Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 09/09/2010

M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les démarches qu'il entend mettre en œuvre afin de déclencher de véritables poursuites judiciaires à l'encontre des responsables des crimes contre l'humanité perpétrés en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003.
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme (HCDH) vient en effet de rédiger un rapport accablant révélant les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises entre 1993 et 2003 en République démocratique du Congo.
Cette décennie fut marquée par des meurtres, viols et pillages auxquels auraient pris part plusieurs pays de cette région.
Selon l'organisation non gouvernementale International Rescue Comittee, 3,8 millions de personnes auraient péri entre août 1998 et avril 2004, victimes directes ou indirectes des guerres.
Les rapports déjà existants, complétés par ce dernier document, constituent une base solide pour que soient mises en œuvre des poursuites internationales contre les auteurs de ce que le HCDH qualifie de « crimes contre l'humanité, crimes de guerre, voire de génocide ».
Il lui demande de préciser l'attitude qu'il entend adopter sur ce dossier.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 21/04/2011

Le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme a publié, le 1er octobre 2010, un rapport intitulé « mapping projet » traitant des graves violations des droits de l'Homme commises en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003. Fruit de six mois d'investigation de terrain, ce document se présente comme une « enquête préliminaire », sans prétention à établir une qualification juridique des faits, qui relèverait d'un mécanisme juridictionnel. Il s'attache à recenser les faits les plus graves perpétrés au cours de cette période, en particulier ceux qui ont touché des femmes et des enfants. Le rapport procède également à une évaluation des capacités de la justice de la République démocratique du Congo à apporter une réponse appropriée à ces violations. Enfin, le rapport formule un certain nombre de recommandations concernant la mise en place de formules juridictionnelles adaptées en vue de combattre l'impunité, et de mécanismes de réconciliation nationale du type d'une commission vérité et réconciliation. Il préconise l'instauration d'un dispositif d'indemnisation des victimes. La publication du rapport a donné lieu à des réactions contrastées dans la région des Grands Lacs. Les pays mis en cause dans le rapport ont exprimé de fortes réserves, contestant à la fois la méthodologie suivie par les enquêteurs et certaines conclusions. Malgré cela, le document a atteint un de ses objectifs : relancer le débat sur ces crimes, dont certains étaient déjà connus, et initier une réelle dynamique de leur traitement. Selon le rapport lui-même, c'est bien aux autorités de la République démocratique du Congo qu'il appartient, en pratique, de choisir le dispositif pénal le plus approprié au traitement judiciaire des faits décrits. La Cour pénale internationale n'est pas compétente pour les crimes commis avant l'entrée en vigueur du statut, le 1er juillet 2002. Elle n'a pas non plus vocation, ni surtout les moyens de juger tous les auteurs de l'ensemble des exactions commises en République démocratique du Congo après cette date. Sa compétence n'est par ailleurs que subsidiaire des juridictions nationales. Les autorités de la République démocratique du Congo, par la voix du ministre de la justice et des droits de l'Homme, ont exprimé leur détermination, dans le cadre de leurs efforts pour combattre l'impunité, à oeuvrer à l'application des recommandations du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme. Elles ont, en particulier, marqué leur intérêt pour la mise en place, au sein des tribunaux de République démocratique du Congo, de chambres spécialisées. Elles souhaitent, au sein de celles-ci, la présence de magistrats étrangers. L'approbation de cette option, préconisée par le rapport, est une avancée positive. Il reste cependant à en décliner les règles de fonctionnement. Avec la communauté internationale, très présente en République démocratique du Congo, la France suivra avec attention les développements proposés par les autorités congolaises. Les efforts déployés en vue de rendre justice aux victimes des crimes commis de 1993 à 2003 ne doivent pas occulter la nécessité de dénoncer avec la plus grande vigueur les atrocités qui continuent d'être perpétrées, en particulier dans l'Est de la République démocratique du Congo. Les cinq cents victimes des violences sexuelles atroces commises dans la région de Walikale, au début du mois d'août 2010, sont d'une tragique actualité. L'usage massif et systématique du viol comme arme de guerre, qui a touché plus de 15 000 femmes en 2009 (en l'absence de chiffres pour 2010, il vaut mieux omettre toute évaluation) constitue une intolérable violation des droits de l'Homme. La France oeuvre avec détermination et constance, en particulier au Conseil de sécurité des Nations unies, pour renforcer les mécanismes de prévention, de suivi de la situation, d'alerte précoce et de réaction rapide en cas de menace contre les populations civiles. Elle soutient les efforts de long terme d'appui à la réforme de la justice et des forces armées de République démocratique du Congo, ainsi que les mesures visant à prévenir les exactions des groupes armés. Elle a ainsi procédé en octobre à l'arrestation sur son sol, à la demande de la Cour pénale internationale, de Calllixte Mbarushima, secrétaire général des Forces démocratiques de libération du Rwanda. Enfin, elle s'attache à favoriser l'assistance aux victimes, en particulier aux femmes victimes de violences sexuelles.

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