Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 20/09/2012

Sa question écrite du 17 novembre 2011 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson rappelle à M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, le fait que le précédent Président de la République a annoncé dans son discours du 11 novembre 2011 que les noms de tous les « Morts pour la France » seraient inscrits sur les monuments aux morts. Cette décision louable risque cependant d'engendrer une discrimination concernant les combattants alsaciens-lorrains de la Première Guerre mondiale et de relancer les débats de l'entre-deux-guerres à propos de l'inscription ou non des morts sur les monuments dans ces départements. En effet, les jeunes alsaciens-lorrains, considérés juridiquement comme citoyens allemands en raison du traité de Francfort du 10 mai 1871 et morts durant la Grande Guerre dans les rangs de l'armée allemande, n'ont légalement pas droit à la mention « Morts pour la France ». C'est une différence fondamentale avec leurs enfants enrôlés vingt ans plus tard dans la Wehrmacht suite à l'annexion de fait de l'Alsace et de la Moselle, ce qui leur confère le titre de « Morts pour la France ». Il serait regrettable que les anciens combattants d'un territoire qui a subi contre son gré les vicissitudes de l'histoire soient ainsi discriminés. L'histoire de France est indivisible. Il y a des réalités historiques et humaines qu'on ne doit pas gommer et les deux annexions de l'Alsace-Lorraine en sont une preuve. Il lui demande en conséquence comment les alsaciens-lorrains tués pendant la Première Guerre mondiale pourront être également pris en compte sur les monuments aux morts des communes qui avaient été annexées à l'Allemagne en raison du traité de Francfort.

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Réponse du Ministère chargé des anciens combattants publiée le 01/11/2012

La loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, fait de cette date, jour anniversaire de l'armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la paix, la journée d'hommage à tous les morts pour la France, cet hommage ne se substituant pas aux autres journées de commémoration nationales. Ce texte contribue à apporter encore davantage de solennité au 11 novembre alors que tous les témoins du premier conflit mondial ont disparu, et donne sa pleine signification à l'intitulé de la loi du 24 octobre 1922 instituant la date du 11 novembre comme jour de « commémoration de la victoire et de la paix ». Il rend également obligatoire l'inscription du nom de la personne militaire ou civile à laquelle a été attribuée la mention « mort pour la France » sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou encore sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument. La demande d'inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l'intermédiaire de ses services départementaux, ou les associations d'anciens combattants et patriotiques ayant intérêt à agir. Ces dispositions sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République. S'agissant de la situation douloureuse des combattants alsaciens et lorrains tombés dans les rangs de l'armée allemande au cours de la Première Guerre mondiale, il est exact que ces militaires qui étaient alors juridiquement des citoyens allemands conformément au Traité de Francfort de 1871, ne peuvent obtenir la mention « mort pour la France » au regard des dispositions de l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), et donc voir leurs noms inscrits sur les monuments aux morts communaux. La situation des Alsaciens-Mosellans incorporés de force dans l'armée allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale est différente. En effet, le Traité de Francfort, en dépit des conditions qu'il a imposées à la France, a constitué un acte juridique engageant les États signataires et s'imposant à leurs citoyens. L'annexion unilatérale de l'Alsace-Moselle en 1940, désignée par l'expression « annexion de fait », résulte, quant à elle, de la violation délibérée par le régime hitlérien des lois internationales, au premier chef le Traité de Versailles de 1919 qui a consacré le retour à la France de l'Alsace-Moselle. Au regard du droit, les Alsaciens et Mosellans n'ont donc pas cessé d'être Français après cette annexion et malgré l'enrôlement forcé d'une partie d'entre eux dans l'armée allemande. Sur le plan du principe, seuls les noms des Alsaciens-Mosellans tombés sous l'uniforme allemand durant le dernier conflit mondial ont donc vocation à être inscrits sur les monuments aux morts des communes concernées. Leur situation a été prise en compte à l'alinéa 10° de l'article L. 488 du CPMIVG. Cependant, les communes d'Alsace-Moselle n'ont pas laissé à l'abandon la mémoire de leurs enfants tombés durant la Première Guerre mondiale. C'est pour leur rendre hommage que, sans pour autant méconnaître le droit, elles ont privilégié, dans la dédicace de leurs monuments aux morts construits après la Première Guerre mondiale, des formules telles que « A nos morts » ou « La ville de... à ses enfants ». La loi du 28 février 2012 n'entend pas revenir sur ces dispositions locales. Elle tend seulement à veiller à ce que tous les bénéficiaires de la mention « Mort pour la France » soient honorés, en particulier les soldats morts au cours d'opérations extérieures.

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