Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 20/09/2012

M. Michel Le Scouarnec interroge M. le ministre du redressement productif sur l'emploi dans le Morbihan.

Lors de la Conférence sociale qui s'est tenue au printemps dernier, le Gouvernement a souhaité mettre à l'ordre du jour une négociation sur la « sécurisation » des emplois. Ce débat était ouvert sur des solutions autres que les exonérations de cotisations sociales, le transfert du financement de la protection sociale des entreprises sur les ménages, la TVA, solutions qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité en matière de créations d'emplois. Face au contexte actuel de crise de la production, la réponse à la question de l'emploi est l'urgence. Le temps est compté pour stopper la disparition annoncée de quelque 75 000 emplois, en réalité, trois ou quatre fois plus avec les effets évidents, et avec des conséquences dramatiques pour les familles, les comptes sociaux et les territoires.

Le département du Morbihan est loin d'être épargné avec les 3 400 suppressions de postes à la société Doux. Pour information, 1 374 salariés sur les 4 195 du groupe se trouvent sur les cinq sites morbihannais et plus de 300 aviculteurs sur les 800 du groupe. Cet exemple, le plus illustre, n'est malheureusement pas isolé et démontre la casse sociale actuellement en cours dans les entreprises morbihannaises. Des élus de son département lui ont d'ores et déjà signalé des entreprises en difficulté sur leur territoire comme l'entreprise Union Kergonan Languidic à Lanester, directement impactée par la situation du groupe Doux. Il faut également citer les chantiers STX de Lorient, fleuron de la construction navale dont aujourd'hui le carnet de commande est désespérément vide. Ainsi, plus de 120 salariés et 200 sous-traitants et intérimaires risquent de perdre leurs emplois. Le département du Morbihan est actuellement absent des marchés de la construction et de la réparation navale civile. Pourtant des sites d'excellence avec toutes les infrastructures nécessaires existent dans le département. La filière navale est une industrie porteuse d'emplois qualifiés et de plus elle génère trois à quatre emplois induits par poste. Dans cet exemple, des solutions sont possibles, notamment par une grande implication des services de l'État qui est un actionnaire des chantiers via le FSI (Fonds stratégique d'investissement).

C'est pourquoi, alors que les restructurations sociales n'ont jamais été aussi nombreuses, il souhaiterait connaitre les mesures concrètes, efficaces et pérennes qu'il compte prendre afin de protéger les entreprises, les emplois et les salariés présents dans le Morbihan. De plus, alors que la situation économique n'a jamais été aussi fragile, il lui demande également de préciser les mesures qu'il compte prendre, en concertation avec les élus locaux, dans le cadre de sa politique industrielle.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 17/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2012

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, jamais peut-être la notion de responsabilité n'aura été aussi tangible qu'en cette période d'annonces à répétition de réductions d'activités, de fermetures de sites et de licenciements massifs. Responsabilité, car la première des urgences est de défendre les salariés pour les protéger le plus possible de la casse et des conséquences du comportement des actionnaires, qui exigent souvent des entreprises une valorisation maximale de leurs actions.

Dans le contexte actuel de crise de la production, le temps nous est compté pour empêcher la disparition de milliers d'emplois, disparition qui aurait des conséquences dramatiques pour les familles, les comptes sociaux et les territoires.

Le département du Morbihan est loin d'être épargné. Le cas du groupe Doux en est l'exemple le plus médiatisé, avec environ 1 000 salariés licenciés sur les cinq sites du département, et plus de 300 aviculteurs au chômage sur les 800 qui travaillaient avec le groupe. En outre, plusieurs entreprises sont directement affectées par cette situation ; je pense notamment à Union Kergonan Languidic, à Lanester. L'État est également concerné. Citons par exemple les chantiers STX de Lanester, fleuron de la construction navale dont le carnet de commandes est aujourd'hui désespérément vide. Plus de 120 salariés et 200 sous-traitants et intérimaires risquent de perdre leur emploi.

Le département du Morbihan est actuellement absent des marchés de la construction et de la réparation navale civile. Il abrite pourtant des sites d'excellence, disposant de toutes les infrastructures nécessaires. La filière navale est une industrie porteuse d'emplois qualifiés générant chacun trois à quatre emplois induits.

Des solutions sont possibles : on pourrait envisager une plus grande implication des services de l'État, qui est actionnaire des chantiers via le Fonds stratégique d'investissement, le FSI, ou encore la création d'une grande filière de déconstruction navale. Lorsque le cargo TK Bremen s'est échoué sur une plage d'Erdeven, peu avant Noël dernier - vous en avez sans doute entendu parler -, on a fait appel à une entreprise étrangère.

Il existe également des besoins dans la filière « pêche » et dans la filière nautique. Peut-être pourrions-nous créer quelque chose de nouveau, porteur d'espoir, à partir de ces différents besoins.

Afin de garantir la sécurisation de l'emploi local, il ne faut pas négliger non plus l'attractivité économique des territoires : donnons-leur les moyens de devenir des centres d'innovation, attractifs pour les entreprises et pour les salariés.

Il est également impératif de renforcer les droits des salariés et de favoriser le développement d'une véritable démocratie sociale, qui ferait des salariés des acteurs de l'essor économique et non plus des variables d'ajustement d'une économie au service du seul profit.

Alors que le Gouvernement a lancé une grande conférence sociale devant permettre le dialogue et la recherche d'autres solutions, je souhaiterais connaître les mesures concrètes, efficaces et pérennes que vous envisagez de prendre pour protéger les entreprises, les emplois et les salariés présents dans le Morbihan.

De plus, la situation actuelle impose une action rapide pour redéfinir une véritable politique industrielle. Quelles mesures comptez-vous prendre en la matière, en concertation avec les élus locaux du Morbihan ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, « combat pour le redressement de la France », « combat pour la compétitivité », « combat pour la croissance », « combat pour l'emploi », tels sont les mots qui reviennent dans la bouche de M. le Président de la République lors de chaque conseil des ministres, des termes forts qui trouvent un écho tout particulier dans la question que vous venez de poser s'agissant d'entreprises de votre département.

Mon collègue ministre du redressement productif, dans l'impossibilité de vous répondre lui-même, m'a chargée de vous lire la réponse qu'il a fait préparer à votre intention.

Je vous apporterai des précisions sur les deux entreprises que vous avez citées : Doux et STX.

Comme vous le savez, pour ce qui concerne le pôle « frais » du groupe Doux, un plan de cession a été arrêté par le tribunal de commerce de Quimper le 10 septembre dernier. Trois entités sont concernées et 255 emplois seront maintenus. Cela n'est malheureusement pas suffisant.

Un dispositif d'accompagnement des salariés licenciés économiques sur les sites visés a été mis en place sous l'impulsion du préfet dans le Morbihan, en lien avec la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne, la DIRECCTE, et Pôle emploi. Il sera axé autour du contrat de sécurisation professionnelle et comportera un volet « formation » important, des aides au reclassement et à la mobilité, ainsi que des mesures sociales pilotées par le département qui compléteront les mesures mises en œuvre par l'entreprise, par l'État et par Pôle emploi.

Par ailleurs, une enveloppe de 1 million d'euros sera disponible au titre du Fonds national de revitalisation des territoires pour aider à la création d'emplois.

Dans le cadre de la convention de revitalisation signée entre Vivendi et l'État sur le pays de Ploërmel, une aide pourra être apportée aux entreprises réemployant des licenciés de l'entreprise Doux. Une centaine d'emplois seront concernés.

L'affaire Doux a révélé des dysfonctionnements graves de la justice commerciale et a fait naître une certaine suspicion sinon sur l'impartialité du moins sur l'efficacité de la juridiction. C'est pourquoi les services du ministère du redressement productif travaillent actuellement avec ceux de la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, pour perfectionner les règles de fonctionnement de la justice commerciale.

J'en viens aux chantiers navals STX. Il faut rappeler que l'industrie navale présente un intérêt industriel et stratégique incontestable pour la France. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, cette industrie est également porteuse d'emplois et représente, à ce titre, un enjeu local important pour les bassins d'emploi concernés. L'État, notamment en tant qu'actionnaire indirect au travers du FSI, exerce sa vigilance sur les difficultés actuellement rencontrées par l'industrie navale, en particulier par STX Lorient. Il est très attentif au redressement de l'entreprise, à sa pérennité et au développement de l'activité du site de Lorient.

De manière plus générale, des mesures concrètes ont déjà été prises pour protéger les entreprises, les emplois et les salariés, dans le Morbihan tout comme dans l'ensemble des départements. Face à l'avalanche des plans sociaux, un dispositif ad hoc a été mis en place pour compléter la mission du comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI.

Jusqu'alors, seules les entreprises de plus de 400 salariés pouvaient s'adresser à un service de l'État. Depuis, les PME de moins de 400 salariés peuvent faire appel au soutien des commissaires au redressement productif et au cabinet du ministre. Les commissaires au redressement productif en région, qui assurent la veille permanente et l'intervention la plus en amont possible des difficultés, mobilisent les services de l'État et participent aux négociations.

Le CIRI, les Médiations du crédit et des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance, Oséo, le FSI et les fonds spécialisés sont autant d'outils à la disposition du ministère pour aider les entreprises qui en ont besoin. La cellule « restructuration » du cabinet du ministre du redressement productif suit les dossiers les plus sensibles et assure la coordination des acteurs.

Enfin, il faut rappeler que, le 5 novembre prochain, Louis Gallois remettra au Premier ministre un rapport sur la compétitivité. Ses conclusions devraient permettre d'ébaucher les réformes grâce auxquelles notre pays pourra rééquilibrer sa balance commerciale et augmenter la part de l'industrie dans la richesse produite.

À la suite de ce rapport, le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Les enjeux sont nombreux : à la compétitivité-coût, il faut ajouter la stratégie filière par filière, que le ministre souhaite renforcer dans le cadre de la Conférence nationale de l'industrie, ou encore le financement de nos entreprises, problématique à laquelle doit répondre la banque publique d'investissement. Ces différentes mesures auront des retombées positives pour l'emploi industriel en France, dans l'ensemble des territoires, donc aussi dans le Morbihan.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la ministre déléguée, j'ai bien pris note de vos annonces en matière de reclassement et de mesures sociales.

Quant à l'appel au « combat », que vous avez à votre tour repris, il est bien agréable à entendre, mais il ne restera qu'un mot s'il n'est pas associé à la réussite. Car n'oubliez pas la détresse de nos concitoyens, la détresse de ceux d'en bas, que je fais remonter aujourd'hui jusqu'ici. À ce jour, ceux-là ont-ils obtenu des garanties, ont-ils des raisons d'espérer ? Je ne saurais le dire...

Il est urgent d'agir à l'égard des salariés des chantiers STX de Lorient, car, une fois les emplois perdus, il est très difficile de les recréer. Il convient de maintenir les emplois existants en attendant, éventuellement, de faire mieux.

Pour les salariés, se posent les questions de la revalorisation des salaires, des qualifications et de la formation initiale, continue ou professionnelle. Sur ce dernier point, il y a urgence, eu égard à la situation actuelle. On ne peut pas laisser des centaines de milliers de personnes sur le bord de la route, désespérées.

Derrière cette crise de nos industries et ses effets dévastateurs se profilent des évolutions structurelles qu'il faut impérativement anticiper, même si nous ne sommes pas maîtres en la matière, les actionnaires semblant décider de tout. Je souhaite que l'on recrée les conditions de l'espoir, car c'est attendu, madame la ministre déléguée.

Tous ces licenciements, toutes ces fermetures d'entreprises entérinent le règne de la loi des plus forts et la toute puissance des actionnaires, amplifiant les concurrences et les inégalités, construisant une société de plus en plus inhumaine. Pas de lendemain qui chante en vue, pour l'instant. Le mot « combat » devrait produire des effets en l'espèce.

La situation de l'emploi dans le Morbihan et, plus généralement, dans notre pays demanderait un développement solidaire et protecteur des salariés dont l'État serait le garant. Selon moi, il convient de créer, maintenant, un système de sécurité emploi-formation. Ce serait un vrai changement !

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