Question de M. KERDRAON Ronan (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 29/09/2011

M. Ronan Kerdraon appelle l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation sur les conséquences de l'ouverture du magasin Carrefour Market de Loudéac le dimanche matin.

L'article L. 3132-13 du code du travail prévoit que les commerces de détail à prédominance alimentaire employant des salariés peuvent ouvrir jusqu'à treize heures le dimanche.

Si cette ouverture est effectivement permise par les textes, elle n'en génère pas moins des conséquences très regrettables tant sur la vie des salariés et de leur famille que sur l'équilibre du commerce local.

Dans des petites villes à faible fréquentation touristique, l'ouverture des grands magasins le dimanche, en l'occurrence, celle de Carrefour Market à Loudéac, constitue une concurrence déloyale et se traduira, à terme, par la disparition du petit commerce, entraînant des pertes d'emplois auxquelles s'ajoute un risque d'extension des conflits sociaux.

C'est pour ces raisons que les syndicats et la ville de Loudéac refusent légitimement que l'on puisse imposer le travail dominical à des salariés qui s'y opposent.

Dans la mesure où le conseil municipal de Loudéac s'est prononcé unanimement contre l'ouverture des commerces de grande distribution le dimanche, il souhaite que lui soient indiqués quels sont les moyens dont dispose le maire, ou que l'État peut mobiliser, pour que sa position soit respectée.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 12/10/2011

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2011

M. Ronan Kerdraon. Madame Khiari, je suis ravi de conclure cette première séance de questions orales sous votre présidence. À l'instar de mon collègue Jean-Luc Fichet, permettez-moi de vous adresser toutes mes félicitations.

Mme la présidente. Merci !

M. Ronan Kerdraon. À la lumière d'un fait d'actualité locale, je souhaite soulever la question, beaucoup plus générale, de l'ouverture des supermarchés le dimanche matin.

À Loudéac, dans mon département des Côtes-d'Armor, depuis quatre semaines, plusieurs dizaines de salariés, accompagnés de représentants syndicaux, de petits commerçants et de consommateurs loudéaciens, manifestent tous les dimanches matins sur le parking du magasin Carrefour Market pour s'opposer à l'ouverture dominicale de celui-ci.

Pour faire face à un chiffre d'affaires en voie d'érosion, la direction a en effet décidé d'ouvrir les portes du magasin tous les dimanches de 8h30 à 12h30, en s'appuyant sur l'article L. 3132-13 du code du travail, qui dispose : « Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures » aux salariés.

Cependant, l'ouverture de supermarchés de ce type semble poser un problème de légalité, dans la mesure où ces derniers ne constituent pas un commerce de détail alimentaire spécialisé au sens où l'entend l'INSEE. La nomenclature d'activités française de 2008 range en effet les supermarchés dans la catégorie 47.1, alors que les commerces de détail alimentaire, visés par l'article du code du travail précité, figurent dans la catégorie 47.2 de cette même nomenclature.

Au-delà de ces considérations juridiques, il me semble important de vous alerter sur les conséquences qu'une telle ouverture engendre immanquablement tant sur la vie des salariés et de leur famille que sur l'équilibre du commerce local. En effet, dans une ville à dimension touristique limitée telle que Loudéac, l'ouverture des grands magasins le dimanche, en l'occurrence celle de Carrefour Market, constituerait une concurrence déloyale et pourrait se traduire, à terme, par la disparition du petit commerce, entraînant des pertes d'emplois auxquelles s'ajouterait un risque d'extension des conflits sociaux. Or c'est de ce même petit commerce que vous saluiez tout à l'heure les efforts, monsieur le secrétaire d'État, évoquant la visite du Président de la République dans un département.

C'est pour ces raisons qu'une grande partie des salariés de Carrefour Market, soutenus par les syndicats, l'union locale des commerçants et les élus locaux comme nationaux, refuse légitimement que puisse être imposée l'ouverture de ce magasin le dimanche.

Monsieur le secrétaire d'État, ma question, simple, est double.

Premièrement, dans quelle mesure un supermarché, qui ne constitue par un commerce de détail alimentaire au sens strict, peut-il ouvrir ses portes le dimanche matin ? Ne s'agit-il pas là d'un détournement de la réglementation en vigueur ?

Deuxièmement, dans la mesure où le conseil municipal de Loudéac et le conseil communautaire de la communauté de communes ont voté à l'unanimité une motion de soutien au petit commerce de proximité face à l'ouverture de ce magasin le dimanche, pouvez-vous m'indiquer les moyens dont disposent les élus locaux ou ceux que l'État peut mobiliser afin de faire respecter la position de ces derniers ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la présidente, je souhaite à mon tour vous féliciter des nouvelles responsabilités qui vous incombent. Je sais notamment que votre compétence en matière de tourisme, sujet que nous avons évoqué il y a un instant, est indéniable.

Monsieur Kerdraon, tout en évoquant un exemple local, vous venez de soulever une question de droit. Afin d'y répondre, permettez-moi de vous rappeler la réglementation en vigueur.

Aucune disposition relative à l'ouverture dominicale des commerces ne figure dans le code de commerce. Le code du travail, quant à lui, à l'article L. 3132-3, pose le principe du repos dominical des salariés.

Des dérogations permanentes et de plein droit s'appliquent notamment au commerce de denrées alimentaires au détail qui bénéficie d'une dérogation de droit le dimanche matin jusqu'à treize heures. Elles concernent également une série d'activités dont la continuité est nécessaire à la vie sociale, tels l'hôtellerie, la restauration, les débits de boissons, les fleuristes, les entreprises de spectacles et nombre de services publics, notamment de transports.

Des accords professionnels de branche peuvent également organiser le repos dominical. La voie conventionnelle garantit alors l'équilibre de la concurrence dans certains départements ou zones géographiques. L'article L. 3132-29 du code du travail dispose que, lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une zone déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel, les syndicats intéressés peuvent demander au préfet du département d'ordonner par arrêté la fermeture des établissements pendant toute la durée du repos hebdomadaire.

À l'égard d'un domaine proche de la question que vous avez posée, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011 relative au travail dominical, a rappelé que la législation du travail en matière de repos hebdomadaire vise à éviter de défavoriser les établissements selon leur taille et à encadrer les conditions de la concurrence entre les entreprises, quelle que soit la taille des entreprises ou le statut juridique des personnes qui y travaillent.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des éléments d'information que vous avez portés à ma connaissance et à celle des Loudéaciens.

Néanmoins, le flou demeure quant à la possibilité d'ouvrir le dimanche matin ce type de supermarchés, par vocation non spécialisés dans le commerce de détail alimentaire. C'est pourquoi je reste quelque peu sur ma faim, si je puis dire.

Je tiens une nouvelle fois à vous faire part de la totale incompréhension qui prime aujourd'hui à Loudéac : alors que les élus locaux ont exprimé une désapprobation unanime face à l'ouverture en cause, ils ne disposent d'aucun moyen d'action pour faire respecter leur position.

Tout cela ne me semble pas raisonnable ; il me paraît indispensable de mieux encadrer ce type d'ouverture. En notre qualité de parlementaires, nous ne pouvons rester sans agir. C'est pourquoi, en association avec le maire de Loudéac, j'ai saisi le préfet de région et celui des Côtes-d'Armor sur ce sujet.

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