Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 29/04/2010

M. Jacques Mézard attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'avenir de la maison d'arrêt d'Aurillac.
Il ressort de l'avis budgétaire n° 106 (2009-2010), tome III, de la commission des lois déposé le 19 novembre 2009 que la taille de l'établissement constitue l'échelle la plus adaptée pour permettre la prise en charge des personnes détenues (à la condition, évidemment, que la structure ne connaisse pas de suroccupation). En outre, la présence de la maison d'arrêt à Aurillac permet, dans un département confronté au problème de la désertification, de garantir le maintien des liens familiaux, facteur important de la réinsertion. Le maillage territorial de l'administration pénitentiaire doit prendre en compte cette exigence et à cet égard la pérennité de la structure doit être assurée.
Enfin, la qualité de la direction et de l'encadrement constituent des éléments déterminants dans le bon fonctionnement d'un établissement pénitentiaire. L'exemple d'Aurillac le démontre.
Or, ces dernières années, des difficultés sont intervenues régulièrement tant au niveau du report des dispositions réglementaires relatives au nombre des agents que des installations matérielles.
Suite à plusieurs interventions, il ressort notamment d'un courrier ministériel du 7 avril 2010 que les travaux qui ont été chiffrés concernant l'aménagement de la porte d'entrée principale sont gelés pour l'instant, dans l'attente du choix définitif des sites qui seront amenés à fermer dans le cadre de l'élaboration du nouveau programme immobilier pénitentiaire.
Le fait qu'il soit envisagé la fermeture de cette maison d'arrêt est inacceptable dans un département comme le Cantal considéré comme l'un des plus enclavés, à plus de deux heures et quart de route et de train de la cour d'appel, département où il existe encore une cour d'assises, un tribunal de grande instance et deux tribunaux d'instance et où il est, bien au contraire, plus facile qu'ailleurs d'accueillir des détenus dans les conditions les plus favorables à leur réinsertion.
Il lui est donc demandé quelles sont ses intentions quant au devenir de la maison d'arrêt d'Aurillac.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 30/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 29/06/2010

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, ma question porte sur l'avenir de la maison d'arrêt d'Aurillac.

À l'automne dernier, une délégation de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, conduite par son vice-président Jean-René Lecerf, s'est rendue dans cette maison d'arrêt. À la suite de cette visite, la commission des lois a considéré, dans son avis budgétaire du 19 novembre 2009, que cet établissement était exemplaire et que sa taille constituait l'échelle la plus adaptée pour permettre la prise en charge des personnes détenues.

En dépit de ces constatations positives, il ressort d'un courrier ministériel du 7 avril 2010 que les travaux à réaliser, qui ont été chiffrés, concernant l'aménagement de la porte d'entrée principale de cette prison sont gelés, dans l'attente du choix définitif des sites qui seront amenés à fermer dans le cadre de l'élaboration du nouveau programme immobilier pénitentiaire.

Pourtant, cette maison d'arrêt, située au cœur de la ville d'Aurillac, permet, dans un département confronté à un grave problème de désertification, de garantir le maintien des liens familiaux, facteur important de réinsertion.

Le fait que la fermeture de cette maison d'arrêt soit ne serait-ce qu'envisagée est, pour nous, inacceptable ! Le Cantal est l'un des départements les plus enclavés de France, sinon le plus. C'est un département où il existe encore une cour d'assises, un tribunal de grande instance, deux tribunaux d'instance et où il est bien plus facile qu'ailleurs d'accueillir des détenus dans les conditions les plus favorables à leur réinsertion.

De mon point de vue, sans faire systématiquement leur procès – ce serait injuste à leur égard –, les hauts fonctionnaires ne se déplacent pas suffisamment dans ce que l'on appelle la France profonde.

La préfecture étant à deux heures et quart de route et de train tant du siège de la cour d'appel – et quel trajet pour s'y rendre ! – que de la maison d'arrêt la plus proche, il n'est pas raisonnable d'envisager la fermeture de celle d'Aurillac. C'est une politique de « déménagement du territoire » !

Madame la ministre, tous les élus du département sont mobilisés sur ce dossier. Ainsi, le 11 mai 2010, mon collègue député UMP Vincent Descoeur a déjà posé une question orale sur le sujet. M. le secrétaire d'État à la justice lui a répondu en ces termes : « Cet édifice est en bon état de conservation mais, à terme, il ne pourra être mis en conformité avec les nouvelles règles pénitentiaires européennes […] ». Au vu de l'état général des prisons françaises, il s'agit d'un argument totalement spécieux ! D'ailleurs, la délégation de la commission des lois a pu vérifier que la maison d'arrêt d'Aurillac était, au contraire, dans un état que l'on pouvait considérer comme très positif.

Par conséquent, s'il est envisagé d'appliquer de cette manière la révision générale des politiques publiques, la RGPP, je ne crois pas que ce soit une bonne chose.

En tout cas, au nom de mes concitoyens et de l'ensemble des élus du département, j'attire l'attention du Gouvernement sur l'effet catastrophique d'une telle décision. Si les Corses et les Basques ont droit au maintien du lien familial pour les détenus, il serait tout de même curieux qu'il n'en aille pas de même pour les Cantaliens !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'accepter les excuses de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui ne pouvait pas être présente ce matin en raison des impératifs de son agenda.

La maison d'arrêt d'Aurillac a été construite en 1860, à proximité du palais de justice en centre-ville, et mise en service en 1868. C'est donc une vieille dame ! (Sourires.)

L'établissement est doté d'une capacité de soixante-douze places en détention hommes, réparties sur trente-deux cellules, dont trente cellules multiples de deux, trois ou quatre places.

Des travaux de mise en conformité électrique et de réfection de l'interphonie en détention ont été effectués en 2008 et en 2009, pour un montant de 309 000 euros.

Comme vous l'avez rappelé dans votre question, l'édifice est bien entretenu, même s'il est ancien. Pour autant, à ce jour, il ne répond pas aux exigences de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 en matière de prise en charge des détenus.

Le futur plan national immobilier, en cours de validation, permettra de répondre à l'objectif de prévention de la récidive et de préparation à la réinsertion, en garantissant l'encellulement individuel et en développant les surfaces consacrées aux activités socioculturelles, sportives, scolaires et professionnelles. Ainsi, il est prévu plus de trois mètres carrés de surface d'activité par détenu, afin d'offrir cinq heures d'activités par jour.

Par ailleurs, le maintien des liens familiaux reste une priorité. Le nombre d'unités de vie familiale, ou UVF, et de parloirs familiaux sera fixé pour que chaque détenu ait la possibilité de disposer d'un parloir de ce type par trimestre.

De plus, l'aménagement des parloirs pour les familles et les avocats, ainsi que des locaux d'accueil des familles, sera particulièrement soigné en termes de qualité et de confort.

L'implantation de l'établissement d'Aurillac, situé en agglomération sur un site contraint, offre peu de possibilités d'extension pour se mettre en conformité avec la loi.

Ces éléments seront évoqués lors de la validation du nouveau programme immobilier.

Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ne manquera pas de vous tenir informé des éléments relatifs au devenir de la maison d'arrêt, sur lequel vous avez attiré son attention.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je vous renvoie le ballon, madame la ministre, car le Gouvernement a botté en touche ! (Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

En effet, de tels propos sont surréalistes ! Nous savons pertinemment que la maison d'arrêt d'Aurillac fonctionne très bien, que les conditions de vie des détenus y sont tout à fait favorables par comparaison avec celles d'autres établissements pénitentiaires et que l'accueil des familles, comme celui des avocats – je peux en témoigner ! –, s'effectuent dans de bonnes conditions.

Par conséquent, il s'agit véritablement d'un choix politique, et ce que je viens d'entendre a plutôt tendance à m'inquiéter !

Madame la ministre, dans un département où il n'y aura plus ni train, ni avion, ni autoroute dès cet été, où deux tribunaux sur quatre viennent d'être supprimés et où le maintien des haras nationaux est menacé, peut-être faudra-t-il également songer, après avoir fermé la maison d'arrêt, à supprimer la préfecture et à faire partir les habitants ! (Mme la ministre s'exclame.)

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