Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 15/06/2011

Question posée en séance publique le 14/06/2011

Concerne le thème : Suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et de la politique universitaire française

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la ministre, je ne conteste ni l'autonomie accordée aux universités, sous réserve qu'elle reste une autonomie de service public, ni la politique de rapprochement entre les universités.

Toutefois, il existe une contradiction entre l'objectif de resserrement de la gouvernance de la loi LRU et la politique de regroupement au titre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur – les PRES –, voire de fusion entre les universités, mise en œuvre par votre ministère.

L'effectif des conseils d'administration est plafonné à trente membres, dont quatorze enseignants-chercheurs au maximum. Dans le même temps, les fusions d'universités, à Strasbourg, à Aix-Marseille ou en Lorraine, créent des ensembles pouvant regrouper 40 000 étudiants, voire 70 000.

Quant aux PRES, leur mise en place alourdit inévitablement les circuits de décision, alors que le rapport de la Cour des comptes du mois de février dernier met l'accent sur la modestie des résultats obtenus jusqu'à présent. Ne faut-il pas revaloriser les autres conseils, qu'il s'agisse des conseils scientifiques ou des CEVU, les conseils des études et de la vie universitaire ?

Une centralisation excessive peut aussi résulter de la politique de regroupement universitaire : il semble qu'elle vise, avant tout, à faire émerger une dizaine de grandes universités d'excellence, capables de rivaliser un jour, dans le classement de Shanghai, avec les universités anglo-saxonnes.

Or j'observe que, dans ce classement, émergent des universités assez petites au regard du nombre de leurs étudiants, mais caractérisées par un nombre élevé de doctorants, s'élevant à plusieurs milliers.

Cela m'amène à m'interroger sur deux points.

En premier lieu, dans le processus de regroupement que vous avez engagé, ou plutôt laissé s'engager, les petites universités, y compris de technologie, comme celles de Belfort-Montbéliard ou de Troyes, ne risquent-elles pas de rester à l'écart ? Y a-t-il une sorte de « laisser-faire » en la matière ou, au contraire, une doctrine d'ensemble ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. Par exemple, du fait de sa proximité avec Paris, l'université de technologie de Compiègne a choisi de se rapprocher de l'université Paris VI. Votre ministère aurait pu privilégier la création d'une grande université de technologie française, regroupant les trois établissements existant actuellement. Ce n'est pas le choix qui a été fait.

En second lieu, la France n'a-t-elle pas besoin d'un grand pôle d'ingénierie, particulièrement la France du Nord-Est, de vieille tradition industrielle, des groupes comme Peugeot, Faurecia, Alstom ou General Electric demeurant ancrés dans ma région ? Comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes, il reste à construire une stratégie territoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, je vais vous rassurer : le Gouvernement travaille à l'élaboration de la stratégie territoriale, sur le fondement notamment des travaux menés, région par région, par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, dont les conclusions ont été transmises à tous les élus. Ceux-ci pourront ainsi prendre pleinement conscience tant des atouts économiques, scientifiques, technologiques et de formation de leur région que de ses failles ou de ses carences, l'objectif étant d'essayer de définir, avec tous les acteurs locaux, une stratégie régionale et territoriale.

Cela étant, l'autonomie des universités doit être respectée jusqu'au bout. Vous avez regretté que j'aie laissé l'université de technologie de Compiègne s'allier avec une grande université scientifique parisienne, au lieu de choisir de regrouper les universités de technologie de notre pays. Mais, monsieur le sénateur, c'est cela l'autonomie ! Je ne marie personne de force ! J'essaie non pas de créer de grandes universités, mais de recoller les morceaux de ce qui a été cassé après mai 68.

Aujourd'hui, une bonne recherche, une bonne formation est pluridisciplinaire. À titre d'exemple, la recherche sur la maladie d'Alzheimer doit rassembler des chercheurs dans les domaines de l'économie, de la santé, du droit, de l'éthique, des sciences humaines, des sciences sociales : tous ces chercheurs doivent être présents dans l'université moderne.

Les universités françaises offrent des formations de premier cycle, alors que de nombreuses grandes universités de recherche étrangères ne dispensent leurs enseignements qu'à partir du second cycle : c'est la raison pour laquelle elles comptent beaucoup moins d'étudiants. Ces deux modèles sont tout à fait différents.

La qualité de nos premiers cycles doit être améliorée : c'est tout l'objet de la nouvelle licence que nous présenterons d'ici à l'été. Par ailleurs, les bonnes universités, bien placées dans les classements internationaux, possèdent de belles grandes écoles doctorales faisant appel à de nombreuses disciplines.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Des universités de tous les savoirs, voilà ce que le Gouvernement souhaite pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je suis infiniment respectueux de l'autonomie des universités, mais, comme je l'ai précisé, ce doit être une autonomie de service public. Je ne suis pas partisan du laisser-faire : ce n'est pas parce que l'université de Compiègne veut se rapprocher de l'université Paris VI que les synergies et la culture commune rassemblant les trois universités de technologie du pays doivent être passées par pertes et profits.

Madame la ministre, les régions sont très inégales. J'aurais souhaité que vous répondiez à ma question sur la constitution d'une filière d'ingénierie dans le grand Nord-Est industriel, mais le couperet du temps de parole tombe sur votre tête comme sur la mienne… (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

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