Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 19/07/2012

M. Didier Guillaume attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, au sujet de l'opération de déviation de Livron-Loriol sur la RN 7 dans la Drôme.

Ce projet est soutenu par les élus et attendu depuis trente ans par les habitants, commerçants et artisans des communes de Livron et de Loriol. Les habitants de ces communes subissent depuis très longtemps les nuisances inhérentes à la RN 7 supportant un trafic journalier de plus de 20 000 véhicules.

Le projet de déviation a pour objectif d'améliorer d'une part, la fluidité du trafic sur ce secteur tristement célèbre chaque été pour ses bouchons et, d'autre part, la sécurité routière sur un tronçon particulièrement accidentogène.

Le contrat État-région Rhône-Alpes 2000-2006 comprenait la déviation de Livron-Loriol avec une première tranche de 23 millions d'euros financés à parité par l'État et la région et correspondant à une opération estimée initialement à 59 millions d'euros et réévaluée en 2009 à plus de 70 millions d'euros.

En 2010, les services de l'État ont annoncé d'une part, une nouvelle réévaluation à près de 125 millions d'euros et, d'autre part, le démarrage effectif des travaux du giratoire de la RD 104N qui se sont effectivement déroulés ainsi que la reprise des études de la déviation en particulier pour réaliser des économies.

En 2011, l'État a annoncé la réalisation d'une première phase de travaux pour la mise en service d'un barreau central en 2017, c'est-à-dire d'une portion de déviation. Or, cette annonce, pas encore mise en œuvre à ce jour, conduit à s'interroger sur la fonctionnalité de ce barreau central, dont les accès nord et sud par des routes départementales ne sont absolument pas calibrés pour accueillir un tel trafic, et sur l'échéance de réalisation du projet dans son ensemble.

C'est pourquoi, bien conscient des atermoiements passés sur ce dossier, il l'interroge sur les engagements financiers de l'État sur cette opération concernant une route nationale. Il souhaite ainsi savoir si la déviation de Livron-Loriol sera réalisée, et connaître l'état du projet et quel en sera le calendrier.

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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, beaucoup de Français - peut-être en faites-vous partie - connaissent la Drôme, notamment le Vercors et l'histoire de son maquis, les Baronnies provençales, le Palais Idéal du facteur Cheval... L'olive de Nyons, la lavande et le château de Grignan en sont les plus beaux fleurons. Je signale au passage que la Drôme est aussi le premier département « bio » de France. Vous en connaissez sans doute aussi les vins : Vinsobres, Clairette de Die, Grignan-les-Adhémar, Hermitage, Crozes-Hermitage... autant de noms qui nous mettent, si j'ose dire, l'eau à la bouche ! (Sourires.)

Mais il n'y a pas que les vins de la Drôme : il y a aussi ses bouchons ! (Nouveaux sourires.) Je veux parler de la fameuse nationale 7, chère à Charles Trenet, qui traverse le département du nord au sud. Son trafic est un véritable fléau par la congestion qu'il provoque et la dangerosité qui en résulte à hauteur des communes de Loriol et de Livron. Une déviation, déclarée d'utilité publique en 2001, est attendue depuis trop longtemps.

Selon les derniers comptages effectués en novembre 2011, on enregistre un trafic journalier de l'ordre de 23 000 véhicules, dont près de 1 400 poids lourds et une moyenne de trente convois exceptionnels, le trafic pouvant même atteindre 35 000 ou 40 000 véhicules par jour en période de pointe, notamment en été. Personne ne peut nier l'impact de cette situation en termes de nuisances, notamment de pollution sonore en centre-ville.

Monsieur le ministre, ce projet de déviation répond à une nécessité, au regard à la fois de la fluidité du trafic et, dans un secteur particulièrement accidentogène, de la sécurité routière.

L'état d'avancement du projet laisse perplexe : les terrains sont acquis, les expropriations ont été menées à bien, vingt maisons auraient été détruites, le tracé est piqueté depuis de très nombreuses années, mais, de report en report, d'étude en étude, et après la réalisation d'un premier rond-point qui ne débouche sur rien, tout le monde se demande si le projet n'est pas maintenant au point mort et si la déviation verra jamais le jour, faute de financements.

Pourtant, des intentions, il y en a bien eu : le précédent Président de la République lui-même, à la fin de 2008, avait fait figurer ce dossier dans son plan de relance. Ce projet avait également déjà été inscrit dans le contrat de projet État-région 2000-2006. D'annonce en annonce, le temps passe et l'on ne parle plus, semble-t-il, que de la réalisation d'un barreau central, qui, au lieu de jouer le rôle de déviation, risque de se transformer en souricière s'il n'est pas immédiatement suivi de la réalisation effective, au sud comme au nord, des branches d'accès aux communes de Loriol et de Livron.

Après de nombreuses fluctuations, le coût d'objectif a été fixé par l'État à 95 millions d'euros. Cependant, hormis les études et les travaux préparatoires, selon les informations recueillies auprès des services de l'administration, seuls 18 millions d'euros seraient aujourd'hui réellement disponibles, en plus des 12 millions d'euros déjà dépensés. Mettre 30 millions d'euros sur la table pour un projet dont tout le monde sait qu'il en coûtera au moins le triple, ce n'est pas sérieux ! Qui paiera les 65 millions qui manquent ?

Aucun d'entre nous n'ignore la situation financière de notre pays, et notre inquiétude quant à l'avancement de ce projet ne s'en trouve que renforcée. Les habitants de Livron et de Loriol seront-ils sacrifiés sur l'autel des promesses non tenues du précédent gouvernement ? Personne n'ose y croire, monsieur le ministre, et c'est au nom de l'ensemble des élus et des habitants de la Drôme que je vous questionne sur ce projet : oui ou non, la déviation de Loriol-Livron se fera-t-elle ? Et si oui, avec quel financement global et dans quels délais de réalisation ?

M. le président. Mon cher collègue, dans le formidable patrimoine gastronomique de la Drôme que vous avez décrit, vous avez oublié les truffes ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Ce n'est pas encore la saison ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour cette entrée en matière qui nous fait rêver et qui sonne comme une invitation à venir découvrir le patrimoine culturel et gastronomique de votre beau territoire, à condition, bien entendu, que cela ne crée pas des bouchons supplémentaires ! (Nouveaux sourires.)

Vous avez raison d'attirer de nouveau - nous nous sommes déjà entretenus de cette question - mon attention sur l'opération de déviation Livron-Loriol sur la mythique RN7, ce qui montre bien votre implication dans ce dossier.

Je connais vos préoccupations. Il est vrai que la RN7 joue un rôle très important en termes de desserte locale et de liaison entre les agglomérations pour les courtes distances. Quoi qu'il en soit, le trafic sur le tronçon qui traverse Livron et Loriol, s'il reste constant depuis plusieurs années, est particulièrement dense : environ 15 000 véhicules par jour en 2011.

Vous l'avez rappelé, la déviation de Livron et Loriol par la RN7 a été déclarée d'utilité publique en décembre 2001. Les emprises nécessaires à la réalisation du projet ont été, depuis, intégralement acquises et l'opération a connu des débuts de réalisation. Je me souviens que vous aviez déjà évoqué devant moi ce fameux rond-point qui ne mène nulle part. Il convient qu'une programmation connaisse une concrétisation, qu'un suivi soit assuré et que l'achèvement d'un projet s'inscrive dans un horizon déterminé ; il y va de la crédibilité de l'État.

Bien sûr, je ne saurais être engagé par des promesses qui ont été multipliées par d'autres, particulièrement dans le domaine des infrastructures et du transport. Vous le savez, le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, représentera une facture de 245 milliards d'euros d'ici à 2025, alors même que l'État ne peut en financer que 2 milliards d'euros par an.

Au-delà de la multiplication des engagements, c'est surtout un manque de sérieux et de réalisme qui a entouré ces promesses, fussent-elles présidentielles.

Aussi, nous avons souhaité mettre en place très rapidement une commission d'expertise du SNIT, permettant que tous les engagements et toutes les promesses en matière d'infrastructures soient expertisés en termes de faisabilité, tant sur le plan économique qu'au regard des partenariats avec les collectivités locales, sachant que la situation dont nous héritons en matière de finances publiques est particulièrement contrainte.

Ma responsabilité est de vous dire la vérité, là où d'autres ne se sont pas appliqué un tel principe ni soucié de tenir un discours réaliste.

Cela étant, comme vous le faites observer très justement, nous ne saurions sacrifier les habitants de Livron et de Loriol et il nous faut, comme pour d'autres opérations d'aménagement du réseau routier national, inscrire le financement de cette déviation dans les programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.

Un montant de 300 millions d'euros a été inscrit au PDMI actuel de la région Rhône-Alpes pour y mener à bien la modernisation du réseau national, dans le cadre d'un cofinancement entre l'État - pour près de 85 % - et les collectivités territoriales.

Dès ma prise de fonctions en tant que ministre délégué chargé des transports, j'ai pris connaissance de la situation des crédits de l'État disponibles. À cet égard, monsieur le sénateur, il est tout à fait exact que l'enveloppe réservée à la modernisation de la déviation Livron-Loriol dans le cadre du dernier contrat de projets État-région s'élève à 18 millions d'euros. Cette enveloppe est notoirement insuffisante pour permettre la réalisation de l'ensemble de l'aménagement, dont le coût dépasse en fait aujourd'hui 125 millions d'euros.

Au regard, d'une part, de cette impasse financière et, d'autre part, de la nécessité d'avoir une démarche pragmatique et réaliste, il nous appartiendra d'engager très rapidement avec les collectivités locales, dont je souhaite que l'implication soit forte, une programmation nouvelle, dans le cadre du prochain PDMI, de sorte que nous puissions à tout le moins disposer d'un calendrier donnant à la fois de la crédibilité à la parole de l'État et des perspectives aux habitants, lesquels ont besoin d'un langage de vérité lorsque sont en jeu la qualité de l'aménagement routier de leur région, mais aussi, tout simplement, leur qualité de vie.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Elle ne me satisfait absolument pas, mais je comprends que vous ne puissiez m'en donner une autre.

Qu'on nous ait à ce point amusés avec des annonces et des affirmations rassurantes me laisse littéralement sans voix !

De vos propos et du résultat des expertises que vous avez fait réaliser par vos propres services - j'avais moi-même mené mes propres investigations -, je comprends que, jusqu'à présent, les élus, les habitants, les chefs d'entreprise de la Drôme ont été « baladés » par des affirmations concernant un projet qui n'était pas vraiment financé.

Vous l'avez dit, il importe de ne pas entacher la crédibilité de l'État.

Je vous remercie de votre engagement concernant le PDMI.

Je prends acte du fait que nous aurons la possibilité de discuter sérieusement avec vos services et votre cabinet d'une programmation fixe parce que, comme vous l'avez vous-même déclaré, il y va tout simplement de la confiance dans la parole publique. Cela fait des années que des terrains et des maisons ont été achetés et que des piquetages ont eu lieu !

Pour des raisons de sécurité et afin de mettre un terme aux bouchons, il faut vraiment désengorger cette Nationale 7.

En outre, vous avez évoqué un montant de 125 millions d'euros, alors que je croyais que le coût d'objectif fixé par l'État n'était que 95 millions d'euros. Cela fait tout de même 30 millions de plus ! Du reste, cela signifie que la part du projet financé ne s'élève qu'à 25 %, à peine, puisque seuls 30 millions d'euros ont pour l'instant été engagés !

Monsieur le ministre, au nom de tous les habitants de la Drôme, je demande que nous puissions nous réunir pour faire un point sur le sujet, sans se perdre en polémiques, mais sans rien concéder non plus, afin de déterminer si cette déviation se fera un jour et, en tout cas, pour arrêter des dates précises.

Si les habitants de ce secteur peuvent comprendre que la réalisation de la déviation prendra du temps, ils ne peuvent plus être « baladés » d'annonce en annonce.

Vous avez parlé de crédibilité et je vous en remercie. Pour notre part, nous voulons des dates et des annonces concrètes !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la situation de votre territoire justifie votre déception, votre ire même, et la vigueur de votre condamnation.

Je retiens de cette expérience que c'est exactement ce type de démarche que doivent à tout prix éviter ceux qui sont aux responsabilités, notamment nationales. Il faut savoir assumer la parole donnée car il y a, derrière, des vies, des enjeux territoriaux, le quotidien de nos concitoyens.

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. À cet égard, je m'appliquerai à ne pas suivre l'exemple malheureux de mes prédécesseurs.

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