Question de M. LE CAM Gérard (Côtes-d'Armor - CRC) publiée le 25/01/2013

Question posée en séance publique le 24/01/2013

M. Gérard Le Cam. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, c'est un sénateur-maire de la ruralité qui vous interroge. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

La réforme des rythmes scolaires fait l'objet d'oppositions massives : grève des enseignants du primaire, rejet des instances consultatives et opposition de nombreux maires.

Les rythmes peuvent être un élément permettant la réussite des élèves, mais, seuls, ils ne peuvent suffire à lutter contre l'échec scolaire.

La réforme, telle qu'elle est prévue, ne fera que déstabiliser l'école, car elle manque de clarté s'agissant tant de ses visées que de ses modalités d'application. Quant aux délais de mise en œuvre par les communes, le mois supplémentaire accordé hier n'y change rien, ils sont trop courts !

Le débat a perdu de vue sa visée éducative pour se trouver arbitré et enfermé à l'aune des capacités financières des communes, qui ont la charge de mettre en œuvre la réforme.

Le rôle du scolaire et du périscolaire n'est pas précisé. Des activités pédagogiques pourront être mises en place, mais le Gouvernement ne dit pas au service de quel projet éducatif. La faible durée, de trente à quarante-cinq minutes, accordée à ces activités en réduit la portée et pose la question du personnel encadrant. Et ce n'est certainement pas en assouplissant les normes d'encadrement, piste actuellement privilégiée, qu'un projet de qualité pourra être porté ! Au contraire, cela nuira à la sécurité des enfants.

Sans périmètre précis, cette réforme aggravera les inégalités territoriales face au service public de l'éducation nationale, des inégalités que la droite a amplifiées depuis dix ans.

En effet, si le coût de la réforme n'est pas précisément évalué, on sait qu'il sera trop important pour que les communes les plus pauvres puissent y faire face. Selon les chiffres le plus souvent avancés, le coût est évalué à environ 150 euros par élève.

Comment les communes pourront-elles prendre en charge ces nouvelles activités pédagogiques périscolaires ? Comment feront-elles face à l'augmentation de la demande en matière de transport scolaire, de cantine et de centre de loisirs découlant de la scolarisation le mercredi matin ?

Vous répondez, monsieur le ministre, par l'octroi d'une dotation exceptionnelle de 250 millions d'euros. Ce montant, largement insuffisant,…

M. Alain Gournac. Ah !

M. Gérard Le Cam. … sert davantage de moyen d'incitation à une mise en œuvre rapide de la réforme que de compensation des coûts. Cette aide n'est d'ailleurs attribuée qu'aux seules communes appliquant la réforme dès 2013, comme si l'augmentation des dépenses était seulement liée à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires et n'était pas pérenne !

Il n'y a aucune urgence : il faut prendre le temps de faire une réforme au service de la réussite de tous les élèves, sur tout le territoire.

Monsieur le ministre, allez-vous donc enfin réaffirmer le rôle de l'État dans l'éducation nationale en accordant aux communes une compensation financière de la totalité des coûts ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UMP. – M Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 25/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2013

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de dire qu'il ne fallait pas enfermer la réforme de l'éducation, qui est une priorité de ce gouvernement, dans des considérations purement financières... quoique votre intervention n'ait ensuite porté que sur cette préoccupation, certes elle aussi légitime.

Nous voulons que tous les enfants de France puissent réussir.

M. Alain Gournac. Nous aussi !

M. Vincent Peillon, ministre. C'est le but du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République que nous avons présenté hier en conseil des ministres.

La refondation de l'école est absolument nécessaire, car, vous le savez, nos résultats se dégradent fortement, notamment sur le plan européen. Je rappelle que 25 % d'élèves sont en difficulté à l'entrée au collège et que les inégalités s'accroissent.

Ces dernières années, l'école a été durement touchée, du fait de la suppression de 80 000 postes - à ce propos, je vous remercie d'avoir relevé, monsieur Le Cam, que 376 postes supplémentaires seront créés à la rentrée dans l'académie de Rennes... -, mais aussi de la suppression de la formation des enseignants. Nous allons donc consacrer 27 000 postes à cette dernière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Concernant la question des rythmes scolaires, tout le monde reconnaît - je pense notamment à l'Académie de médecine, aux différentes instances consultées par la précédente majorité ou encore à Marcel Rufo, que j'écoutais encore ce matin - que l'exception française, véritablement unique au monde, des 144 jours de classe sert peut-être l'intérêt de nombreux adultes, mais pas celui des élèves ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Comme nous avons le sens de l'intérêt général, nous devons réagir. C'est la mission qui m'a été confiée par le Président de la République et que me permet de réaliser le Premier ministre.

Le projet de loi d'orientation et de programmation présenté hier donne la priorité au primaire. J'ai annoncé la création de 7 000 postes supplémentaires et de nouvelles méthodes pédagogiques pour les enseignants de CP et de CE1. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Ce matin, j'ai signé avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, les recteurs et les présidents d'université une feuille de route pour la formation des enseignants. Enfin, il y a cette grande réforme que nous devons tous porter, celle des rythmes scolaires.

Monsieur le sénateur, des réponses ont été apportées aux inquiétudes que vous exprimez.

Un fonds de 250 millions d'euros, qui sera alloué selon une juste péréquation, a ainsi été accordé, malgré la situation budgétaire que nous connaissons, par le Premier ministre aux communes, rurales aussi bien qu'urbaines, les plus en difficulté. (MM. Alain Gournac et Jean-Claude Gaudin s'exclament.)

Nous avons aussi entendu les inquiétudes des enseignants, dont nous avons modifié les obligations de service.

Si nous sommes capables les uns et les autres de conjuguer nos efforts, nous pourrons réaliser cette grande réforme dans l'intérêt des élèves et de la France. Je vous remercie de nous accompagner ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. - M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Gournac. Et nous, on va payer !

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