Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 18/01/2012

Question posée en séance publique le 17/01/2012

Concerne le thème : Fiscalité des collectivités territoriales

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE a demandé la création d'une mission commune d'information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle ; de la même manière, nous avons proposé à la conférence des présidents de consacrer une séance de questions cribles au thème de la fiscalité locale. En effet, nous avons souvent relevé l'état d'impréparation totale dans lequel cette réforme a été discutée et adoptée : il en résulte un accroissement des charges de l'État et une absence terrible de lisibilité pour les collectivités locales, aggravée par des circulaires dont les auteurs ont oublié que « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ».

D'ailleurs, avec l'article 40 de la loi de finances pour 2012, le Gouvernement s'est accordé deux années supplémentaires pour procéder aux ajustements de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE. En revanche, nous ne disposons toujours pas des données consolidées relatives à la répartition de la CVAE, contrairement aux engagements qui avaient été pris.

Monsieur le ministre, quelles sont les réelles intentions du Gouvernement quant à l'évolution de la CVAE ? Allez-vous revoir la clef de répartition de cet impôt ? On constate en effet que l'Île-de-France concentre la valeur ajoutée, ce qui entraînera inéluctablement des difficultés lorsque, du fait de la stabilisation du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, les collectivités locales auront de plus en plus de mal à dégager des recettes. Comment, d'autre part, entendez-vous remédier aux inconvénients découlant du fait que vous avez créé un impôt déclaratif ? De quels moyens de contrôle les collectivités locales vont-elles réellement disposer ?

En ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, ou CFE, en réalité, la direction des finances publiques n'a pas été en mesure de fournir aux collectivités territoriales les éléments techniques leur permettant de prendre les délibérations adéquates. Comment, dans ces conditions, fixer de manière pertinente la base minimale d'imposition forfaitaire à la CFE, ainsi que celle concernant les entreprises réalisant plus de 100 000 euros de chiffre d'affaires ? Avez-vous l'intention de faire évoluer encore ces plafonds et planchers de base minimale ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, où en êtes-vous de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, question très importante pour les finances des collectivités locales ? Quelles sont les raisons du retard pris par ce dossier ?

Toutes ces questions démontrent les failles de cette réforme et l'impérieuse nécessité de la modifier profondément ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)


Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 18/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Mézard, votre question comprend à elle seule tout un ensemble de questions cribles. Je vais essayer d'y répondre en moins de deux minutes, mais si l'on peut poser de nombreuses questions dans un laps de temps aussi court, il est plus difficile de donner beaucoup de réponses dans la même durée.

Pour ne pas perdre davantage de temps, je vous rappellerai, premièrement, que la taxe professionnelle a été intégralement compensée. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Effectivement, cette réforme représente un coût important pour l'État : 5 milliards d'euros en année de croisière.

Mme Évelyne Didier. Eh oui !

M. Philippe Richert, ministre. C'était le prix à payer pour alléger les charges de nos entreprises : celles-ci ne sont plus pénalisées par cette taxe qui représentait un véritable handicap dans la compétition avec les entreprises étrangères.

Deuxièmement, s'agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, versée à la fois au bloc communal, au département et à la région, les collectivités locales ont eu, chacune en ce qui la concerne, les réponses relatives à la CVAE à la fin de l'année 2011. Nous allons pouvoir leur adresser les données consolidées dans les prochaines semaines, afin qu'elles disposent des informations nécessaires pour repartir sur des bases mieux connues.

Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, lorsque cette réforme a été engagée et débattue, on n'a pas pu procéder à une évaluation précise de ses conséquences, commune par commune, territoire par territoire, parce que, tout simplement, ces éléments d'information n'étaient pas connus et qu'il a fallu les collecter. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de communiquer ces éléments et nous le faisons : il ne s'agit donc pas d'une manifestation de mauvaise volonté de la part du Gouvernement. Vous comprendrez que le lancement d'une telle réforme, surtout lorsque le Parlement - comme il doit le faire et comme il l'a très bien fait - en modifie le texte initial, exige un temps d'adaptation pour prendre en compte ces modifications et procéder à des évaluations. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Alain Le Vern. Quel aveu !

M. Philippe Richert, ministre. Vous avez évoqué notamment le fait que le produit de la CVAE était concentré sur certains territoires, phénomène observable en particulier au niveau départemental et régional : c'est la raison pour laquelle il est prévu de mettre en place une péréquation départementale et régionale, en 2013, mais le Parlement en débattra.

Enfin, pour ce qui est des valeurs locatives, nous allons disposer prochainement des résultats des expérimentations réalisées dans cinq départements : dans les semaines qui viennent, ces résultats pourront être diffusés et débattus au Parlement, puisque tel était l'engagement pris.

M. le président. Monsieur le ministre, je sais que l'exercice est difficile, mais essayez de respecter le temps qui vous est attribué.

La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.

M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments d'information, mais j'ai le sentiment qu'ils ne répondent pas totalement...

M. Alain Le Vern. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Yvon Collin. ... aux interrogations soulevées, à juste titre, par notre collègue Jacques Mézard. En revanche, il est évident que les collectivités territoriales essaient toujours, avec beaucoup de bonne volonté et, parfois même, de courage, de trouver leurs repères dans le maquis inextricable issu de la réforme de la taxe professionnelle. De fait, les élus sont inquiets, très inquiets même, face à l'illisibilité d'un dispositif pourtant essentiel à l'administration des collectivités locales.

S'agissant de la répartition de la CVAE, elle comporte, selon les propos tenus par la directrice de la législation fiscale lors de la réunion du Comité des finances locales du 12 juillet 2011, « une certaine dose de complexité » - je dirais même « une dose certaine » - : quel euphémisme pour qualifier une réglementation que ne comprennent même plus ses destinataires ! En ajoutant les retards préjudiciables dans la communication des données définitives, qui entraînent le report des votes de programmation pluriannuelle d'investissements, vous comprendrez, monsieur le ministre, l'inquiétude, et même l'exaspération, d'une grande partie des élus locaux, qu'il vous appartient d'essayer de rassurer et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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