Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC) publiée le 15/10/2009

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le rôle nocif des solvants sur les femmes enceintes et leur enfant à naître.

Menée par l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), une étude a été réalisée chez 3 421 femmes enceintes, dont 3 005 avaient une activité professionnelle. Elles ont toutes été suivies dès le premier trimestre de leur grossesse par des gynécologues et des échographistes libéraux afin d'évaluer les conséquences des expositions aux solvants sur le déroulement de la grossesse et sur le développement psychomoteur de l'enfant. Au début de l'étude, 30 % d'entre elles avaient déclaré être régulièrement exposées au moins à un produit contenant des solvants sur leur lieu de travail.

Cette étude révèle que le risque de malformations congénitales chez l'enfant, suite à l'exposition professionnelle de leur mère aux solvants, est multiplié par 2,5 par rapport à des femmes non exposées.

Eu égard à leurs caractéristiques chimiques, les solvants sont utilisés dans de nombreux secteurs d'activité professionnelle : ils sont présents, par exemple, dans les peintures, vernis, produits d'entretien mais aussi dans certains produits cosmétiques. Essentiellement absorbés par les voies respiratoires ou par la peau, ils ont la propriété de passer la barrière placentaire et, de ce fait, nuisent au fœtus.

Elle ajoute que les résultats de l'étude mettent en évidence une relation dose-dépendance entre la fréquence de l'exposition professionnelle aux solvants et début de la grossesse et l'apparition de malformations majeures. De l'ordre de 2 à 3 %, les malformations à la naissance sont principalement des fentes orales (becs de lièvre), des malformations du rein et des voies urinaires et des malformations génitales du garçon.

Compte tenu de ces éléments, les chercheurs préconisent d'identifier précisément les caractéristiques des solvants mis en cause dans ces anomalies du développement intra-utérin et les autres expositions présentes dans les métiers concernés. Les auteurs de l'étude recommandent également d'évaluer le risque de développement anormal de l'embryon auprès des médecins du travail en début de grossesse pour les femmes exposées aux solvants, avec un changement de poste si nécessaire.

Elle lui demande de bien vouloir lui faire part de la position du Gouvernement sur ce dossier et, éventuellement, des mesures qu'elle entend prendre pour remédier à cette situation.

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Transmise au Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville


Réponse du Secrétariat d'État à la famille et à la solidarité publiée le 20/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2010

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 662, transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai souhaité aujourd'hui appeler l'attention sur le rôle nocif des solvants pour les femmes enceintes et leur enfant à naître.

Menée par l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, une étude a été réalisée chez 3 421 femmes enceintes, dont 3 005 avaient une activité professionnelle. Elles ont toutes été suivies dès le premier trimestre de leur grossesse par des gynécologues et des échographistes libéraux afin d'évaluer les conséquences des expositions aux solvants sur le déroulement de la grossesse et sur le développement psychomoteur de l'enfant. Au début de l'étude, 30 % d'entre elles avaient déclaré être régulièrement exposées sur leur lieu de travail à au moins un produit contenant des solvants.

Cette étude révèle que le risque de malformations congénitales chez l'enfant à la suite de l'exposition professionnelle de leur mère aux solvants est multiplié par 2,5 par rapport à des femmes non exposées.

Eu égard à leurs caractéristiques chimiques, les solvants sont utilisés dans de nombreux secteurs d'activité professionnelle. Ils sont par exemple présents dans les peintures – et à ce sujet-là je m'interroge sur les peintures de l'appartement, sur les peintures des écoles, sur les peintures des crèches –, les vernis, les produits d'entretien, mais aussi dans certains produits cosmétiques. Essentiellement absorbés par les voies respiratoires ou par la peau par dialyse, ils ont la propriété de passer la barrière placentaire et, de ce fait, nuisent au fœtus.

Je tiens à souligner que les résultats de l'étude mettent en évidence une relation dose-dépendance entre la fréquence de l'exposition professionnelle aux solvants au début de la grossesse et l'apparition de malformations majeures. Les malformations à la naissance concernent de 2 % à 3 % des nouveau-nés et sont principalement des fentes orales de type becs de lièvre, des malformations du rein et des voies urinaires et des malformations génitales du garçon.

Compte tenu de ces éléments, les chercheurs préconisent d'identifier précisément les caractéristiques des solvants mis en cause dans ces anomalies du développement intra-utérin et les autres expositions présentes dans les métiers concernés. Les auteurs de l'étude recommandent également d'évaluer le risque de développement anormal de l'embryon auprès des médecins du travail en début de grossesse pour les femmes exposées aux solvants, et de procéder à un changement de poste si nécessaire.

Dans ce contexte, je vous demande, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir me faire part de la position du Gouvernement sur ce dossier et, éventuellement, des mesures qu'il entend prendre pour remédier à cette situation, sachant qu'il n'est pas facile de s'opposer à la grande industrie.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du Gouvernement sur les mesures de prévention prises pour les femmes enceintes contre les risques professionnels liés aux effets nocifs des solvants sur le développement de l'embryon et du fœtus.

Ce sujet est primordial puisque, comme vous le rappelez, une étude récente de l'INSERM a montré que le risque de malformations congénitales chez l'enfant est multiplié par 2,5 quand la mère est exposée à des produits solvants.

Face à cette menace, la réglementation prévoit des mesures de prévention des risques professionnels liés aux agents chimiques dangereux ou cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, dits CMR, de catégorie 1 ou 2 pour l'ensemble des travailleurs. Des décrets ont transposé en droit national les directives européennes de 1998 et de 2004 fixant des prescriptions minimales. Le décret n°2001-97 du 1er février 2001 va même au-delà de la réglementation communautaire en visant les agents toxiques pour la reproduction alors que la directive de 2004 limite son champ d'application aux agents cancérogènes ou mutagènes.

Ces dispositions, qui figurent dans le code du travail, visent à systématiser, sous la responsabilité de chaque employeur, l'évaluation du risque chimique en vue de supprimer ce risque ou de limiter l'exposition en mettant en place des mesures de prévention adaptées à chaque situation de travail.

Elles prévoient en priorité une obligation de substitution des agents chimiques dangereux par des substances, préparations ou procédés moins nocifs.

Cette obligation est renforcée pour les agents CMR de catégorie 1 ou 2, pour lesquels la substitution est obligatoire lorsque cela est techniquement possible. Dans les cas où l'application de ce principe de substitution s'avère impossible, l'employeur doit mettre en œuvre tous les moyens de prévention et de protection permettant de réduire l'exposition.

Par ailleurs, la réglementation prévoit qu'un travailleur ne peut être affecté à des travaux l'exposant à des agents chimiques dangereux que s'il a fait l'objet d'un examen médical préalable et s'il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux.

En ce qui concerne spécifiquement les femmes enceintes, l'employeur se doit d'informer celles qu'il emploie des dangers que peut représenter l'exposition à certaines substances chimiques pour la fertilité, l'embryon – en particulier lors du début de la grossesse –, le fœtus et l'enfant.

En outre, il est interdit d'affecter ou de maintenir des femmes enceintes et des femmes allaitantes à des postes de travail les exposant à certains agents chimiques, tels que les agents classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2, le benzène ou certains dérivés d'hydrocarbures aromatiques.

Si une salariée enceinte ou allaitante occupe un poste de travail l'exposant à un agent toxique pour la reproduction de catégorie 1 ou 2, au benzène ou à certains dérivés d'hydrocarbures aromatiques, le code du travail précise que l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi compatible avec son état, sans diminution de sa rémunération. Si l'employeur est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi, le contrat de travail est suspendu, et la salariée bénéficie d'une garantie de rémunération composée d'une allocation journalière prévue par le code de la sécurité sociale et d'un complément de l'employeur prévu par le code du travail.

Enfin, il convient de souligner que le deuxième plan Santé au travail, qui porte sur la période 2010-2014, en cours de finalisation, aura pour principaux objectifs de poursuivre les efforts d'amélioration de la connaissance en santé au travail engagés grâce au premier plan Santé au travail qui portait sur la période 2005-2009 par le renforcement de la recherche et de conforter une politique de prévention active des risques professionnels, en particulier du risque chimique.

Cet ensemble de dispositions constitue un arsenal juridique complet et efficace, sous réserve de rester vigilant quant à l'effectivité de son application. À cet égard, la responsabilité première en revient aux entreprises, mais les services de l'inspection du travail et la médecine du travail ont également un rôle majeur à jouer dans le cadre de leurs missions de contrôle et d'information. Ils s'y emploient au quotidien et dans le cadre de campagnes nationales de contrôle ciblées.

En 2010, une campagne sur le risque chimique dans les secteurs de la réparation automobile et du nettoyage sera ainsi organisée par tous les États membres de l'Union européenne, dans le cadre du comité des hauts responsables de l'inspection du travail.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir rappelé l'arsenal juridique destiné à protéger la santé des femmes au travail. Pour autant, il ne faudrait pas négliger la nocivité de certains produits domestiques. Cela fera peut-être l'objet d'une autre question.

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