Question de Mme HERVIAUX Odette (Morbihan - SOC) publiée le 21/05/2010

Question posée en séance publique le 20/05/2010

Mme Odette Herviaux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Lundi dernier, avant même l'ouverture du débat sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Président de la République a réuni les représentants des agriculteurs, du secteur des fruits et légumes, de l'industrie agro-alimentaire et de la grande distribution pour évoquer la modération des marges des distributeurs en période de crise.

Belle opération de communication, dirai-je, mais qui anticipait toutefois sur la décision parlementaire ! Devons-nous rappeler encore une fois que le Sénat n'est pas une simple chambre d'enregistrement ?

Demain, le Président de la République, toujours lui, se rendra dans le Lot-et-Garonne…

M. Gérard Le Cam. Il va y recevoir des tomates !

Mme Odette Herviaux. … pour expliquer sur le terrain les mesures annoncées et assurer leur « service après-vente », alors même que l'article n'a pas encore été entièrement déballé,…

M. Roland Courteau. Et voilà, c'est comme ça !

Mme Odette Herviaux. … et cela, comme toujours, en amont et au détriment du travail parlementaire !

En effet, monsieur le ministre, votre participation à ce déplacement nous prive non seulement de votre présence, mais aussi d'une journée de travail et de débat sur la loi de modernisation de l'agriculture qui était pourtant programmée depuis longtemps.

Mais nous sommes habitués à ces pratiques, et leur visée électoraliste me semble beaucoup plus évidente et réelle que la portée des accords sur l'amélioration du revenu des agriculteurs.

En effet, il y a bien là un problème de fond : à quoi donc a servi la loi de modernisation de l'économie, sinon à conforter des pratiques qui sont dénoncées maintenant, comme par hasard, par tout le monde ?

Monsieur le ministre, accepterez-vous de remettre en question les éléments de cette loi encadrant les pratiques commerciales, comme vous le demandent des parlementaires de tous bords, et de conforter les moyens de contrôle, notamment ceux de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, qui va perdre, d'ici à 2011, je le rappelle, 250 équivalents temps plein ?

En quoi un accord sur la modération, en cas de crise, des marges sur les fruits et légumes, prétendument imposé à la grande distribution, peut-il rassurer les consommateurs et les producteurs ? D'autant que vous vous fondez, au prix d'un calcul compliqué, sur la baisse constatée par rapport à la moyenne des trois dernières années, qui ont été, tout le monde le sait, particulièrement mauvaises dans le secteur des fruits et légumes !

M. René-Pierre Signé. Tout à fait !

Mme Odette Herviaux. Comme le texte de la loi à venir, celui de l'accord reste très vague : l'emploi de termes comme « éventuellement » ou « le cas échéant » et du conditionnel ne sont pas de nature à garantir une rémunération juste et décente du travail des agriculteurs…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ils s'en aperçoivent !

Mme Odette Herviaux. La grande distribution, qui n'est pas la seule responsable des problèmes des agriculteurs,…

M. le président. Votre question !

Mme Odette Herviaux. … cédera-t-elle à la menace d'une taxe supplémentaire, ou aura-t-elle le même comportement que les banques, dont les représentants, quelques mois seulement après s'être fait morigéner par le Président de la République, ont l'attitude que l'on sait ?

Si la situation de nos agriculteurs n'était pas aussi dramatique, il y aurait presque de quoi rire à la lecture des titres de nos quotidiens nationaux et régionaux !

M. le président. Il faut vraiment poser votre question !

Mme Odette Herviaux. J'y arrive, monsieur le président.

Je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de nous indiquer en quoi exactement cet accord et la loi à venir permettront de faire évoluer réellement les revenus de nos agriculteurs et de rémunérer l'activité de ces derniers à sa juste valeur, alors qu'ils incarnent particulièrement, et depuis longtemps, la valeur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 21/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2010

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, vous ne pouvez pas reprocher au Président de la République de se soucier des agriculteurs et de leurs revenus au moment où le secteur traverse l'une des crises les plus graves depuis une trentaine d'années.

Mme Nicole Bricq. Cet intérêt pour les agriculteurs est très récent !

M. Charles Gautier. Cela date des régionales !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette préoccupation me semble légitime et nécessaire.

Quoi qu'il en soit, je voudrais vous répondre dans le même esprit que celui qui préside aux travaux que nous menons ici depuis plusieurs jours pour améliorer le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, travaux dont je tiens à souligner une fois encore la qualité.

Lundi dernier, un accord de modération des marges dans le secteur des fruits et légumes par la grande distribution en période de crise a été signé entre les distributeurs et les producteurs. La période de crise est définie de manière tout à fait officielle, à partir des données publiées par l'INSEE sur les trois dernières années, qui servent alors de référence. Pour certains produits, la crise est déclarée lorsque le prix baisse de 10 % par rapport à ces trois années de référence – c'est le cas de la pêche ou de la nectarine –, pour d'autres, qui sont moins sensibles, elle le sera lorsque la baisse atteint 20 % ou 25 %. Ces données s'imposent à tout gouvernement, qu'il soit de gauche ou de droite.

Quand la période de crise est reconnue, la réduction des marges s'applique de manière automatique à l'ensemble des distributeurs ayant signé cet accord. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait ou qui, l'ayant fait, décideraient de ne plus le respecter, le Gouvernement a prévu – on n'est jamais trop prudent ! – dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche l'application d'une taxe ; nous aurons donc l'occasion d'en débattre.

Pour le Gouvernement, cet accord de réduction des marges s'inscrit dans une démarche beaucoup plus large, qui vise à améliorer les relations commerciales au sein de la filière alimentaire en France. Depuis plusieurs années, en effet, les relations entre producteurs, industriels et distributeurs se caractérisent par la confrontation systématique, la confusion, voire l'opacité. Le Gouvernement entend donc mieux les organiser et les rendre plus transparentes, de façon à assurer aux producteurs de meilleurs revenus.

À cela s'ajoute la suppression des remises, rabais, ristournes ; le groupe socialiste a d'ailleurs amélioré le texte initial du projet de loi de modernisation sur ce point. Grâce à l'UMP, qui a proposé le renforcement du dispositif, est également prévu un encadrement des prix après-vente pour que plus aucune marchandise agricole en France ne soit vendue sans un contrat écrit.

Enfin, le Gouvernement a développé les missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui s'intéressera désormais à tous les produits agricoles en France, ainsi qu'aux coûts de production, afin que ceux-ci puissent enfin être comparés au prix des produits.

Tous ces dispositifs permettront une augmentation sensible du revenu des producteurs en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)

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