Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC-SPG) publiée le 29/10/2009

M. Guy Fischer appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation faite aux enfants confrontés à la séparation ou au divorce conflictuels de leurs parents.
Alors qu'aujourd'hui un enfant sur quatre ne vit pas avec ses deux parents, près de la moitié des saisines du Défenseur des enfants concerne des enfants vivant des conflits parentaux.
Certains cas particulièrement graves de souffrance des enfants ont été observés par le Défenseur des enfants qui évoque dans son rapport d'activité 2008 « des enfants instrumentalisés »… « pris dans l'engrenage de conflits qui atteignent dans des cas extrêmes un paroxysme ». Ces formes de maltraitance psychologique que certains spécialistes dénomment « syndrome d'aliénation parentale », peuvent conduire à une destruction de l'image de l'un des parents extrêmement préjudiciable au développement harmonieux de l'enfant. Il va sans dire que le parent écarté vit également une grande souffrance.
Or, les nombreuses plaintes déposées sont souvent classées. Quant aux décisions de justice, elles ne sont pas toujours appliquées ou dans des délais inadmissibles. On estime ainsi que plus de deux millions d'enfants ne voient plus le parent qui ne détient pas la garde.
Il apparaît donc nécessaire d'apporter une réponse juridique adaptée qui permette le renforcement des droits familiaux des parents aliénés en même temps que la meilleure prise en compte du droit de l'enfant à entretenir des relations avec l'ensemble de sa famille. C'est ainsi que Mme le Défenseur des enfants préconise notamment, dans ses trente propositions, d'inscrire dans le code civil « un véritable droit de l'enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec chacun de ses deux parents ». Elle propose également, afin d'adapter l'organisation judiciaire à l'évolution des configurations familiales, de créer « des pôles enfance-famille au sein desquels les juges aux affaires familiales seraient des juges spécialisés bénéficiant d'une formation spécifique et de moyens adaptés ».
Il lui demande de bien vouloir lui faire savoir si elle entend prendre en compte ces propositions du Défenseur des enfants dont la qualité du travail sur ces questions est unanimement reconnue.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/01/2010

Le maintien des liens entre les enfants et leurs deux parents en cas de séparation constitue une préoccupation majeure en matière de conflit familial. La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a prévu que le juge pouvait prendre toutes les mesures permettant de garantir la continuité et l'efficacité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. Ainsi, l'article 373-2 du code civil, issu de cette loi, impose à chacun des titulaires de l'autorité parentale de respecter les liens de l'enfant avec l'autre parent et, aux termes de l'article 373-2-11 (3°) du même code, l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue désormais l'un des critères sur lesquels se fonde le juge aux affaires familiales pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Par ailleurs, la violation d'une décision judiciaire statuant sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale peut être sanctionnée pénalement. Ainsi, le fait de refuser de remettre un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer en vertu d'une décision de justice est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. S'agissant de la création d'un pôle enfance-famille, il convient de rappeler que les juges aux affaires familiales sont déjà des juges spécialisés, choisis par le président du tribunal de grande instance parmi les magistrats du siège de la juridiction pour remplir des attributions spécifiques. Au cours de leur formation initiale, comme tous les auditeurs de justice, ils bénéficient d'enseignements obligatoires en psychologie dispensés par une équipe de professionnels de la psychiatrie et de la psychologie, au cours desquels la question du discernement de l'enfant est largement évoquée. Ils sont ainsi sensibilisés à la place de la parole de l'enfant et à sa prise en considération dans le cadre des conflits d'exercice de l'autorité parentale. Par la suite, tout au long de leur carrière, les magistrats ont l'obligation de suivre une formation annuelle dans un domaine choisi. L'École nationale de la magistrature propose, ainsi, à ce titre une formation intitulée « la parole de l'enfant en justice », permettant notamment d'acquérir les connaissances essentielles du développement psychologique de l'enfant, et sa relation particulière au temps, à l'espace et à la parole. Enfin, en cas de changement de fonction, les magistrats suivent une formation de reconversion afin d'actualiser leurs connaissances juridiques et en sciences humaines. Tout au long des enseignements suivis au cours de leur carrière, une réflexion interdisciplinaire, dont l'importance est justement soulignée par la Défenseure des enfants, est donc offerte aux magistrats. Enfin, dans un souci d'efficacité de la justice, certaines préconisations de la commission présidée par le recteur Guinchard sur la répartition des contentieux ont d'ores et déjà été reprises dans le cadre de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures. En particulier, afin de renforcer les compétences dévolues au juge aux affaires familiales, il a été créé un nouvel article L. 213-3-1 dans le code de l'organisation judiciaire, donnant au juge aux affaires familiales compétence en matière de tutelle des mineurs. L'ensemble de ces dispositifs répond à la proposition de la défenseure des enfants.

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