Question de M. LORRAIN Jean-Louis (Haut-Rhin - UMP) publiée le 12/07/2012

M. Jean-Louis Lorrain attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la modification apportée par l'article 51 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 à l'article 112-6 du code monétaire et financier. L'objectif de ces modifications législatives est d'encadrer l'achat au détail de métaux et ferrailles en mettant fin à la possibilité de payer ces achats en espèces. Depuis le 1er août 2011, les petites livraisons de fers et métaux effectuées par des particuliers ou des petites entreprises doivent être réglées par chèque. Comme l'a déjà souligné M. Frédéric Reiss, cette nouvelle réglementation, qui a pour objectif de stopper les multiples trafics existants dans cette branche professionnelle, a malheureusement des effets dévastateurs pour les petits récupérateurs qui se trouvent à quelques kilomètres seulement des pays voisins, car les particuliers et petites entreprises préfèrent désormais aller à l'étranger où ce type de réglementation n'existe pas. Certaines entreprises ont ainsi enregistré des baisses de plus de 75 % de leurs achats de fers et métaux. Dès lors que ces dispositions peuvent remettre en cause de nombreux emplois et la pérennité de plusieurs entreprises en zone frontalière, il souhaite connaître les mesures d'accompagnement ou de dérogation qu'il envisage de prendre.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 22/11/2012

Les vols de métaux font l'objet de la plus grande attention de la part du Gouvernement. Une série de mesures destinées à mieux contrôler les ventes de métaux ferreux et non ferreux aux entreprises de recyclage a été récemment adoptée. Ainsi, l'article 55 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPSI II) a augmenté la liste des mentions (nature, caractéristiques, provenance, mode de règlement de l'objet) qui doivent être répertoriées dans le registre de police que les entreprises du recyclage doivent tenir en application de l'article 321-7 du code pénal. Depuis la loi de finances rectificative pour 2010, l'administration fiscale dispose d'un droit de communication spécifique, codifié à l'article L. 96 H du livre des procédures fiscales (LPF), qui lui permet de consulter ce document. Elle peut également prendre connaissance de son contenu à l'occasion de l'exercice de son droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F à J du LPF, ce qui lui permet en outre de retracer le cheminement complet d'une transaction. Enfin, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, elle peut procéder à l'examen dudit registre et de la cohérence entre celui-ci, la comptabilité et les déclarations déposées. La loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a en outre institué une nouvelle obligation déclarative incombant aux personnes physiques ou morales qui se livrent à titre habituel à l'achat au détail de métaux ferreux ou non ferreux (nouvel article 88 A du code général des impôts -CGI-). Ces personnes devront remettre avant le 31 janvier de chaque année à la direction départementale ou régionale des finances publiques du lieu de leur domicile ou du siège de l'établissement une déclaration dont le contenu sera fixé par décret et qui fera notamment apparaître l'identité et l'adresse des vendeurs, de même que le cumul annuel des achats effectués auprès de chacun de ces derniers. En outre, l'article 89 A du CGI est modifié afin de prévoir la transmission de ces données selon un procédé informatique pour les déclarants qui auraient souscrit au cours de l'année précédente une déclaration comportant au moins deux cents bénéficiaires. Par ailleurs, l'article 51 de la même loi, modifiant l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, a interdit les paiements en espèces pour l'ensemble des achats au détail portant sur des métaux ferreux et non ferreux, supprimant le seuil de 500 euros applicable jusque là. Conformément aux articles L. 225 A et A 225 A 1 du LPF, les agents de l'administration fiscale sont compétents pour constater les manquements à cette interdiction de paiement en espèces et appliquer une amende qui peut aller jusqu'à 5 % du montant de la transaction en application des dispositions de l'article 1840 J du CGI. Les professionnels de la récupération et du recyclage sont en accord avec les objectifs poursuivis par ces nouvelles dispositions législatives qui aident à réduire certains risques inhérents aux transactions en espèces. Selon une enquête de la Fédération des entreprises du recyclage et de la récupération (FEDEREC) de janvier 2012, 61 % des professionnels concernés par cette réglementation l'ont jugée globalement positive au regard notamment de la sécurisation des entreprises, le personnel n'étant plus amené à manipuler des espèces. Ils ont néanmoins fait part aux pouvoirs publics de leur préoccupation quant à un risque de fuite de matières dans les régions frontalières. Les récupérateurs de métaux situés dans ces régions sont en effet confrontés à la concurrence directe de leurs voisins européens, qui bénéficient désormais d'une législation plus souple sur les achats au détail de métaux. Ce risque de fuite de matières se serait déjà matérialisé dans les régions du Nord et de l'Est et du Sud de la France, où certains récupérateurs ont vu leur chiffre d'affaires chuter brutalement dès le mois d'août, avec, en parallèle, la constatation de tonnages importants détournés vers la Belgique, l'Allemagne et l'Espagne. Selon l'enquête FEDEREC, depuis cette réglementation, plus d'une entreprise sur deux a enregistré une baisse de son niveau d'activité. Elles constatent, en moyenne, une baisse en volume de 30 % par rapport à l'année précédente soit une perte évaluée à près d'1 milliard d'euros. Cette baisse peut aller jusqu'à 40 % dans les zones transfrontalières et dans les entreprises où ce type de transaction est la principale activité. Cette préoccupation des professionnels apparaît tout à fait légitime mais, compte tenu du peu de recul dont on dispose aujourd'hui, ces évolutions devront être confirmées dans les mois à venir, dans l'ensemble des régions frontalières potentiellement exposées. En tout état de cause, si les pertes économiques induites par ces nouvelles dispositions législatives dans les régions frontalières sont avérées, elles devront être mises en regard des résultats obtenus en matière de lutte contre les vols et trafics de métaux. Il importe par ailleurs de noter que, suite au durcissement de la législation nationale, les inquiétudes des professionnels de la récupération et du recyclage ne portent pas uniquement sur un risque de fuite de matières vers les pays frontaliers, mais également sur un risque de détournement d'une part croissante des flux de matières de récupération vers les sites illégaux ou non conformes implantés sur le territoire national. Afin de prévenir ce risque, les professionnels du secteur ont réitéré leur souhait d'une action coordonnée des services de l'État en région afin de renforcer les contrôles de ces sites. Il s'agit d'un sujet sensible pour les pouvoirs publics, sur lequel les services compétents du ministère de l'écologie et du ministère de l'intérieur vont intensifier leurs efforts et leur collaboration. Enfin, au niveau européen, une harmonisation de la législation applicable aux achats au détail de métaux apparaît naturellement souhaitable, à la fois pour lutter plus efficacement contre les réseaux organisés de dimension transnationale et pour garantir les conditions d'une concurrence équilibrée sur le marché européen de la récupération et du recyclage. S'il est vrai que la législation française est désormais l'une des plus contraignantes au niveau européen, la question d'un durcissement de la législation est également à l'étude dans un certain nombre de pays européens. La France et la Bulgarie sont, pour le moment, les seuls États à avoir interdit le paiement en espèces des achats au détail de métaux ferreux et non ferreux. En Suède, il existe un accord parmi les recycleurs pour ne pas accepter les espèces mais il ne s'agit pas d'une obligation législative. En Grande-Bretagne, une nouvelle législation devrait interdire d'ici 2013 les paiements en espèces. Les autorités françaises vont bien sûr suivre avec la plus grande attention les évolutions de la législation dans ces pays, tout en promouvant les échanges de bonnes pratiques au niveau européen.

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