Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC-EELVr) publiée le 20/10/2011

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le grave problème du stockage des déchets liés à l'amiante. Il souligne l'existence et l'importance de nombreuses opérations locales de désamiantage ; faute d'une législation précise, ces opérations effectuées soit par des professionnels, soit par des particuliers sont réalisées dans de très mauvaises conditions, ce qui crée de nouvelles sources de nuisances et d'inquiétudes liés à l'enfouissement de ces déchets. On peut légitiment craindre de nouveaux scandales sanitaires. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles sont les règles relatives aux travaux et opérations de désamiantage, au stockage des déchets sans oublier le devoir d'information et de prévention de tout citoyen.

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Réponse du Ministère chargé des transports publiée le 23/11/2011

Réponse apportée en séance publique le 22/11/2011

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier, dans cet hémicycle, en terminant mon intervention sur les conséquences de la modification du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, j'évoquais les graves problèmes causés par les opérations de désamiantage.

Alors que le nombre de victimes de l'amiante ne cesse de progresser, force est de constater que les problèmes de l'amiante n'épargnent aucun domaine, en particulier ceux de la santé et de l'environnement.

Il paraît aujourd'hui urgent de penser et d'élaborer des règles très précises s'appliquant aux opérations de désamiantage. Ces opérations, qu'elles soient effectuées par des professionnels ou par des particuliers, sont trop fréquemment réalisées en dehors de toute protection, faute d'une réglementation précise. En outre, de telles opérations révèlent des dysfonctionnements dangereux.

Présente dans tous les bâtiments construits avant 1997, année de son interdiction, l'amiante et ses fibres mortelles représente toujours un danger pour tous ceux qui la côtoient.

En Gironde, de nombreux travaux de désamiantage ont été effectués dans différents établissements scolaires, dans les bureaux de la Cité administrative et dans le cadre des travaux de réaménagement du quartier de la gare Saint-Jean à Bordeaux. Même si, lors de telles opérations, des contrôles sont effectués, on peut déplorer que les conditions de sécurité ne soient jamais respectées.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les contrôles devraient être renforcés et les observations dressées par l'inspection du travail respectées ? C'est ainsi que devraient être diminuées par dix les valeurs d'exposition à l'amiante, c'est-à-dire la mesure qui permet d'évaluer le nombre de fibres à l'heure que l'on peut respirer lors d'une opération de désamiantage.

Les mesures de formation et l'information des salariés travaillant dans les sociétés spécialisées sont fréquemment insuffisantes. Les professionnels du bâtiment travaillent trop souvent en ignorant ces règles. Devant cet état de fait, nous dénonçons l'arrêté du 23 mai 2011 qui repousse au 1er janvier 2012 les nouvelles règles pour la formation des intervenants qui étaient prévues par l'arrêté du 22 décembre 2009. Même si les contrôles sur le terrain existent, les condamnations demeurent trop rares.

Lors de la récente démolition des ateliers de la SNCF rue Amédée Saint-Germain à Bordeaux, l'association Allo Amiante a fait preuve de vigilance, notamment en matière d'information des riverains et d'application stricte des normes. Son président n'a pas oublié les trop nombreux décès liés à l'amiante présente dans ces ateliers.

Vous le savez, monsieur le ministre, de tels chantiers de désamiantage génèrent des tonnes de déchets qu'il faut éliminer. Avant d'être transportés, ces déchets doivent être stockés. Pouvez-vous nous apporter des garanties relatives aux conditions de stockage, de transport et de vitrification de ces tonnes de déchets ? Ces camions bâchés sur lesquels on peut lire « Unité Mobile de Désamiantage » présentent-ils toutes les garanties de protection et d'étanchéité ? J'en doute.

Ces opérations de désamiantage concernent également les particuliers qui sont amenés à réaliser de tels travaux sans aucune protection, sans aucune information. On sait que toute opération de manutention ou de démolition de matériaux amiantés comporte un danger non seulement pour l'intervenant, mais également pour les voisins. Ne pourrait-on pas envisager une législation claire et pratique destinée au particulier ?

La parution du décret n° 2011-629 qui se substitue en grande partie au code de la santé publique ne va pas dans ce sens. En effet, il repousse le délai de neuf ans qui était précédemment imposé aux propriétaires d'immeubles pour effectuer les opérations de désamiantage. L'association nationale de défense des victimes de l'amiante, l'ANDEVA, a déposé un recours.

Depuis les années 2000, plus de 1 500 personnes sont décédées en Aquitaine des conséquences de l'amiante. Il ne faudrait pas que ce nombre déjà trop important soit encore aggravé par les conséquences de telles opérations de désamiantage.

Comme je le disais déjà en juillet dernier, il est urgent d'agir avant que de nouveaux scandales sanitaires fassent la une de l'actualité !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, m'a chargé de vous répondre concernant les opérations de désamiantage.

Depuis le 1er janvier 1997, la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la cession à titre gratuit ou payant de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit en contenant sont interdites.

Les déchets d'amiante sont codifiés dans la nomenclature des déchets de l'article R. 541-8 du code de l'environnement et sont classés comme dangereux, qu'il s'agisse de déchets d'amiante libre ou de déchets d'amiante lié.

Ces déchets sont créés lors des travaux de rénovation, de démolition ou de retrait de matériaux contenant de l'amiante tels que les flocages, le calorifugeage, les dalles de sols, le carrelage, les tôles ou les ardoises en amiante-ciment.

Ces travaux de retrait sont réalisés dans le cadre juridique défini par le code du travail concernant les dispositions relatives aux risques d'exposition à l'amiante.

C'est au producteur qu'incombe la responsabilité du choix de la filière d'élimination des déchets d'amiante. Les services de l'État, quant à eux, veillent à ce que ces filières soient décrites dans les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets dangereux dont l'élaboration relève de la compétence des conseils régionaux.

Les entreprises procédant au retrait de matériaux contenant de l'amiante doivent évacuer les déchets conformément aux dispositions du code de l'environnement. Les dispositions prises en la matière sont précisées dans le plan de retrait ou de démolition établi pour le chantier. À cet égard, dans le cadre de la certification obligatoire des entreprises prévue au titre du code du travail - article R. 4412-115 -, les audits de surveillance annuelle menés par les organismes certificateurs permettent de s'assurer du respect de la réglementation en matière de gestion des déchets, qu'il s'agisse de l'identification des filières de traitement de déchets amiantés, du transport et de la traçabilité.

En matière de transport, les déchets d'amiante doivent être transportés dans des conditions permettant de prévenir la libération de fibres d'amiante. Le transport de déchets d'amiante est ainsi soumis aux dispositions de l'arrêté du 29 mai 2009 relatif au transport des matières dangereuses par voies terrestres.

Concernant le conditionnement et l'étiquetage, deux systèmes existent.

Pour les déchets d'amiante libre, ils doivent être conditionnés en double enveloppe étanche et rassemblés dans des contenants de grande capacité sur lesquels doit être apposé un étiquetage spécifique imposé par la réglementation.

Pour les déchets d'amiante lié, ils doivent être conditionnés en enveloppe étanche et rassemblés dans des récipients de grande capacité, voire stockés en palette ou en conteneur. Une étiquette doit être apposée sur les contenants.

S'agissant de la traçabilité, le producteur ou le détenteur de déchets d'amiante est tenu d'établir un bordereau de suivi de déchets d'amiante en application de l'article R.541-45 du code de l'environnement.

Enfin en matière d'élimination, les déchets d'amiante libre doivent être éliminés soit par vitrification, soit par stockage en installation de stockage de déchets dangereux.

L'élimination des déchets d'amiante lié est autorisée dans les centres de stockage de déchets dangereux et dans les installations de stockage de déchets non dangereux disposant d'un casier de stockage dédié.

L'amiante lié à des matériaux inertes est un déchet inerte. Ces déchets peuvent être utilisés soit en remblaiement de carrière, soit dans des installations de stockage de déchets inertes disposant d'un casier de stockage dédié.

Toutes ces installations, monsieur le sénateur, sont soumises à autorisation préfectorale et sont très régulièrement contrôlées par les services de l'État.

Je peux vous assurer de la mobilisation de l'ensemble des services de l'État sur le contrôle du respect de cette réglementation.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je ne doute pas, monsieur le ministre, de votre volonté personnelle, mais le problème de l'amiante est, hélas ! toujours d'actualité.

Ainsi, comme vous le savez, les récentes perturbations sur la ligne B du RER dues à un retrait des conducteurs de rames n'avaient rien à voir avec le mouvement social de la SNCF. Elles ont été provoquées par les négociations sur les opérations de dépoussiérage sous les rames.

Les travaux de désamiantage nécessaires n'ont toujours pas commencé alors que l'inspection du travail a préconisé des procédures approuvées par les syndicats, mais jugées trop coûteuses par la direction de la RATP.

En outre, un tout récent rapport de la Cour des comptes dénonce le désastre financier que constitue le chantier de désamiantage de l'université parisienne de Jussieu. Lancé par l'État en urgence en 1996, ce chantier, qui devait durer trois ans, ne sera achevé qu'en 2015, pour un montant de près de 2 milliards d'euros ! De nombreux dysfonctionnements ont entraîné une dérive dans les délais et dans les coûts, ce qui signifie que l'État n'a pas assuré son rôle de pilote. Comment éviter à l'avenir de telles défaillances à l'occasion d'opérations si mal préparées ?

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