hydrologique du lac et des captages les plus proches – ; le milieu aquatique et son écosystème – un inventaire faunistique et floristique a été demandé avant tout commencement du remblaiement – ; enfin, la prise en compte du lac dans les phénomènes de crues – ce lac n'est pas inscrit dans le plan de prévention des risques d'inondation.

Aussi, l'arrêté d'autorisation au titre de la police de l'eau prévoit des prescriptions obligatoires afin de limiter l'incidence du projet. Cette autorisation ayant été annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, les services de l'État ont récemment fait appel et ont formé un pourvoi en cassation, car ils estiment que le projet présenté par la société Valoise respecte la réglementation en vigueur et permet la mise en sécurité du site tout en restant compatible avec les enjeux de préservation de la biodiversité locale. Il est nécessaire de rappeler que les services d'État interviennent ici au titre du respect du droit et non en opportunité pour favoriser telle ou telle opération.

Toutefois, il convient d'attirer votre attention sur le fait que les services de notre ministère restent ouverts à l'examen de tout projet alternatif que porteraient les collectivités locales en accord avec le propriétaire du site et qui garantirait la mise en sécurité et la préservation du site.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le secrétaire d'État, je reviendrai brièvement sur trois points.

D'abord, la remise en état du site qui était proposée à la société privée n'a malheureusement pas eu lieu. La destruction et les dégradations résultent donc de la transformation du site en décharge et non de sa remise en état telle qu'elle était prévue dans le contrat.

Ensuite, pour les études, le Conseil d'État affirme que l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle ne comporte aucun diagnostic de l'état du fond du lac et que l'inventaire exclut toute la biodiversité : les insectes, les poissons, les algues, les espèces floristiques et aquatiques.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez les atteintes à l'économie locale. Aujourd'hui, elles sont inexistantes, puisque ce projet n'est toujours pas mis en œuvre.

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