Question de M. ANTOINETTE Jean-Étienne (Guyane - SOC-A) publiée le 20/01/2011

M. Jean-Étienne Antoinette attire l'attention de M. le Premier ministre sur le suicide récent de deux Amérindiens, à Camopi et à Antecumpata, communes situées dans le périmètre du parc amazonien de Guyane, qui interpelle à nouveau les consciences sur la situation des populations de cette région.

Les populations amérindiennes sont particulièrement vulnérables devant la perte des repères sociaux, la dégradation des conditions de vie dans les villages de l'intérieur de la Guyane ou le choc des cultures sur le littoral. Le modèle de développement subi par la Guyane depuis plusieurs années est destructeur pour les populations amérindiennes, tant par les conséquences de l'orpaillage clandestin sur la santé et les conditions de vie, que par l'absence de perspective économique sur le littoral, le pillage des ressources naturelles dans leur propre environnement, le manque d'avenir dans un système scolaire inefficient. Le taux de suicide particulièrement élevé au sein de cette communauté en Guyane signale un échec sociétal collectif que la République ne peut accepter.

Il rappelle qu'il est intervenu à plusieurs reprises pour la prise en compte de la vie et des besoins des populations du parc dans les mesures encadrant les activités humaines sur cette partie du territoire guyanais, ainsi que l'importance de la mise en place urgente de conditions d'exploitation des ressources, non seulement respectueuses des hommes et du territoire, mais soucieuses du partage des bénéfices de cette exploitation avec les populations tirant traditionnellement leur subsistance de leur environnement naturel, non pour leur aliénation, mais pour un développement de leur territoire en phase avec leurs valeurs.

Sa proposition d'instaurer, au bénéfice du parc et de ses populations, une taxe sur les produits issus des recherches sur les ressources génétiques prélevées dans le parc, applicable aux grandes entreprises assurant l'exploitation commerciale de ces ressources n'a pas été entendue.

Au vu des événements, il demande de prendre la mesure de la détresse de la population amérindienne de Guyane et d'engager les mesures exceptionnelles qui conviennent face à cette situation qui perdure depuis trop longtemps maintenant, avec une approche globale des problèmes touchant les sociétés amérindiennes traditionnelles de Guyane, en matière de santé, d'éducation, d'activité et de cadre de vie.

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Transmise au Ministère chargé de l'outre-mer


Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 05/05/2011

Comme l'honorable parlementaire ne l'ignore pas, à la suite des tristes évènements survenus récemment dans la jeune population amérindienne, le préfet de Guyane a diligenté une mission d'analyse de la situation auprès de l'ensemble des communautés amérindiennes. Dans le prolongement de cette mission, lors de son déplacement à Camopi le 14 février dernier, le préfet, accompagné du sous-préfet chargé des communes de l'intérieur et du sous-préfet à la cohésion sociale et à la jeunesse, a présenté au conseil municipal, en présence du maire de la commune, l'état d'avancement des principales mesures décidées le 21 janvier 2011, en accord avec les populations amérindiennes, destinées à apporter des solutions à cette crise complexe due à de multiples facteurs. Ces mesures intéressent la santé des jeunes : arrivée le 18 février d'un infirmier en psychiatrie, basé à Camopi pendant une période de trois mois, orienté ensuite de manière durable et pérenne sur Saint-Georges-de-l'Oyapock et Camopi ; organisation d'une campagne sur les dangers de l'alcool et des drogues dans les semaines qui viennent, ainsi que la médiation, l'information, l'enseignement et le désenclavement numérique qui se traduisent par : le recrutement de six jeunes amérindiens pour effectuer des actions de médiation au titre du service civique ; la mise en place d'un point info jeunesse en concertation avec la région Guyane, lequel outre ses missions habituelles d'information des jeunes, pourra intervenir, à la demande des élus de Camopi, pour accompagner les démarches d'inscription dans les établissements scolaires de Cayenne ; en lien avec le rectorat de Guyane, l'adaptation de l'école à la réalité amérindienne, (évolution des rythmes de l'enseignement et dispense, hors du temps scolaire, de l'enseignement de la culture et des savoir-faire amérindiens) ; le désenclavement numérique, en particulier en matière de téléphonie et de télécommunication. D'autres mesures sont prévues comme des missions institutionnelles d'appui tous les deux mois ainsi que la visite fin mars par des représentants de la communauté amérindienne de l'internat de Maripasoula, (ce déplacement ayant pour but d'apporter une réponse similaire au problème de l'hébergement et de l'encadrement scolaire des lycéens et étudiants). La construction de trois classes et d'une bibliothèque scolaire à Camopi ouverte aux parents a été également annoncée. En outre, des discussions seront engagées afin de définir l'avenir de Camopi et recueillir les souhaits d'évolution éventuelle du statut de la zone du haut Oyapock. Enfin, comme vous l'évoquez, le Gouvernement est conscient de la nécessité d'assurer au bénéfice des populations de l'intérieur un meilleur partage des bénéfices liés à l'exploitation des ressources biologiques et génétiques, en particulier. La loi sur les parcs nationaux du 14 avril 2006 intègre ainsi un chapitre « Parc amazonien en Guyane » qui prévoit la possibilité de dispositions plus favorables tant au plan de la réglementation applicable en « coeur de parc » que de la future charte, au bénéfice des résidents permanents en « coeur de parc » et des communautés d'habitants. Le décret du 27 février 2007 créant le parc national amazonien en Guyane exonère ainsi les communautés d'habitants de l'application de la réglementation du parc pour ce qui est des activités agricoles, de l'accès et de la circulation des animaux domestiques, de la domestication des animaux sauvages et affirme le libre exercice pour ses membres de leurs droits d'usage collectifs. D'autre part, le chapitre relatif au Parc amazonien de la loi de 2006 prévoit aussi la soumission à un régime d'autorisation de l'accès et de l'utilisation des ressources génétiques, les conditions pour ce faire et, notamment les modalités de partage des bénéfices, devant être définies dans le cadre de la future charte du parc, dans le respect des dispositions de la convention sur la diversité biologique.

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