Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 14/04/2011

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la question de l'attribution de bonifications pour enfants aux fonctionnaires hommes retraités. En effet, il s'avère que de nombreux fonctionnaires hommes, pères de trois enfants, ne bénéficient pas, lors de leur mise en retraite, de la bonification pour enfants prévue pourtant à l'art L. 12b du code des pensions civiles et militaires de retraites.

Cette inégalité de traitement a été déjà dénoncée et de nombreux fonctionnaires hommes ont d'ailleurs déposé des recours auprès des tribunaux administratifs dans plusieurs régions. Leur argumentaire repose sur un des articles fondateurs du traité instituant la Communauté européenne (art 141) qui rappelle le principe d'égalité entre travailleurs masculins et féminins.

Dans un temps où la question de l'égalité entre les femmes et les hommes est au cœur de nombreux débats, il s'agit ici de permettre un égal accès aux droits pour tous, sans discrimination et ainsi de rétablir une équité entre hommes et femmes. Ces fonctionnaires arguent, à juste titre, du fait qu'ils ont participé eux aussi, à l'éducation de leurs enfants et que ce droit leur est dû de la même manière.

Elle souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement entend faire appliquer le principe intangible de l'égalité homme femme dans ces situations.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la famille publiée le 13/07/2011

Réponse apportée en séance publique le 12/07/2011

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, je voudrais tout d'abord vous féliciter de votre nomination. Je constate une nouvelle fois que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'APCE, est un creuset de ministres et de ministrables. (Mme la secrétaire d'État sourit.)

Je souhaite aborder une question fort complexe, celle de la situation discriminatoire que vivent les fonctionnaires hommes ayant fait valoir leurs droits à la retraite avant l'entrée en vigueur de la loi adoptée en 2003.

Comme vous le savez, le b) de l'article L 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit l'attribution d'une bonification d'un an par enfant né avant le 1er janvier 2004 aux hommes fonctionnaires s'ils ont interrompu leur activité dans les conditions fixées par décret, c'est-à-dire une interruption d'activité continue au moins égale à deux mois.

Or cette attribution de bonifications dues aux retraités hommes de la fonction publique ne se fait pas automatiquement pour ceux qui étaient déjà retraités. Certains d'entre eux ont alors engagé des démarches longues et complexes pour faire reconnaître leurs droits.

Pour ce faire, ils s'appuient principalement sur l'arrêt Griesmar de 2001, selon lequel le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes n'est pas respecté par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. D'autres arrêts du Conseil d'État rappellent aux plaignants, d'une part, que le droit communautaire ne prévaut pas sur le droit français, et, d'autre part, que la demande de révision doit se faire dans un délai d'un an à compter de la notification initiale du titre de pension.

Or les titres de pension originaux ne comportaient aucune mention concernant les possibles voies de recours.

Le délai d'un an était largement dépassé, et beaucoup d'entre eux ont abandonné. D'autres ont persévéré et font état de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, aux termes duquel : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »

Après de longues années de bataille juridique, certains viennent d'obtenir la réédition de leur titre de pension, qui prend en compte la bonification pour leurs enfants nés avant 2004. Toutefois, qu'en est-il des autres, ceux qui ont abandonné ou, pis, qui ne connaissent pas leurs droits ?

Eu égard au principe de l'égalité des citoyens devant la loi, à la complexité, à la lourdeur et à la longueur de cette procédure, quelles sont les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour mieux informer les personnes concernées de leurs droits ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir souligné le travail commun que nous avons pu mener à l'APCE ; les questions que nous avons abordées dans ce cadre sont, je le sais, une priorité pour vous aussi.

La ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, qui ne peut malheureusement être présente aujourd'hui, m'a chargée de vous répondre.

La bonification accordée aux fonctionnaires parents d'enfants, qui a pour effet d'augmenter la durée de services effectifs accomplie par ces derniers et d'améliorer leurs droits à pension, a été profondément réformée par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, afin de mettre ce dispositif en conformité avec le droit communautaire et avec le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes.

Depuis cette réforme, les fonctionnaires mères ou pères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 bénéficient d'une bonification d'une année de leur durée de services, à condition d'avoir interrompu leur activité pendant au moins deux mois à l'occasion de l'arrivée de l'enfant au foyer, qu'il s'agisse d'une naissance ou d'une adoption ; vous l'avez très bien précisé.

Le mécanisme est destiné à compenser le préjudice de carrière découlant des conséquences de l'interruption d'activité, et non à récompenser la participation à l'éducation de l'enfant.

Les congés pris en compte sont non seulement le congé maternité – c'est évidemment le cas le plus fréquent –, mais également le congé pour adoption, le congé parental ou le congé de présence parentale, et même la disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans, qui sont également ouverts aux pères et aux mères.

Le Conseil d'État a admis la conformité du mécanisme rénové avec le droit communautaire et le droit français par un arrêt D'Amato du 29 décembre 2004.

Au début de l'année 2011, la Commission européenne a classé l'avis motivé du 25 juin 2009 et a souhaité améliorer les droits des pères, le dispositif ayant été étendu aux situations de temps partiel, et non plus aux seuls cas d'interruption d'activité.

Pour les enfants nés à compter de 2004, une majoration de durée d'assurance de six mois par naissance remplace l'ancienne bonification. Liée à la maternité, elle est par conséquent réservée aux seules femmes, comme l'autorise le droit communautaire. La conformité de ce mécanisme au droit communautaire n'a pas été contestée par la Commission européenne.

Dans un contexte où les durées de carrière des femmes fonctionnaires sont sensiblement inférieures à celles des hommes fonctionnaires et où les écarts de montants de pension entre les fonctionnaires des deux sexes restent importants, de tels mécanismes sont tout à fait nécessaires et répondent à un objectif légitime de compensation du préjudice de carrière résultant de l'éloignement du service.

Je vous le rappelle tout de même, pour les pensions liquidées en 2008, la durée de services prise en compte dans la liquidation de la pension hors bonification est de 135,6 trimestres pour les hommes et de 129,6 trimestres pour les femmes.

Comme vous le soulignez à juste titre, le préjudice de carrière affecte très majoritairement les fonctionnaires femmes. Toutefois, plus d'un millier de fonctionnaires hommes ont bénéficié de la bonification depuis 2004 en raison d'une interruption d'activité de deux mois.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Comme vous le voyez, il s'agit d'un sujet très complexe et technique.

Néanmoins, les personnes concernées par ma question sont des fonctionnaires qui avaient pris leur retraite avant l'adoption de la loi de 2003. Certains, peu nombreux, se sont engagés dans un combat et sont même parvenus à faire reconnaître leur interruption d'activité. Mais quid des autres, ceux qui ont abandonné ? C'était le sens de ma question. Je sais bien qu'une mesure en leur faveur aurait un coût financier, mais je tenais à évoquer leur situation au Parlement.

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