Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 07/10/2010

Mme Françoise Laborde interroge Mme la ministre de la santé et des sports sur l'utilisation des moyens consacrés à la recherche scientifique relative aux causes environnementales du cancer, dans le cadre du Plan cancer 2.

Ce dernier, annoncé par le Président de la République il y a un an, représente un budget de 750 millions d'euros, destinés à la lutte contre le cancer, première cause de mortalité par maladie, en France. Le chef de l'État avait alors qualifié d'inacceptables les inégalités tant sociales que géographiques constatées face à la maladie, dont les principales causes seraient la consommation de tabac et d'alcool. Le Plan cancer 2 met en oeuvre un volet prévention principalement dédié à ces deux fléaux ainsi qu'à la promotion d'une alimentation équilibrée et d'exercices physiques quotidiens.

Or, le volet environnemental des causes de la maladie est absent du Plan cancer 2. Pourtant, aujourd'hui, suite à la publication des résultats de protocoles de recherche réalisées par des organismes indépendants dans le monde, de nombreux médecins spécialisés en oncologie considèrent que 80 % des cancers ont une cause environnementale. Cet oubli est donc dramatique pour ne pas dire coupable. Compte tenu de l'avancée des connaissances scientifiques et médicales, le principe de précaution doit être appliqué en matière de contamination de l'eau, de l'air, des sols, de la nourriture, par des produits cancérigènes, comme par exemple l'usage de certains pesticides dans l'agriculture. Seule une volonté politique forte peut orienter et mobiliser les moyens nécessaires à la recherche scientifique, en vue d'identifier le rôle exact des polluants dans l'apparition des cancers. La France doit s'atteler à la tâche en rassemblant les disciplines scientifiques complémentaires et en intensifiant son effort de recherche dans ce sens, comme c'est déjà le cas à l'étranger : carcinogénèse ; toxicologie in vivo, in vitro, in silico ; toxicologie génomique ; épidémiologie descriptive et analytique ; épidémiologie moléculaire, biostatistiques ; biosurveillance ; etc. La mise en place de nouveaux outils est urgente et marquerait une prise de conscience nouvelle et une volonté d'agir : création d'une chaire "Environnement / cancer", création d'un Institut de recherche sur les causes du cancer adossé à l'un des cancéropôles, promotion et développement de la chimie verte et plus largement des technologies vertes, les solutions sont nombreuses.

Pour toutes ces raisons, elle lui demande, d'une part, quel montant sera consacré à la recherche des causes environnementales dans le cadre du Plan cancer 2 et, d'autre part, quand seront mises en place des passerelles clairement identifiées entre les différents cancéropôles français et le pôle national en toxicologie et écotoxicologie, récemment créé. Enfin, elle l'exhorte de faire en sorte que la politique fiscale du Gouvernement tire les conséquences rapidement des résultats de ces recherches. A titre d'exemple, elle lui demande, notamment, de tout mettre en oeuvre pour lutter contre la production et la diffusion des particules fines dans l'atmosphère, reconnues hautement cancérigènes, et produites principalement par les moteurs automobiles diesel qui bénéficient pourtant de mesures fiscales incitatives.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la santé publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d'État, voilà plus d'un an déjà, le Président de la République annonçait le lancement du Plan cancer 2009-2013, dit Plan cancer II, qui doit mobiliser un budget de 750 millions d'euros, afin de financer la lutte contre le cancer, première cause de mortalité par maladie en France.

Après avoir qualifié d' « inacceptables » les inégalités tant sociales que géographiques des patients face à ce fléau, le Président de la République avait désigné la consommation de tabac et d'alcool comme étant la principale responsable de cette pandémie.

En conséquence, le Plan cancer II met en œuvre un volet Prévention principalement dédié à ces deux facteurs, ainsi qu'à la promotion d'une alimentation équilibrée ou encore d'exercices physiques quotidiens.

Le volet environnemental des causes de la maladie en est complètement absent. Pourtant, depuis la publication des conclusions concordantes de plusieurs études indépendantes au niveau international, de nombreux médecins spécialisés en oncologie s'accordent à reconnaître que 80 % des cancers ont une cause environnementale.

Cet oubli est donc dramatique, pour ne pas dire coupable. Compte tenu de l'avancée des connaissances scientifiques et médicales, le principe de précaution doit être appliqué pour la contamination de l'eau, de l'air, des sols et de la nourriture par des produits cancérigènes.

Je pense en particulier à l'usage de certains pesticides dans l'agriculture ou encore de plastiques, comme le bisphénol A, dans l'industrie agroalimentaire.

Seule une volonté politique forte peut orienter et mobiliser les moyens nécessaires à la recherche scientifique, en vue d'identifier le rôle exact des polluants dans l'apparition des cancers. La France doit s'atteler à cette tâche et intensifier son effort de recherche dans ce domaine. Pour atteindre cet objectif, elle doit notamment rassembler des disciplines scientifiques complémentaires telles que la carcinogenèse, la toxicologie in vivo, in vitro, in silico, la toxicologie génomique, l'épidémiologie descriptive et analytique, l'épidémiologie moléculaire, les biostatistiques ou la biosurveillance.

La mise en place de ces nouveaux outils est urgente. Elle traduirait non seulement une prise de conscience nouvelle, mais surtout une volonté d'agir. Les solutions sont nombreuses. Je pense notamment à la création d'une chaire « environnement et cancer » et d'un institut de recherche sur les causes du cancer adossé à l'un des cancéropôles, ainsi qu'à la promotion et au développement de la chimie verte et, plus largement, des technologies vertes.

C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir préciser, d'une part, le montant qui sera consacré à la recherche des causes environnementales dans le cadre du Plan cancer II et, d'autre part, la date prévue pour la mise en place de passerelles clairement identifiées entre les différents cancéropôles français et le Pôle national applicatif en toxicologie et écotoxicologie, récemment créé. Enfin, il est essentiel que le Gouvernement puisse traduire en actes les résultats des recherches scientifiques, et ce de façon beaucoup plus réactive.

Pour illustrer mon propos, je rappelle que les particules fines diffusées dans l'atmosphère par les moteurs automobiles diesels sont reconnues comme hautement cancérigènes. Les mesures fiscales incitant à l'achat de véhicules automobiles diesels, mises en place par le précédent gouvernement, représentent donc un danger pour la santé publique. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, vous m'interrogez, d'une part, sur les moyens consacrés à la recherche scientifique relative aux causes environnementales du cancer et, d'autre part, sur l'existence de passerelles entre les centres de recherche.

Tout d'abord, je tiens à souligner que l'une des mesures phare du Plan cancer 2009-2013 concerne l'identification des risques liés à l'environnement général et professionnel.

En effet, 2,3 millions d'euros ont été directement consacrés en 2009 au financement de projets de recherche sur les risques environnementaux et comportementaux. D'ici à la fin du plan, 15 % de la recherche en cancérologie aura été consacrée à l'analyse des risques environnementaux et comportementaux.

Concernant l'existence de passerelles, je puis vous assurer, madame la sénatrice, que les différentes disciplines de recherche sont d'ores et déjà mobilisées, afin d'associer divers spécialistes sur certains types de cancer.

De même, la recherche compétitive en toxicologie, en génétique et épidémiologie moléculaire, ainsi qu'en recherche clinique interventionnelle, est réactivée via sept appels à projet de recherche portant sur les risques environnementaux et comportementaux et financés par l'Institut national du cancer, l'INCA, en 2009 et en 2010, à hauteur de 1,5 million d'euros.

Un appel à projet en écotoxicologie lancé par l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, sera également cofinancé par l'INCA à hauteur de 2 millions d'euros pour les projets en lien avec le cancer.

Concernant la coordination entre différents pôles de recherche relative aux causes environnementales, l'INCA et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, organiseront un colloque international sur les causes environnementales des cancers dans le courant de l'année 2011.

En 2010, les deux agences ont lancé un appel à projets conjoints, qui a permis la sélection de huit projets à hauteur de 1 million d'euros, en complément des cinq projets déjà soutenus par l'ANSES dans le cadre du Programme national de recherche en environnement-santé-travail.

Je tiens par ailleurs à rappeler que le Plan cancer s'articule avec le volet recherche du Plan national santé-environnement 2009-2013, qui vise notamment à renforcer la recherche sur les interactions entre la qualité des milieux environnementaux et la santé des populations, ainsi qu'à développer la recherche sur certaines pathologies en forte augmentation du fait de l'exposition des populations aux polluants environnementaux.

J'évoquerai enfin les instruments de recherche destinés à l'ensemble de la communauté scientifique travaillant sur ces sujets.

Trois cohortes, qui font partie des très grandes infrastructures de recherche, pilotées par l'Institut de recherche en santé publique, l'IRESP, et l'Institut thématique santé publique, sont soutenues financièrement par l'INCA et la Ligue nationale contre le cancer, pour un montant annuel de 3 millions d'euros.

En outre, l'INCA et les cancéropôles Nord-Ouest et Grand Sud-Ouest participent au financement de la cohorte AGRICAN. Celle-ci, composée de plus de 180 000 personnes, doit mettre en lumière les effets à long terme des pesticides.

Vous l'aurez compris, madame la sénatrice, la recherche sur les causes environnementales du cancer tient une place importante au sein de ce plan national, et les moyens qui lui sont alloués nous permettront de mieux connaître ce type de risque et d'adapter nos politiques de lutte en fonction des données de la recherche dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui comporte de nombreux chiffres et renseignements, et que je relirai bien sûr avec attention.

J'insiste toutefois sur la difficulté à disposer, face au lobbying industriel, d'une expertise objective, ce qui me conduit à faire appel à votre vigilance. Au demeurant, sachez que je continuerai à suivre avec attention les évolutions du Plan cancer.

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