Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC-SPG) publiée le 18/02/2010

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur l'obligation qui est faite aux salariés et aux fonctionnaires de s'inscrire au tableau de l'ordre des infirmiers. Les personnels refusent une telle inscription de façon très majoritaire la considérant comme inutile et de nature à réduire les droits des salariés.

Elle lui fait part de son incompréhension totale sur la mise en oeuvre d'une telle mesure alors que les questions prioritaires ne sont pas traitées. Elle partage l'inquiétude des personnels face aux manque de moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Elle pense que la prise en considération de leurs revendications qui exige des effectifs complémentaires et une revalorisation de leurs salaires, pourrait être une réponse appropriée. Aussi, elle lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour mettre fin à cette situation de blocage.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 28/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010

Mme Marie-France Beaufils. Avec la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Gouvernement a rendu obligatoire l'inscription des infirmiers au sein d'un nouvel ordre professionnel, après avoir imposé la même mesure aux masseurs-kinésithérapeutes en 2004.

Nous devons replacer cette décision dans le contexte de l'application de cette loi, qui conduit à fermer des hôpitaux, à supprimer des services, à réduire le personnel, à rationner les moyens et même à ne pas reconnaître les qualifications des personnels. Dans les hôpitaux publics, la contestation de cette politique enfle.

À Tours, par exemple, les infirmiers anesthésistes se sont mis en grève pour se faire entendre, car on leur refuse injustement une reconnaissance à la hauteur de leurs responsabilités et de leurs qualifications. De même, à l'hôpital pour enfants de Clocheville, les services de néphrologie et d'hémodialyse manquent d'effectifs et la fermeture de l'unité saisonnière, un moment envisagée, aurait entraîné la suppression de vingt-neuf postes. D'autres services sont en grève pour dénoncer le manque de moyens pour répondre aux besoins des malades.

Il en va de même du démantèlement de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui aura de graves conséquences pour la population de l'Île-de-France, car il en résultera une réduction de l'offre de soins.

Parallèlement, vous remettez en cause le droit au départ à la retraite à 55 ans pour les infirmiers, partant du principe que la pénibilité peut être compensée financièrement. Cette position n'est naturellement pas acceptable, la seule compensation possible de la pénibilité étant une réduction du temps de cotisation, c'est-à-dire la possibilité de partir à la retraite de manière anticipée en bénéficiant du taux plein.

À vos yeux, l'hôpital doit être rentable et vous n'avez qu'une hâte : faire réaliser demain par des professionnels libéraux les soins prodigués aujourd'hui par les personnels publics.

La tentative de mise au pas de la profession à travers ces différentes réformes n'a qu'un objectif : rendre inopérant notre système de santé public pour justifier qu'il soit livré au secteur privé. Vous voulez imposer à notre hôpital public le modèle libéral, compatible avec la tarification à l'activité, la T2A, et le transformer en entreprise de soins.

La création des ordres infirmiers participe de cette logique. En affaiblissant les organes de représentation existants, professionnels et syndicaux, vous espérez diviser les salariés en leur imposant, au travers de ces ordres professionnels, un carcan qu'ils rejettent de façon quasiment unanime. Vous souhaitez contenir par la contrainte la contestation montante des salariés dans les hôpitaux, mise en évidence par les manifestations de ces dernières années, celles de 2003 en particulier.

Lors de son audition à l'Assemblée nationale, la présidente du conseil national de l'ordre des infirmiers s'en prenait d'ailleurs aux syndicats, qu'elle considère hostiles à la reconnaissance « des dimensions fondamentales de fierté, de responsabilité et d'autonomie que l'ordre incarne », en les accusant de « désinformation systématique, [de] menaces personnelles, [d']actes de délinquance organisée, [de] dégradations, [de] campagnes tapageuses », du blocage ou de la destruction des courriers d'inscription à l'ordre. Ces attaques violentes contre l'activité syndicale ne changent rien au fait que les salariés refusent d'être enfermés dans un ordre dont ils ne veulent pas !

La seule solution, me semble-t-il, c'est l'abrogation de cette loi qui fait l'unanimité contre elle. Le taux de participation de 13 % aux dernières élections ordinales exprime d'ailleurs clairement la réponse des salariés.

En transférant au conseil de l'ordre les missions des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, concernant l'enregistrement des diplômes, l'attribution d'un numéro dans le registre commun des professions paramédicales, la tenue du tableau de démographie professionnelle, le suivi des densités de professionnels par territoire, vous faites financer par la profession ce qui l'était auparavant par la solidarité nationale.

Ne croyez pas que tous les infirmiers et kinésithérapeutes libéraux soient favorables à la création d'un ordre professionnel, car j'en ai rencontré de nombreux qui ne comprennent pas l'utilité d'une telle institution !

Madame la secrétaire d'État, que compte faire le Gouvernement face à cette levée de boucliers contre ces ordres professionnels dont il projette de renforcer encore les prérogatives alors qu'ils sont rejetés, à la quasi-unanimité, par les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme la ministre de la santé et des sports sur l'obligation faite aux infirmiers salariés ou fonctionnaires de s'inscrire au tableau de l'ordre national des infirmiers.

La loi du 21 décembre 2006 a institué un ordre professionnel des infirmiers, regroupant obligatoirement l'ensemble des infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l'exception de ceux qui sont régis par le statut général des militaires. Cet ordre est chargé d'organiser la profession d'infirmier et d'infirmière dans le cadre d'une mission de service public que l'État lui a déléguée. À l'heure actuelle, et en l'état du droit positif, l'inscription au tableau de l'ordre national des infirmiers demeure une obligation légale pour l'ensemble des infirmiers en exercice, tant salariés que libéraux.

La ministre de la santé et des sports s'est à plusieurs reprises exprimée au sujet du montant de la cotisation annuelle, dont la fixation relève du seul conseil national de l'ordre. Cependant, Mme Bachelot-Narquin a introduit différentes mesures dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, permettant au conseil national de modérer et de moduler le niveau de cette cotisation, ce qui a rendu possible la fixation d'un montant moins élevé pour les jeunes diplômés. La ministre de la santé et des sports attend du conseil national des avancées complémentaires dans ce domaine, de sorte que l'ordre gagne, auprès de l'ensemble de la profession qu'il défend, toute la légitimité nécessaire à son action.

Par ailleurs, en ce qui concerne les moyens accordés aux personnels infirmiers pour leur permettre d'accomplir leurs missions, Mme la ministre a signé le 2 février dernier un protocole d'accord avec les organisations syndicales représentatives du personnel. Ce protocole apporte des revalorisations d'une ampleur inégalée pour les personnels paramédicaux, au premier rang desquels les infirmiers.

Par exemple, dès cette année, les infirmiers titulaires de la fonction publique hospitalière pourront choisir de conserver leur situation actuelle ou d'intégrer la catégorie A avec une carrière prolongée. Ceux qui opteront pour cette seconde possibilité bénéficieront, à l'issue des opérations de reclassement, en 2015, d'une majoration de plus de 2 000 euros nets en moyenne par an.

D'ici à 2015, tous les personnels paramédicaux –kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, manipulateurs radio, etc. – formés en trois ans au moins pourront bénéficier de ces dispositifs, après que leur formation aura été reconstruite conformément au standard LMD. Seront également concernés les infirmiers spécialisés, les puériculteurs, les infirmiers anesthésistes et les infirmiers de bloc opératoire.

Madame la sénatrice, ces mesures ont bien un caractère prioritaire, qu'il s'agisse de la reconnaissance du diplôme d'État d'infirmier au niveau de la licence, de la traduction statutaire de cette reconnaissance par une intégration des personnels concernés dans la catégorie A ou des revalorisations salariales que ces évolutions impliquent.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Il me semble qu'un certain nombre d'organismes publics, comme le Haut Conseil des professions paramédicales, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, les observatoires des professions de santé ou les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, sont en mesure d'apprécier la qualité des professionnels intervenant dans les hôpitaux. Les ordres professionnels qui sont appelés à remplir cette fonction à leur place ne répondent nullement aux attentes des personnels concernés, au-delà d'ailleurs des seuls salariés.

En outre, en ce qui concerne la reconnaissance que vous avez évoquée, les personnels infirmiers n'ignorent pas qu'un tel changement de catégorie implique un départ plus tardif à la retraite, alors qu'aujourd'hui celui-ci intervient souvent bien avant l'âge de 55 ans, en raison d'un épuisement lié à l'insuffisance des effectifs. Cette reconnaissance est donc loin de répondre à leurs attentes.

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