Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC-SPG) publiée le 04/11/2010

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la toxicité des pastilles combustibles chauffantes utilisées en cellule pénitentiaire.
Dans bon nombre de prisons, l'administration pénitentiaire refuse d'autoriser les détenus à utiliser des plaques électriques chauffantes, notamment en raison de l'actuelle vétusté des installations électriques, et y autorise depuis 1996 la vente de pastilles combustibles chauffantes et les réchauds afférents. Il est à noter que, sur l'emballage des pastilles en question, figure la mention «ne pas utiliser dans une atmosphère confinée ». Leur combustion libère en effet des vapeurs irritantes pouvant entraîner des gênes (picotements des yeux, irritation de la gorge) et des symptômes respiratoires (toux douloureuses, expectoration, bronchospasme). Par ailleurs le formaldéhyde, gaz issu de la combustion de ces pastilles, est classé comme « cancérogène avéré chez l'homme » par le Centre international de recherche sur le cancer, rattaché à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Une expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles le 19 octobre 2009, et remise le 10 septembre 2010, établit clairement le lien entre la toxicité des pastilles et l'état de santé dégradé d'un détenu. Le même expert estime que l'utilisation de ces réchauds « devrait être proscrite » en milieu « confiné ».
En janvier 2007, le comité de coordination de toxicovigilance (CCTV), mandaté par la direction générale de la santé (DGS), observait que « ces pastilles ne devraient pas être utilisées en atmosphère confinée ». Dans son rapport sur la maison d'arrêt de la Santé, remis en mars 2008, la DRASS alerte sur la nécessité de changer les systèmes électriques défaillants pour proposer « des plaques chauffantes et des fours à micro-ondes ». Une recommandation identique avait été faite, dés novembre 2007, par la même DRASS, qui épinglait la « nocivité avérée » des pastilles utilisées à la maison d'arrêt de Fresnes.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) n'a pas manqué non plus d'épingler la pérennisation de ce système de cuisson toxique en cellule à la suite de plusieurs visites d'établissements pénitentiaires, tels Villefranche-sur-Saône, Chartres, Angers, ou Compiègne. Selon le CGLPL, autoriser les plaques électriques « permettrait de retirer de la cantine l'achat des pastilles combustibles dont l'administration pénitentiaire indique par note le risque cancérigène, ce qui, pour le contrôle général, apparaît pour le moins incohérent...».
Pour toutes ces raisons, elle lui demande la liste complète des établissements pénitentiaires où sont vendus ces pastilles combustibles et les réchauds afférents. Elle lui demande également ce que les pouvoirs publics comptent faire pour que puisse être mis à la disposition de tous les détenus des plaques électriques et des micro-ondes en nombre suffisant.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 27/01/2011

Les personnes détenues sont autorisées à acheter en cantine des pastilles chauffantes. Elles sont destinées à réchauffer des boissons ou des plats cuisinés et non à confectionner des repas en détention. Les établissements pénitentiaires distribuent quotidiennement trois repas à chaque personne détenue. Il n'est donc pas nécessaire de cuisiner des repas en cellule. En 1996, la direction de l'administration pénitentiaire a interdit l'achat, en cantine, de pastilles chauffantes avec alcool. En conséquence, depuis lors, l'usage de nouvelles pastilles chauffantes n'entraîne pas de dégagement de formaldéhyde, classé comme « cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer, rattaché à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les pastilles chauffantes sont utilisées dans les établissements anciens et les maisons d'arrêt dont les installations électriques ne permettent pas toujours de supporter l'équipement en plaques chauffantes. Les établissements récents, ou les établissements pour peine, sont équipés de plaques chauffantes ou de kitchenettes qui permettent la confection de repas chauds. La modernisation du parc pénitentiaire, voulue par le ministère de la justice et des libertés, entraînera immanquablement une diminution de l'utilisation de ces pastilles. Dans les nouveaux établissements, les cellules comprennent un espace dédié au réfrigérateur et à une plaque chauffante, que les personnes détenues auront la possibilité d'acquérir ou de louer. De même, au sein de chaque unité en quartier de centre de détention nouvellement construit est implanté un office qui dispose d'équipements destinés au nettoyage du matériel de distribution des repas, au maintien en température des chariots repas et à la préparation de repas par les détenus eux-mêmes grâce aux achats effectués en cantine. Ces équipements seront étendus aux quartiers de semi-liberté. Des personnes détenues s'étant plaintes d'irritations de la conjonctive, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Paris a alerté la direction générale de la santé du ministère chargé de la santé, le 20 juillet 2005. La direction générale de la santé a saisi le 29 septembre 2005, le comité de coordination de toxicovigilance (institut de veille sanitaire) afin qu'il réalise la synthèse des données de toxicologie clinique disponibles ainsi que des signalements reçus sur des cas d'intoxication, tout en se prononçant sur la toxicité potentielle de ce produit. Ce comité a remis un rapport, en janvier 2007, concluant au fait que ces pastilles peuvent entraîner des irritations et des allergies mais qu'il n'est pas envisageable de suspendre l'utilisation de ces pastilles en les remplaçant par des plaques électriques chauffantes. Le comité de coordination de toxicovigilance préconise des mesures de précaution : l'information des personnes détenues sur les risques et les modalités de bonne utilisation et l'aération des cellules. Par une note du 10 avril 2008, l'administration pénitentiaire a donné les instructions nécessaires, reprenant les recommandations du comité de coordination de toxicovigilance, afin d'informer les personnes détenues quant au bon usage de ces pastilles. Ainsi, les personnes détenues sont informées qu'il convient d'utiliser ce produit comme un appoint, pour améliorer l'ordinaire, et non pour confectionner des plats, de pratiquer une aération de la cellule pendant et après la combustion, de se laver les mains après utilisation et d'éviter d'inhaler les vapeurs qui se dégagent lors de l'utilisation. En 2010, l'administration pénitentiaire a procédé à un recensement des produits acquis par les personnes détenues en cantine, dont les pastilles chauffantes. À partir d'un échantillon significatif, mais non exhaustif, il s'avère que seules 58 maisons d'arrêt sur 106, et 3 centres de détention sur 79, autorisent les personnes détenues à acquérir des pastilles chauffantes en cantine. 146 174 plaquettes de 6 pastilles ont été acquises. Rapporté au nombre de personnes détenues concernées, on peut estimer à 2,4 le nombre de plaquettes par personne incarcérée.

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