Question de M. BOUTANT Michel (Charente - SOC) publiée le 18/11/2010

M. Michel Boutant attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur la situation du tunnel routier de la ville d'Angoulême, chef-lieu du département de la Charente.

Ce tunnel est d'une importance capitale pour la circulation dans et autour de la ville. Il est ainsi utilisé par une grande partie des Angoumoisins, mais aussi par les habitants des communes adjacentes et par toutes les personnes qui souhaitent traverser rapidement la cité charentaise par son axe Nord/Sud pour rejoindre les grands axes de circulation ou le pôle d'échange intermodal de la gare.

Il ne s'agit donc pas d'un tunnel d'usage exclusivement communal. Pourtant, on exige aujourd'hui de la ville d'Angoulême une mise aux normes qu'elle devrait financer seule. Ce sont les décrets n° 2000-63 et n° 2006-20, ainsi que le décret n° 2005-701 qui ont défini les critères à respecter pour cette mise en conformité. Le tunnel est trop étroit pour accueillir deux sens de circulation et une galerie d'évacuation pour les usagers. Le gabarit, déjà limité à 3,50 mètres par la ville en 2006, devrait également être réduit à 2,25 mètres.

Le montant des travaux s'élèverait à 14,5 millions d'euros, somme considérable pour une municipalité de 42 000 habitants, surtout dans la situation de gel des dotations aux collectivités locales que l'on connait malheureusement. Ce chiffre correspond à dix années de programme d'entretien de la voirie communale ou à deux années de dépenses de travaux d'investissement. De plus, l'encours de la dette de la ville reste, malgré les efforts considérables de la municipalité, d'un niveau deux fois supérieur à la moyenne nationale des villes de même strate.

Si un bien public profite à tous, au-delà du secteur géographique où il se trouve, alors l'État devrait intervenir. Angoulême est la seule ville où un tunnel devant être remis aux normes n'est justement pas d'usage uniquement communal. De même, c'est bien l'État qui avait participé à la réalisation de l'ouvrage voici plus de trente ans.

Angoulême a fait et fera des efforts financiers tout à fait remarquables pour préparer la ville au chantier de la LGV Sud-Europe-Atlantique. Il s'agit aussi de permettre le passage du futur système de transport en commun en site propre, le « busway », dans cette zone. La ville est également engagée dans une opération de renouvellement urbain (ORU) d'ampleur. Elle fait enfin partie des douze agglomérations retenues pour mener un plan de déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques. Ces investissements représentent une charge extrêmement lourde pour la ville, qui consent néanmoins volontiers à ces efforts. Cependant, dans ce contexte financier, il n'est pas envisageable qu'elle finance seule les travaux du tunnel.

Il lui fait donc remarquer qu'on demande bien trop à une ville qui donne pourtant déjà beaucoup. Aussi, il lui demande de faire intervenir l'État au moyen d'une aide exceptionnelle afin de participer au financement des travaux de mise aux normes du tunnel routier d'Angoulême.

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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

M. Michel Boutant. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le problème de la mise aux normes du tunnel de la Gâtine, sis sur le territoire de la commune d'Angoulême.

Les tunnels, on le sait, font l'objet d'une mise aux normes depuis le terrible accident qui s'est produit sous le tunnel du Mont-Blanc voilà une dizaine d'années.

Le tunnel de la Gâtine est d'une importance capitale pour la circulation dans et autour de la ville. Il est ainsi utilisé non seulement par une grande partie des Angoumoisins, mais également par les habitants des communes périphériques et, plus généralement, par toutes les personnes qui souhaitent traverser rapidement la cité charentaise du Nord au Sud afin de rejoindre les grands axes de circulation en direction de Libourne, de Périgueux, de Poitiers ou le pôle d'échange intermodal de la gare. Quotidiennement, ce sont plus de 17 000 véhicules qui empruntent cette voie.

Il ne s'agit donc pas d'un tunnel à usage exclusivement communal. Pourtant, on exige aujourd'hui de la ville d'Angoulême qu'elle finance seule sa mise aux normes. Les critères à respecter pour cette mise en conformité ont été définis dans les décrets n° 2000-63 du 25 août 2000 et n° 2006-20 du 29 mars 2006, ainsi que dans le décret n° 2005-701 du 24 juin 2005, portant sur les obligations des collectivités.

Le tunnel, dans sa forme actuelle, est trop étroit pour accueillir deux sens de circulation et une galerie d'évacuation pour les usagers. Le gabarit, déjà limité à 3,50 mètres par la ville en 2006, devrait être réduit à 2,25 mètres.

Le montant des travaux s'élèverait à 14,5 millions d'euros pour 300 mètres de tunnel, somme absolument considérable pour une municipalité de 42 000 habitants, surtout dans la situation de gel des dotations aux collectivités locales que nous connaissons. Ce montant correspond à l'équivalent de dix années de programmes d'entretien de la voirie communale ou à deux annuités de dépenses de travaux d'investissement. De plus, l'encours de la dette de la ville d'Angoulême reste, malgré les efforts considérables de la municipalité, deux fois supérieur à la moyenne nationale des villes de même strate.

Plusieurs autres solutions ont été envisagées par la ville, notamment le passage à un sens unique de circulation. Cette option n'a pour le moment pas été retenue, le coût des travaux nécessaires étant au final sensiblement le même que celui d'une remise aux normes. La question de l'opportunité de celle-ci pourrait aussi se poser, compte tenu de la longueur de ce tunnel, surtout à un moment où le Président de la République et le Premier ministre s'interrogent sur la sévérité des normes qui s'imposent à nos collectivités.

Il est en tout cas regrettable que l'État exige de la ville qu'elle finance seule ce projet, dans la mesure où l'État avait participé à la réalisation de l'ouvrage, voilà plus de trente ans, et où, contrairement à ceux des huit autres communes de France concernées par une telle remise aux normes, le tunnel de la ville d'Angoulême est justement le seul qui ne soit pas à usage uniquement communal. Si un bien public profite à tous, au-delà des habitants du secteur géographique où il se trouve, alors l'État devrait intervenir.

Monsieur le ministre, je me demande, à l'instar des élus de la ville d'Angoulême, si l'on n'exige pas trop d'une ville qui donne pourtant déjà beaucoup. L'État ne pourrait-il pas verser une aide exceptionnelle et participer ainsi au financement des travaux de mise aux normes du tunnel routier d'Angoulême ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ne pouvant être présente ce matin, elle m'a prié de vous faire part de sa réponse.

Vous avez appelé son attention sur l'investissement lourd que représente l'opération de mise aux normes du tunnel routier de la Gâtine, situé à Angoulême, et sollicitez une participation financière de l'État à la mise en œuvre du projet de rénovation de cet ouvrage.

Mme Kosciusko-Morizet est convaincue de l'importance de ce tunnel, qui est un enjeu pour la ville d'Angoulême et son agglomération, compte tenu notamment du niveau de trafic.

Cependant, cet ouvrage appartenant à une collectivité territoriale et ne faisant pas partie du réseau routier national, le ministère ne peut malheureusement pas contribuer financièrement à ces travaux, en raison du partage des compétences en matière d'infrastructures routières. En effet, l'État a transféré aux collectivités territoriales une partie du réseau routier dont il avait auparavant la charge. À la suite de ce partage, notamment, tous les travaux d'infrastructures routières ont été sortis des contrats de projet, lorsqu'ils existent, l'État n'entretenant plus que les infrastructures relevant strictement de sa compétence.

Par ailleurs, votre département participe au financement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique. À cet égard, depuis la réalisation de la ligne TGV Est européenne, qui relie Paris à Strasbourg et sera prolongée, à terme, au-delà du Rhin, les collectivités territoriales sont systématiquement associées au financement de ce type d'infrastructures. Ainsi, la contribution du département du Bas-Rhin au financement de la ligne TGV Est européenne s'était élevée à 75 millions d'euros.

Il est donc logique que votre département participe au financement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, monsieur le sénateur. Le Gouvernement souhaite que les travaux puissent débuter dans les meilleurs délais, afin que la mise en service ait lieu dès 2016.

Enfin, Mme Kosciusko-Morizet connaît votre projet de réalisation d'un bus à haut niveau de service de la communauté d'agglomération du grand Angoulême. Un dossier a été déposé dans le cadre du deuxième appel à projets en faveur des transports urbains lancé le 4 mai 2010. Cet appel est désormais clos. Il rencontre un réel succès : plus de quatre-vingts projets ont été déposés par cinquante-sept autorités organisatrices. Je tiens également à souligner que vingt projets sont portés par dix agglomérations participant à la démarche EcoCité.

Le projet d'Angoulême répond aux objectifs du Grenelle de l'environnement et aux enjeux d'une mobilité durable. Il sera d'ailleurs examiné par le comité technique qui se réunira les 1er et 2 décembre prochains. Les lauréats de l'appel à projets seront désignés dans les prochaines semaines. J'espère, monsieur le sénateur, que votre projet sera retenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Votre réponse est paradoxale, monsieur le ministre.

Pour justifier la non-intervention de l'État en faveur de la commune d'Angoulême, vous arguez que les compétences ont été partagées et que l'État ne s'occupe plus désormais que de la voirie relevant strictement de la sienne.

Or, en tant que président d'un conseil général, vous savez aussi bien que moi que les départements continuent malgré tout à participer au financement des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers. Ainsi, dans le cadre du dernier contrat de plan État-région, le mien a contribué à hauteur de 67 millions d'euros aux travaux effectués sur la voirie nationale. Je ne peux donc accepter votre réponse, monsieur le ministre.

Par ailleurs, bien que la loi portant réforme des collectivités territoriales interdise un certain nombre de financements croisés, l'État est aujourd'hui le premier à exiger le recours à de tels financements, en particulier en matière de développement ferroviaire. À cet égard, vous avez évoqué la ligne à grande vitesse Est européenne : il en va de même pour la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le département de la Charente étant appelé à apporter 30 millions d'euros, la communauté d'agglomération d'Angoulême 10 millions d'euros et la ville de Cognac, pourtant distante de quarante kilomètres, 4 millions d'euros.

Je ne peux donc souscrire à vos arguments, monsieur le ministre ; votre sourire témoigne d'ailleurs que vous-même n'y croyez pas !

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