Question de Mme CAMPION Claire-Lise (Essonne - SOC) publiée le 28/07/2011

Mme Claire-Lise Campion attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur le projet de décret pris pour application de l'article 18 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ce dernier suscite une grande inquiétude dans la communauté numérique française au motif qu'il permet aux autorités administratives de mettre en demeure, de leur propre chef, l'éditeur d'un site, l'hébergeur ou le cas échéant les fournisseurs d'accès internet, afin de faire cesser toute “activité” comportant à leurs yeux un “risque sérieux et grave d'atteinte à l'ordre public ”. Saisi, le Conseil national du numérique (CNN) a publié le 17 juin 2011 un avis négatif estimant que “toute mesure de blocage ne peut intervenir qu'au terme d'un débat contradictoire sous l'appréciation et le contrôle préalable du juge”.
Cette position rejoint celle de la Cour de justice de l'Union européenne. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend apporter des modifications au projet de décret dans le sens de la décision du conseil national du numérique.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique publiée le 16/02/2012

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a transposé la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique. Son article 18 reflète les dispositions prévues par cette directive (article 3.4) en vue de permettre aux États membres d'intervenir sur des services de la société de l'information qui mettraient gravement en péril certains de leurs intérêts supérieurs. Parmi ces enjeux cruciaux, la directive cite notamment les questions de sécurité et de défense nationale, d'ordre public, de protection des mineurs, de santé publique ou de protection du consommateur. Dans l'hypothèse de risques d'atteintes à ces intérêts, la directive autorise les États à prendre des mesures de contrainte et de restriction à la liberté d'exercice de ces services. Pour la mise en œuvre de ce dispositif légal, le Gouvernement a élaboré un projet de texte réglementaire spécifique, qui traite dans une procédure unique l'ensemble des situations nécessitant cette intervention des pouvoirs publics. Le projet de décret ainsi élaboré a été soumis au Conseil national du numérique (CNN) récemment créé, afin de recueillir l'avis des acteurs du monde numérique. L'avis détaillé, rendu par le Conseil national du numérique le 17 juin 2011, reconnaît que le projet de texte aménage un dispositif très explicite dans la logique et la subsidiarité de la procédure de notification. Cet avis suggère des pistes d'amélioration, notamment du point de vue des garanties de procédure, et fait part de réserves quant aux modalités permettant aux autorités administratives de requérir le filtrage de l'accès à des contenus présentant des risques graves. Ces propositions ont été évoquées avec le CNN. Le ministre chargé de l'économie numérique a, par ailleurs, confirmé que le projet de décret serait notifié à la Commission européenne. Le Gouvernement a donné toute l'attention qu'il convenait aux observations portées par le CNN tout en rappelant : - d'une part, que le projet de décret organise un processus d'intervention très graduée de l'autorité publique ( le projet décline scrupuleusement les différentes étapes d'actions préalables auprès des éditeurs et des hébergeurs) ; les mesures envisagées visent ainsi prioritairement l'éditeur de site responsable, puis à défaut l'hébergeur de données concerné, et enfin, si la démarche reste infructueuse, le fournisseur d'accès à internet. L'injonction ne peut être adressée directement au fournisseur d'accès qu'en cas d'extrême urgence. La procédure est par ailleurs harmonisée avec la dimension communautaire, puisque l'injonction fait l'objet d'une notification à la Commission et à l'État-membre concerné si le site concerne un autre État-membre. - d'autre part, que certains intérêts supérieurs (tels celui de la protection de l'enfance) pouvaient justifier, comme le Conseil Constitutionnel l'a reconnu dans sa décision du 11 mars 2011, une intervention directe de l'autorité administrative sans saisine préalable du juge. À l'issue de l'ensemble des consultations qu'il a entreprises sur ce projet de texte, le Gouvernement soumettra un nouveau projet de décret aux acteurs concernés et recueillera alors à nouveau l'avis du CNN.

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