Question de M. DUPONT Jean-Léonce (Calvados - UC) publiée le 15/10/2009

M. Jean-Léonce Dupont attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la question d'une éventuelle réparation par le département des préjudices subis par une assistante maternelle ayant fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait d'agrément prononcé par le président du conseil général suite à l'ouverture d'une enquête pénale portant sur des suspicions d'actes répréhensibles de son fait, ou du fait d'une des personnes vivant au foyer et considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale.

En effet, la jurisprudence admet la responsabilité sans faute d'un département dans des cas de suspension puis de retrait d'agrément d'une assistante maternelle finalement réintégrée dans ses fonctions à la suite d'un classement sans suite. Elle reconnaît ainsi le droit à cette dernière de réclamer des dommages et intérêts en se fondant sur le principe de rupture d'égalité devant les charges publiques.

Aussi, en adoptant le principe de précaution dans l'intérêt et la protection de l'enfant, le département s'expose-t-il systématiquement à des recours par ailleurs de plus en plus nombreux. Ceci représente un coût substantiel d'autant plus que les procédures pénales engagées sont souvent longues.

Ainsi, il souhaiterait savoir si la procédure de suspension, dans des cas précis et définis préalablement, ne pourrait pas être liée à l'instruction pénale et aboutir à la mise en place d'une nouvelle mesure appelée « retrait temporaire » qui s'éteindrait avec la clôture de celle-ci.

A défaut, il souhaiterait savoir si, dans des cas précis et définis préalablement, le principe d'un plafonnement des sommes réclamées au département en cas de recours en dommages et intérêts ne pourrait être envisagé.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 16/12/2009

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2009

M. Jean-Léonce Dupont. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l'éventuelle réparation par le département des préjudices subis par une assistante maternelle ayant fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait d'agrément prononcé par le président du conseil général à la suite de l'ouverture d'une enquête pénale portant sur des suspicions d'actes répréhensibles, de son fait ou du fait d'une des personnes vivant au foyer, suspicions considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale.

La jurisprudence admet la responsabilité sans faute d'un département dans des cas de suspension, puis de retrait d'agrément d'une assistante maternelle, finalement réintégrée dans ses fonctions après un classement sans suite. Elle reconnaît ainsi le droit à cette dernière de réclamer des dommages et intérêts en se fondant sur le principe de rupture d'égalité devant les charges publiques.

Aussi, en adoptant le principe de précaution dans l'intérêt et la protection de l'enfant, le département s'expose-t-il systématiquement à des recours, par ailleurs de plus en plus nombreux, ce qui a un coût d'autant plus substantiel que les procédures pénales engagées sont souvent longues.

Je souhaiterais donc savoir si la procédure de suspension, dans des cas précis et définis préalablement, ne pourrait pas être liée à l'instruction pénale et aboutir à la mise en place d'une nouvelle mesure, appelée « retrait temporaire », qui s'éteindrait avec la clôture de l'instruction.

À défaut, dans des cas précis et définis préalablement, le principe d'un plafonnement des sommes réclamées au département en cas de recours en dommages et intérêts ne pourrait-il pas être envisagé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d'abord d'excuser Mme Nadine Morano, que je vais tenter de remplacer au mieux.

Vous posez la question d'une éventuelle réparation par le département des dommages subis par une assistante maternelle ou un assistant maternel ayant fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait de son agrément à la suite de l'ouverture d'une enquête pénale.

Je rappelle d'abord que l'agrément des assistants maternels est de la responsabilité départementale.

Ce cas de suspension d'agrément se présente notamment lorsque sont suspectés des actes répréhensibles commis par une assistante maternelle et que ces suspicions ont été considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale.

Il faut évidemment comprendre la mesure de suspension ou de retrait de l'agrément par le département, pendant l'enquête pénale, comme un principe de précaution visant d'abord la protection du ou des enfants accueillis habituellement par l'assistant maternel.

On sait que, dans ce cas, les procédures pénales sont parfois longues et que le département peut être exposé à des recours, d'autant que l'assistant maternel réintégré dans ses fonctions pourra réclamer des dommages et intérêts en se fondant sur le principe de rupture d'égalité devant les charges publiques. La jurisprudence va d'ailleurs dans ce sens.

Autrement dit, dès lors qu'une décision administrative lui a fait grief, un assistant maternel rétabli dans ses droits par le juge peut demander, comme tout justiciable se trouvant dans cette situation, réparation du préjudice causé par la décision, dans les conditions de droit commun.

Je dois également préciser qu'en cas de refus d'indemnisation par le département le bien-fondé de la demande sera alors apprécié par le juge de façon circonstanciée, en fonction des éléments fournis.

De ce fait, vous demandez, monsieur le sénateur, si une mesure de « retrait temporaire » pourrait être créée, mesure dont la durée d'application serait liée à celle de l'instruction pénale.

Cette mesure, qui nécessiterait un fondement législatif, ne nous paraît pas souhaitable, car les dispositions législatives actuelles sont relativement équilibrées, avec une suspension d'une durée de quatre mois jugée non excessive et protectrice de l'intérêt de l'enfant et de l'assistant maternel.

Par ailleurs, votre interrogation sur la mise en place d'un plafonnement des sommes réclamées au département se heurte à l'appréciation souveraine du juge. Dès lors, il ne paraît pas possible d'y donner suite, même dans des cas précis et définis préalablement, comme vous le suggérez.

Au-delà des aspects juridiques de la question, je veux également préciser que nous avons récemment terminé la rédaction d'un référentiel de l'agrément destiné aux services de protection maternelle et infantile, dont l'attention est notamment attirée sur la nécessité d'une bonne collaboration avec les services de police ou de gendarmerie ainsi qu'avec le parquet.

Il est souhaitable, et c'est là le point essentiel, que, dans ces cas de suspicion de mauvais traitements, les procédures d'enquête ou d'instruction soient accélérées dans le but de réduire les conséquences vis-à-vis des enfants concernés, des professionnels et, bien entendu, des départements.

Enfin, dans ce référentiel, les services de protection maternelle et infantile sont sensibilisés à la nécessité d'informer très rapidement – concrètement en moins de quinze jours –l'assistant maternel concerné de la décision prise à la suite de sa convocation en commission consultative paritaire départementale.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter sur cette question délicate.

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. J'entends, madame la secrétaire d'État, l'ensemble de vos arguments.

Je puis néanmoins vous dire, pour présider la commission technique départementale, que la durée de ces affaires dépasse le délai de quatre mois, de sorte que, pratiquement systématiquement, le département est dans l'obligation de prononcer un retrait et donc, si au terme de la procédure il apparaît que l'affaire est sans suite et qu'un recours est formé, d'entrer dans le dispositif d'indemnisation.

Je puis ainsi citer l'exemple d'une affaire qui dure depuis près de huit ans. Je n'ose imaginer qu'elle puisse se conclure par un non-lieu et que le département soit amené à réparer le préjudice ainsi causé !

Je maintiens donc que le problème existe et se pose très concrètement.

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