Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 10/12/2009

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences qui résultent, pour de nombreuses personnes désirant changer de nom pour des raisons affectives puissantes et légitimes, de l'interprétation restrictive retenue tant par la direction des affaires civiles et du sceau que par la juridiction administrative de la condition d'intérêt légitime énoncée au premier alinéa de l'article 61 du code civil. Si le principe d'immutabilité du nom constitue un intérêt public justifiant incontestablement que des restrictions légales soient apportées à la possibilité de changer de nom, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit le droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées. La Cour européenne des droits de l'homme reconnaît qu'en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne concerne sa vie privée et familiale. De fait, la nécessité de subir un nom auquel elles se sentent étrangères et qu'elles se refusent à porter pour des raisons tendant à leur histoire personnelle peut avoir des incidences graves sur la vie des personnes concernées et de leur famille. Ces considérations paraissent justifier une lecture plus souple de l'article 61 du code civil, eu égard en outre au fait que la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, dont l'article 4 a introduit un article 311-21 dans le code civil afin d'autoriser les parents à choisir la dévolution paternelle ou maternelle du nom, a fait évoluer la conception de l'immutabilité de celui-ci. Il lui demande en conséquence si elle envisage d'adopter à l'égard des demandes de changement de nom instruites par son ministère une position plus ouverte et compréhensive quand ces demandes sont motivées par des raisons affectives sérieuses et dignes d'intérêt.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 30/12/2010

La dérogation aux principes de dévolution et d'immutabilité du nom établis par la loi demeure une exception. Elle n'est, selon l'article 61 du code civil, possible que pour la personne qui justifie d'un intérêt légitime, qu'il appartient à l'administration d'apprécier, sous le contrôle de la juridiction administrative. Si le seul motif purement affectif invoqué à l'appui d'une demande de changement de nom n'est en principe pas susceptible de caractériser un intérêt légitime au sens de cet article, la requête en changement de nom est toutefois susceptible d'aboutir lorsque ce motif affectif est assorti de circonstances particulières, dûment justifiées par les documents versés à l'appui de la requête. Telle est la position retenue tant par la direction des affaires civiles et du sceau que par la jurisprudence administrative et qui permet de prendre en compte les situations particulières dans le respect des principes évoquées ci-dessus.

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