Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SOC) publiée le 29/11/2012

M. Jean-Yves Leconte attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation des enseignants contractuels de la mission de coopération éducative et linguistique (MICEL).

La MICEL qui participe à l'excellence de la coopération française en Turquie dans des établissements scolaires, au lycée Galatasaray, à l'université Galatasaray, est actuellement remise en question. La MICEL a en effet mis en place en 2009 pour les enseignants des contrats à durée déterminée, dits « deux plus deux plus un » qui arrivent à terme cette année. Auparavant les personnels de la MICEL bénéficiaient de contrats à durée indéterminée ou de contrats renouvelables chaque année. Ceci permettait de répondre aux exigences d'une coopération de qualité nécessitant un investissement sur le long terme dans les établissements d'enseignement turcs. Il est en effet indispensable pour un enseignant français venant travailler dans un établissement turc de parvenir à intégrer les spécificités des programmes turcs. Cela ne peut se faire que progressivement et si les intervenants ont la garantie de pouvoir s'investir dans la durée. C'est grâce à des intervenants disposant d'un temps d'adaptation suffisant que fut bâtie une relation durable et fructueuse avec nos partenaires turcs au quotidien : professeurs, personnels administratifs, élèves, anciens élèves.

La limitation des contrats dans le temps, introduite par le ministère des affaires étrangères en 2009, nuit gravement à la qualité de notre outil de coopération en Turquie. Avec aujourd'hui plus de 60 % de contrats dits « deux plus deux plus un », notre coopération précarise son excellence en précarisant ses intervenants. Et ceci sera de plus en plus sensible. On peut estimer, si rien n'est corrigé, que 100 % des contrats d'ici cinq ans seront de cette nature.

Consciente de la gravité du problème, la partie turque a formulé son inquiétude à plusieurs reprises. En effet, le recteur de l'université Galatasaray et la directrice du lycée Galatasaray ont signé une lettre contre ces contrats limités, les premiers contrats à durée déterminée arrivant à terme en 2013.

Il lui demande de revoir la décision de 2009 et permettre l'allongement des contrats en cours et leur transformation éventuelle en contrat à durée indéterminée. Il est paradoxal que les établissements congréganistes labellisés « Éducation France » aient pu cette année répondre à cette exigence de stabilité en obtenant des détachements directs, tandis que la coopération publique est, quant à elle, confirmée dans la précarisation.

Cette évolution n'est pas comprise par nos partenaires institutionnels turcs et doit être revue. Elle n'est pas susceptible de provoquer de conséquences par rapport à la Loi Sauvadet, puisque comme M. le ministre des affaires étrangères l'indique dans son courrier 003995CM du 9 juillet 2010, « le champs d'application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 étant restreint aux agents engagés sur le fondement de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, les agents recrutés par la MICEL ne sont pas éligibles aux dispositifs de CDIsation et de titularisation par la voie de recrutement réservés instaurés par ce texte ». Ainsi les risques pour la MICEL de voir des conséquences non souhaitées, suite à l'allongement des contrats, se mettre en place n'existent pas et ne devraient donc pas constituer un blocage à cette révision des contrats offerts par la MICEL.

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Réponse du Ministère chargé des Français de l'étranger publiée le 10/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2013

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des enseignants contractuels de la mission de coopération éducative et linguistique, la MICEL, en Turquie.

La MICEL, qui participe à l'excellence de la coopération française en Turquie dans les établissements scolaires, au lycée Galatasaray et à l'université Galatasaray, est actuellement remise en question. En 2009, en effet, elle a mis en place pour les enseignants des contrats à durée déterminée, dits « deux plus deux plus un », dont certains arrivent à terme cette année.

Auparavant, les personnels de la MICEL bénéficiaient de contrats à durée indéterminée ou de contrats renouvelables chaque année. Ces contrats permettaient de répondre aux exigences d'une coopération de qualité nécessitant, de la part des intervenants, un investissement sur le long terme dans les établissements d'enseignement turcs.

En effet, il est indispensable pour un enseignant français venant travailler dans un lycée turc de parvenir à intégrer les spécificités des programmes de ce pays, ce qui n'est possible que progressivement et si les intervenants ont la garantie de pouvoir s'investir dans la durée. C'est grâce à des intervenants disposant d'un temps d'adaptation suffisant que fut bâtie une relation durable et fructueuse avec nos partenaires turcs au quotidien : professeurs, personnels administratifs, élèves et anciens élèves.

La limitation des contrats dans le temps, introduite par le ministère des affaires étrangères en 2009, nuit très gravement à la qualité de notre outil de coopération en Turquie. Aujourd'hui, avec plus de 60 % de contrats « deux plus deux plus un », notre coopération précarise son excellence en précarisant ses intervenants. Ce problème sera de plus en plus sensible et, si rien n'est corrigé, on peut estimer que, d'ici à cinq ans, 100 % des contrats seront des contrats de ce type, c'est-à-dire des contrats précaires.

Consciente de la gravité de la situation, la partie turque a manifesté son inquiétude à plusieurs reprises. Ainsi, le recteur de l'université Galatasaray et la directrice du lycée Galatasaray ont chacun signé une lettre contre ces contrats limités, dont les premiers arrivent à terme en 2013.

Je demande au Gouvernement de revoir la décision de 2009 et de permettre l'allongement des contrats en cours, ainsi que leur transformation éventuelle en contrats à durée indéterminée. Il est paradoxal que les établissements congréganistes labellisés « Éducation France » aient pu cette année répondre à cette exigence de stabilité en obtenant des détachements directs, alors que la coopération publique est confirmée dans la précarisation. En outre, cette évolution n'est pas comprise par nos partenaires institutionnels turcs. Elle doit donc être revue.

J'ajoute que cette révision n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences du fait de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet. En effet, comme M. le ministre Laurent Fabius l'a indiqué dans un courrier de juillet 2012, le champ d'application de la loi Sauvadet « étant restreint aux agents engagés sur le fondement de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, les agents recrutés par la MICEL ne sont pas éligibles aux dispositifs de CDIsation et de titularisation par la voie de recrutement réservés » instaurés par la loi du 12 mars 2012.

Ainsi, il n'y a pas de risque pour la MICEL que l'allongement des contrats n'entraîne des conséquences non souhaitées. Dans ces conditions, il ne devrait pas y avoir de blocage à la révision des contrats offerts par la MICEL.

Les personnels de cette mission, qui œuvrent pour la coopération franco-turque, sont aujourd'hui en grève car ils attendent du Gouvernement l'assurance qu'ils disposeront à l'avenir d'un cadre leur permettant d'exercer correctement leurs fonctions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, je vous remercie d'avoir attiré une nouvelle fois mon attention sur la situation des personnels de la MICEL et sur leur souhait de bénéficier de contrats à durée indéterminée.

Je voudrais à nouveau exprimer mon attachement au dispositif intégré Galatasaray, au sein duquel les agents de la MICEL sont principalement affectés. Ce dispositif constitue l'instrument d'excellence de notre coopération éducative et universitaire avec la Turquie.

Monsieur le sénateur, je souhaite insister sur l'effort financier considérable que représente le fonctionnement de la MICEL : 2,9 millions d'euros en 2013, soit 67 % des crédits de coopération alloués au poste, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint que vous connaissez parfaitement.

Je vous rappelle que les agents recrutés par la MICEL, dont je tiens à souligner les qualités pédagogiques et l'engagement au sein du projet, sont liés à cet établissement à autonomie financière par des contrats de droit administratif français. En 2009, il a été décidé de mettre en place des contrats limités dans le temps, dits « deux plus deux plus un », afin de maîtriser les conséquences financières du décret du 19 décembre 2007. Ce décret impose la prise en charge de la part patronale des cotisations pour pensions civiles des personnels titulaires détachés. Or cette charge deviendrait rapidement insoutenable s'il devait s'agir de contrats à durée indéterminée.

Je tiens à préciser que la réforme de 2009, qui a été réalisée en concertation avec les partenaires, visait à faire face à ces nouvelles charges : outre la mise en place de nouveaux contrats, elle s'est traduite par le détachement direct, depuis la rentrée 2012, des enseignants français qui étaient jusqu'ici, au sein de la MICEL, mis à disposition des lycées congréganistes français et de la fondation Tevfik Fikret.

Il reste à ce jour soixante agents à la MICEL, dont cinquante-six enseignants qui bénéficient de trois types de contrats différents : quinze d'entre eux, professeurs non titulaires de l'éducation nationale, bénéficient de CDI ; onze sont des titulaires détachés qui bénéficient de contrats renouvelés annuellement sans limite de temps ; quant aux trente enseignants recrutés après 2009, parmi lesquels onze non titulaires et dix-neuf titulaires détachés, ils bénéficient de contrats à durée déterminée de type « deux plus deux plus un ». Ces derniers ont été parfaitement informés de ces conditions ; ils ont donc signé ces contrats en toute connaissance de cause.

Monsieur le sénateur, je suis informée des revendications des enseignants : bénéficier de CDI et voir pris en charge les frais d'écolage de leurs enfants dans le lycée AEFE d'Istanbul. Certains professeurs se sont mis en grève récemment, le 19 mars et le 4 avril. Deux nouveaux préavis ont été déposés : le premier pour aujourd'hui, comme vous l'avez rappelé, le second pour le 12 avril.

Je n'ignore pas non plus que les autorités turques du dispositif Galatasaray s'inquiètent des conséquences de la durée limitée des contrats, ainsi que d'une perte d'attractivité de ces postes qui pourrait avoir, à terme, un effet négatif sur la qualité du recrutement.

Je déplore sincèrement que les enseignants aient choisi de se mettre en grève alors que le ministère avait dépêché une mission sur place. Cette mission a remis très récemment son rapport, et les directions compétentes de mon ministère préparent actuellement différentes options visant à faire évoluer le dispositif tout en préservant l'excellence de notre coopération éducative et linguistique en Turquie, une excellence qui suppose une certaine mobilité du corps enseignant français. Cette démarche tiendra compte de la contrainte budgétaire et s'inscrira dans un esprit de sérénité et de responsabilité. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir mentionné l'inquiétude de nos partenaires turcs. J'espère que, dans les conclusions des travaux de la mission que vous avez dépêchée sur place, l'importance de mettre en place des contrats qui garantissent la qualité et la pérennité de notre coopération sera reconnue.

La relation franco-turque est importante ; la Turquie est un partenaire essentiel pour notre pays. Notre coopération avec l'université et le lycée Galatasaray est une politique majeure qui a surmonté toutes les tempêtes dans l'histoire de la relation franco-turque. Quelques millions d'euros, ce n'est pas énorme par rapport à l'enjeu que représente cette relation stratégique !

Madame la ministre, il est particulièrement important de mettre au point un dispositif qui réponde aux inquiétudes de nos partenaires turcs et des intervenants au sein de la MICEL. Compte tenu des observations que vous avez formulées et des difficultés que les enseignants rencontrent pour exercer leurs missions dans le cadre de contrats à durée déterminée, j'espère que la mission que vous avez dépêchée sur place débouchera sur la remise en cause des contrats « deux plus deux plus un » ! (M. André Gattolin applaudit.)

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