Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - UCR) publiée le 26/07/2012

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de réprimer spécifiquement le vol de domicile. Le vol de domicile consiste en l'occupation illicite du domicile d'autrui - le domicile étant défini juridiquement comme la résidence principale ou secondaire d'un propriétaire ou d'un locataire. Le droit pénal est inadapté à ce type d'infraction, dans la mesure où la police n'a pas le droit d'expulser le voleur/squatteur passé 48 heures. Le propriétaire ou le locataire doit alors engager de longues démarches administratives et judiciaires avant de pouvoir réintégrer son domicile. Cette situation qui, d'après de nombreux acteurs de terrain et articles de presse, serait plus courante qu'on ne l'imagine, représente une injustice particulièrement choquante pour les citoyens qui y sont confrontés. Dans un délai de 48 heures suivant l'intrusion illicite, la police peut procéder à l'expulsion immédiate des squatteurs - c'est le « flagrant délit » (article 53 du code pénal). Passé 48 heures, toutefois, la police est juridiquement impuissante. C'est l'article 61 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution qui s'applique : le propriétaire ou le locataire du domicile doit saisir la justice, obtenir une décision d'expulsion, puis attendre le concours des forces de l'ordre pour l'exécution de cette décision. Plusieurs mois peuvent s'écouler avant que le droit ne soit appliqué, laissant le propriétaire/locataire démuni. Aussi, il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage d'adopter afin de réprimer spécifiquement le vol de domicile.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/12/2012

L'article 226-4 du code pénal prévoit et réprime l'occupation illicite du domicile d'autrui. Ce texte dispose qu'est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de quinze mille euros d'amende le fait de s'introduire ou de se maintenir dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet. La chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 26 février 1963, a estimé que « le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, qu'elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux ». Il peut donc s'agir d'un local d'habitation, d'une chambre d'hôtel, ou bien encore d'une tente ou d'une caravane de vacanciers. En outre, la jurisprudence n'a pas hésité à assimiler au domicile des lieux affectés à l'usage d'une profession, comme par exemple un cabinet dentaire (Cour de cassation, chambre criminelle, 13 octobre 1986). En revanche, dans sa jurisprudence, la Cour de cassation estime que quand bien même les squatteurs s'introduisent par effraction dans un appartement, ils ne commettent pas de violation de domicile, si l'appartement est vide de meubles, que ce soit parce que l'immeuble vient d'être achevé, ou parce que l'on se trouve dans l'intervalle entre deux locations, ou bien encore parce que l'immeuble est promis à une démolition. En effet, l'article 226-4 du code pénal n'a pas pour objet de garantir d'une manière générale la propriété immobilière contre une usurpation, mais de protéger le domicile en tant qu'élément encadrant et protégeant un lieu de vie privé, justifiant une protection juridique plus rigoureuse au moyen du droit pénal et non pas simplement du droit civil (Cour de cassation, chambre criminelle, 22 janvier 1997). Pour qu'il y ait violation de domicile, outre le fait que le local doit correspondre à la définition donnée du domicile par la Cour de cassation, l'auteur doit, de plus, s'être introduit ou maintenu dans le domicile à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait, ou contrainte. Les manœuvres recouvrent tout procédé astucieux ou ruse, comme par exemple le fait de se présenter sous une qualité usurpée. Les menaces correspondent à une attitude inquiétante ou à des paroles d'une personne prête à accomplir des actes de violence. La voie de fait est un acte de violence pouvant être dirigé contre les biens ou contre les personnes. Enfin, la contrainte se rapporte à toute situation où le consentement de l'occupant ne serait pas libre. Il ne peut donc y avoir violation de domicile que si la personne ne bénéficiait pas de l'autorisation de l'occupant afin de s'introduire ou de se maintenir à l'intérieur. L'infraction de violation de domicile est un délit continu : tant que la personne se maintient dans les lieux selon les conditions ci-dessus définies, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance. Cela leur permet notamment l'arrestation de l'auteur de l'infraction, dans les lieux, entre 6 heures et 21 heures, et son placement en garde à vue afin que des poursuites pénales puissent être diligentées. Ainsi, les légitimes propriétaires peuvent aussitôt récupérer l'usage de leur bien qualifié de domicile. Le nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnations prononcées pour violation de domicile, entre 2006 et 2010, est stable : 2 173 condamnations en 2006, 2 121 en 2007, 2 050 en 2008, 1 961 en 2009 et 2 050 en 2010. En outre, en matière civile, l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale prévoit un dispositif qui permet aux victimes de personnes qui se sont introduites dans leur domicile, en leur absence, de reprendre rapidement possession des lieux. Le texte dispose : « En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ». La législation applicable ainsi présentée prend en compte de manière large les différentes situations en y apportant les réponses pénales et civiles permettant de faire cesser le trouble. Le cadre juridique ne paraît pas en l'état déficient.

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