Question de M. BOUTANT Michel (Charente - SOC) publiée le 04/02/2010

M. Michel Boutant attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur l'arrêté du 12 janvier 2010, fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, et sur ses conséquences pour les agriculteurs. À l'heure où la défense de l'environnement est chaque jour davantage prise en considération dans les politiques publiques, il apparaît peu logique de baisser le prix d'achat de l'électricité photovoltaïque, qui est une énergie propre par excellence.

De même, il est dommageable qu'une telle différence de traitement ait été établie entre les producteurs d'électricité photovoltaïque, les particuliers et les services d'enseignement et de santé bénéficiant ainsi d'un tarif de 0,58 €/kWh, tandis que, pour les bâtiments agricoles, le tarif est généralement limité à 0,42 €/kWh. On peut également regretter que, pour tous les projets qui ont été déposés après le 1er novembre 2009, le tarif applicable soit le nouveau tarif. On sanctionne ainsi de manière très critiquable les exploitants agricoles qui avaient consenti de lourds investissements dans des panneaux photovoltaïques, précisément à un moment où les revenus agricoles ont considérablement baissé et où la vente d'énergie propre, au-delà de l'intérêt écologique qu'elle représente, peut constituer une source de recettes supplémentaires non négligeable.

Aussi, il lui demande s'il compte apporter des aménagements à l'arrêté du 12 janvier, aménagements qui seraient de nature à compenser le manque à gagner des agriculteurs qui ont fait le choix du photovoltaïque.

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Réponse du Secrétariat d'État aux transports publiée le 07/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/04/2010

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur l'arrêté du 12 janvier 2010, fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 et sur ses conséquences pour les agriculteurs.

À l'heure où la défense de l'environnement est chaque jour davantage prise en considération dans les politiques publiques, il paraît peu logique de baisser le prix d'achat de l'électricité photovoltaïque, énergie propre et renouvelable par excellence.

De même, il est dommageable qu'une telle différence de traitement ait été établie entre les producteurs d'électricité photovoltaïque, les particuliers et les services d'enseignement et de santé bénéficiant ainsi d'un tarif de 0,58 euro par kilowattheure, tandis que, pour les bâtiments agricoles, le tarif est généralement limité à 0,42 euro par kilowattheure. On peut également regretter que tous les projets déposés après le 1er novembre 2009 se voient appliquer le nouveau tarif. On sanctionne ainsi les exploitants agricoles qui avaient consenti de lourds investissements dans des panneaux photovoltaïques, au moment précis où les revenus agricoles ont considérablement baissé et où la vente d'énergie propre, au-delà de l'intérêt écologique qu'elle représente, peut constituer une source de recettes supplémentaires non négligeable pour un monde agricole durement malmené.

Monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous apporter à l'arrêté du 12 janvier des aménagements permettant de compenser le manque à gagner des agriculteurs qui ont fait le choix de l'installation de panneaux photovoltaïques sur leur exploitation ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser cette question que nous entendons souvent lorsque nous nous rendons sur le terrain.

La ligne fixée par le Grenelle de l'environnement – et par le législateur – est claire : la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie de la France doit atteindre 23 % à l'horizon 2020.

Divers moyens ont été mis en place pour y parvenir : des crédits d'impôt, des exonérations fiscales, des appels d'offres pour l'énergie solaire – avec l'objectif d'une centrale par région – ou l'énergie produite à partir de la biomasse et des tarifs préférentiels d'achat de l'électricité. Grâce à ces mesures, la France est le deuxième producteur européen d'énergies renouvelables : nous mettons en place une capacité de production d'énergie éolienne de quelque 1 000 mégawatts par an, et près de 45 000 installations solaires sont déjà raccordées au réseau. Enfin, de nombreuses entreprises internationales veulent désormais s'installer en France et créer des emplois dans ce domaine.

Cela étant, nous avons pu constater tous les deux – nous sommes en effet voisins ! – le développement d'une bulle spéculative.

Alors que, à la mi-2009, EDF enregistrait environ 5 000 demandes de contrat d'achat par mois, ce chiffre est monté à 3 000 demandes par jour au début de janvier 2010. Beaucoup de ces demandes concernent des constructions nouvelles, dont l'utilité est souvent sujette à interrogation : j'ai pu moi-même voir des bâtiments censés servir d'étable totalement vides d'animaux, mais dont les toits étaient équipés de panneaux photovoltaïques ! Surtout, nous avons tous vu arriver dans nos campagnes des personnages bizarres, dont l'honnêteté ne paraissait pas la première des qualités !

L'engagement financier résultant du dispositif destiné à encourager le développement de l'électricité photovoltaïque a brusquement atteint plusieurs dizaines de milliards d'euros, somme qui n'aurait pu être financée que par un relèvement du prix de l'électricité de l'ordre de 10 %. Le Gouvernement a donc décidé de prendre des mesures de lutte contre cette nouvelle forme de spéculation, destinées à supprimer les effets d'aubaine et à protéger le pouvoir d'achat des Français.

Le nouvel arrêté tarifaire publié en janvier tient compte de la très forte baisse du prix des panneaux photovoltaïques enregistrée ces derniers mois, atteignant de 30 % à 50 %, et assure une plus juste rémunération aux projets de développement de l'énergie solaire, quel que soit le secteur.

Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno, au nom desquels je vous réponds, tiennent à préciser que notre dispositif reste néanmoins le plus incitatif au monde. En effet, le tarif de 0,58 euro par kilowattheure demeure inchangé pour les particuliers ; dans tous les autres cas, le tarif s'élève à 0,50 euro par kilowattheure pour les bâtiments existants et à 0,42 euro par kilowattheure pour les bâtiments neufs.

Selon la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, un tarif de 0,42 euro par kilowattheure, qui représente l'équivalent de six fois le prix de marché de l'électricité, permet aux investissements d'atteindre un taux de rentabilité supérieur à 10 %. Ce tarif est encore plus élevé que celui qui est en vigueur en Allemagne, où l'ensoleillement est pourtant moindre, sans faire injure à nos voisins allemands !

Vous connaissez la règle : tous les contrats signés seront honorés et l'application de l'arrêté ne sera pas rétroactive. Les projets qui étaient avancés et qui ont donné lieu à des investissements pourront bénéficier de l'ancien dispositif tarifaire. Un arrêté, élaboré en étroite concertation avec les professionnels, a été publié au Journal officiel le 23 mars dernier.

Je regrette vivement – comme tous les sénateurs, me semble-t-il – l'intervention de comportements spéculatifs inacceptables dans le secteur des énergies renouvelables. Le Gouvernement ne s'est pas engagé dans le développement de ce secteur afin que des aigrefins viennent s'enrichir sur le dos des agriculteurs en proposant n'importe quel projet !

Quand on connaît la misère et les calamités qui frappent le monde agricole – vous pouvez en constater les effets dans votre département, monsieur le sénateur –, l'intervention de la spéculation dans un secteur en difficulté est moralement condamnable !

Le Gouvernement réaffirme sa volonté de développer raisonnablement les énergies renouvelables en général, et l'énergie solaire en particulier, et de construire de véritables filières industrielles qui créent des emplois en France, ce qui est déjà le cas. Pour autant, il ne saurait être question de se faire les complices des spéculateurs !

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d'État, il ne faudrait pas que les agriculteurs et le monde agricole se trouvent piégés une première fois par un tarif en diminution et une deuxième fois par des spéculateurs peu scrupuleux !

Il serait donc nécessaire d'organiser une information, au niveau non plus des directions départementales de l'agriculture et de la forêt mais des nouvelles directions départementales des territoires, pour mettre les agriculteurs en garde contre de tels risques.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous remercier de votre présence ce matin au Sénat. Il vous a fallu nous apporter, au nom de Mme Jouanno, des réponses bien technocratiques…Peut-être votre collègue pourrait-elle demander à ses services de nous parler un peu plus simplement ? (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Ce sera dit ! (Nouveaux sourires.)

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