Question de Mme ALQUIER Jacqueline (Tarn - SOC) publiée le 27/05/2011

Question posée en séance publique le 26/05/2011

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, cette question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et concerne les établissements pénitentiaires pour mineurs, les EPM.

Au moment de l'ouverture, en 2007, des sept établissements pénitentiaires pour mineurs âgés de 13 à 18 ans, des parlementaires exprimaient leurs doutes et leurs interrogations. Ce projet apparaissait comme une volonté d'affichage politique affirmant le choix de la répression sur celui de la prévention et prétendait régler le problème de la délinquance des mineurs.

Nous dénoncions alors l'énorme disproportion des moyens destinés à ces établissements, comparée à la pénurie croissante des budgets alloués à l'action éducative en milieu ouvert et aux foyers d'hébergement éducatifs, ainsi que la confusion des genres et le risque d'un paradoxe irréductible entre les « cultures » pénitentiaire et éducative.

Aujourd'hui, force est de constater que ces réserves étaient fondées. Il convient de prendre acte de l'échec des EPM. Les incidents, voire les drames, s'y multiplient : on y casse beaucoup, on s'en prend au personnel et l'on a même pu déplorer le suicide d'un détenu.

Vous en êtes d'ailleurs conscient, monsieur le garde des sceaux, puisque vous vous êtes bien gardé d'aborder cette question lors de la récente discussion, dans cet hémicycle, du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Pourtant, chacun de ces établissements a coûté 12 millions d'euros d'investissement, auxquels s'ajoutent des frais de fonctionnement élevés, et tout cela sans résultats probants.

Le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, récemment remis au chef de l'État, pointe également les dysfonctionnements de ces établissements. Il dénonce en particulier les pratiques de cette administration, qui fait passer les jeunes des EPM aux quartiers pour mineurs des prisons, non sur le fondement d'un projet établi, mais au gré des sanctions visant certains comportements, ce qui empêche tout travail de fond et confirme le leurre de « l'éducatif » dans un contexte d'enfermement.

Aujourd'hui, particulièrement à l'EPM de Lavaur, mais aussi dans d'autres établissements, des incidents graves ont amené les professionnels à exercer leur droit de retrait et à dénoncer l'absence de reconnaissance de la pénibilité de leurs fonctions ainsi que leur manque de formation.

Monsieur le garde des sceaux, quelle réponse apporterez-vous au malaise des personnels éducatifs et de surveillance ?

Quelles sont vos propositions pour les mineurs délinquants, alors que l'on sait qu'une mesure d'accompagnement éducatif en milieu ouvert permet de réduire la récidive, qui s'élève à 70 % après une incarcération, à 20 % ?

Envisagez-vous d'établir un bilan réaliste et transparent des EPM, auquel le Parlement serait associé ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

- page 4278


Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 27/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2011

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame le sénateur, les établissements pénitentiaires pour mineurs sont des établissements d'un type nouveau, conformes à l'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945, dont nous avons beaucoup parlé, ici même, la semaine dernière.

Il s'agit, pour des mineurs qui devraient de toute façon être incarcérés, de ne pas se trouver en prison comme des adultes. Dans un EPM, soixante places sont destinées à des mineurs particulièrement violents et cent vingt adultes se trouvent présents pour essayer non seulement de retenir ces jeunes, mais aussi de les former.

Nous faisons travailler dans ces établissements à la fois des agents de l'administration pénitentiaire et des fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse, c'est-à-dire des éducateurs. Vous avez raison de souligner, madame le sénateur, que la culture de ces deux services diffère. Mais telle est bien la gageure à laquelle nous tentons de répondre depuis 1945 : faire en sorte que les mineurs délinquants ne soient jamais traités comme des adultes.

Quelles que soient leurs imperfections, les EPM ont permis de sortir une partie des jeunes âgés de seize à dix-huit ans des quartiers pour mineurs des prisons. À cet égard, je considère qu'ils représentent un vrai progrès, dans l'esprit de l'ordonnance de 1945.

Il n'est donc pas question de revenir sur leur création. En revanche, il est tout à fait normal d'analyser la situation et de chercher à améliorer une institution récente, que je ne prétends nullement être parvenue à la perfection. Nous y travaillons. Le directeur de l'administration pénitentiaire ainsi que le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse se sont rendus à Lavaur, et j'ai moi-même visité l'établissement de Meyzieu, où de graves incidents se sont produits.

Nous réfléchissons à l'élaboration de référentiels nationaux afin d'améliorer ces établissements pénitentiaires pour mineurs. C'est un instrument pertinent, un bon outil, et je ne comprendrais pas que ceux qui souhaitent que les mineurs délinquants soient traités différemment des adultes en demandent la suppression !

Oui, ensemble, nous pouvons perfectionner les EPM, auxquels sont consacrés d'immenses moyens – le prix de journée y est particulièrement élevé, comme vous l'avez à juste titre souligné. Le Gouvernement et la majorité considèrent que, s'agissant de mineurs, l'investissement financier en vaut la peine, puisqu'il s'agit de sauver toute une vie. Enfin, tous les acteurs seront associés à l'amélioration de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

- page 4278

Page mise à jour le