Question de M. CHASTAN Yves (Ardèche - SOC) publiée le 24/01/2013

M. Yves Chastan attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, au regard de la situation à Privas, ville préfecture de l'Ardèche.

En effet, l'association ESPOIR, qui assurait le premier accueil, l'accompagnement et l'hébergement des demandeurs d'asile sur le bassin de Privas, s'est vue retirer cette mission par l'État, ainsi que les financements de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations qui en découlaient.
Dans ce domaine, cette association n'intervient donc plus aujourd'hui que pour la gestion de la domiciliation des demandeurs d'asile.

En conséquence, l'accueil de ces derniers à Privas s'effectue désormais dans des hébergements d'attente, notamment des hôtels, dans des conditions qui soulèvent des difficultés et des interrogations nouvelles au regard, en particulier, des nécessités de la vie quotidienne.

Face à cela, des associations locales (Secours populaire, Secours catholique, Restos du Cœur) mais également cultuelles (paroisses catholique et protestante), de même que la ville de Privas, sont fortement mises à contribution pour aider ces personnes et ces familles à se nourrir et à se vêtir.

En lieu et place des « studios » avec cuisine, antérieurement mis à disposition de demandeurs d'asile par ESPOIR (où ils étaient en situation d'autonomie, et ainsi responsabilisés), leur hébergement en hôtel, situé en périphérie de Privas dans une zone commerciale non desservie par les transports en commun, ne leur permet pas de disposer d'un endroit pour cuisiner les denrées achetées ou fournies. Ce sont donc ces mêmes associations locales qui doivent mettre à disposition un local, tous les jours de la semaine, pour que ces familles puissent s'alimenter correctement.

De plus, les délais d'obtention de l'allocation temporaire d'attente (ATA) sont parfois trop longs, les familles concernées ne pouvant alors se nourrir que grâce aux denrées mises à disposition par les associations.

Cette situation, pour partie consécutive à la suspension du financement de l'association ESPOIR sur ces missions, semblant tendre à se pérenniser, est extrêmement préoccupante.

Les structures locales ainsi sollicitées, en sus de leurs interventions de solidarité au profit des personnes, malheureusement de plus en plus nombreuses, fortement éprouvées par la crise actuelle, ne pourront pas continuer à ce même rythme leur accompagnement, ou se retourneront vers les collectivités - communes notamment - pour des soutiens financiers supplémentaires.

Or, l'arrêt Cimade et GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés) du 27 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne est venu préciser le champ personnel et temporel d'application de l'obligation de garantir des conditions minimales d'accueil aux demandeurs d'asile énoncées par la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003.

La CJUE affirme ainsi que des conditions matérielles dignes doivent être octroyées au bénéfice de tous les demandeurs d'asile, y compris les « dublinés », de la date de dépôt de leur demande d'asile jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive sur leur demande ou jusqu'à ce que soit effectivement opéré leur transfert vers l'État membre requis au titre du règlement Dublin II.

En outre, la Cour a précisé que la charge financière de cette obligation pèse sur l'État d'accueil.

C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement sur cette situation, ainsi que les mesures qui pourraient être prises pour résoudre rapidement les problèmes rencontrés par les demandeurs d'asile, notamment en Ardèche et à Privas, afin d'assurer une meilleure prise en charge de ces personnes et de ces familles.


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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 24/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/04/2013

M. Yves Chastan. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l'attention de votre collègue ministre de l'intérieur sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, au regard de la situation à Privas, préfecture de l'Ardèche.

L'association Espoir, qui assurait le premier accueil, l'accompagnement et l'hébergement des demandeurs d'asile dans le bassin de vie de Privas, s'est vue retirer cette mission par l'État, ainsi que les financements de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations qui en découlaient.

Dans ce domaine, cette association n'intervient donc plus aujourd'hui que pour la gestion de la domiciliation des demandeurs d'asile. En conséquence, l'accueil de ces derniers à Privas, y compris de ceux qui proviennent de départements voisins, comme la Loire, s'effectue désormais dans des hébergements d'attente, notamment des hôtels. Les conditions d'accueil soulèvent des difficultés et des interrogations nouvelles, eu égard, en particulier, aux nécessités de la vie quotidienne.

Face à cela, des associations locales telles que le Secours populaire, le Secours catholique ou les Restos du cœur, mais également cultuelles - je pense aux paroisses catholique et protestante -, de même que la ville de Privas, sont désormais plus fortement mises à contribution pour aider ces personnes à se nourrir et à se vêtir.

L'hébergement dans des studios avec cuisine, antérieurement mis à la disposition de demandeurs d'asile par l'association Espoir, studios dans lesquels les demandeurs d'asile étaient en situation d'autonomie, et ainsi responsabilisés, a été remplacé par un hébergement en hôtel, situé en périphérie de Privas dans une zone commerciale non desservie par des transports en commun, ce qui ne permet pas aux demandeurs d'asile de disposer d'un endroit pour cuisiner les denrées fournies. Ce sont donc ces mêmes associations locales qui doivent mettre un local à la disposition des familles, tous les jours de la semaine, afin que ces dernières puissent s'alimenter correctement.

De plus, les délais d'obtention de l'allocation temporaire d'attente, l'ATA, sont parfois trop longs : les familles concernées ne peuvent alors se nourrir que grâce aux denrées mises à disposition par les associations locales.

Cette situation, consécutive pour partie à la suspension du financement de l'association Espoir pour ces missions, semble se pérenniser, ce qui est extrêmement préoccupant. Les associations ne pourront pas continuer à ce même rythme leur accompagnement, pas plus que les collectivités locales, dont la mienne, de plus en plus sollicitées pour l'octroi de subventions supplémentaires au coût impossible à supporter.

En outre, l'arrêt CIMADE et GISTI du 27 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne a précisé le champ personnel et temporel d'application de l'obligation de garantir des conditions minimales d'accueil aux demandeurs d'asile énoncées par la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003.

La Cour affirme que des conditions matérielles dignes doivent être octroyées au bénéfice de tous les demandeurs d'asile, y compris les « Dublinais », de la date de dépôt de leur demande d'asile jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive sur leur demande ou que soit effectivement opéré leur transfert vers l'État membre requis au titre du règlement Dublin II. Dans ce cadre, la Cour a précisé que la charge financière de cette obligation pesait sur l'État d'accueil.

Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement au regard de la situation de Privas, ville dont je suis maire, et quelles mesures sont-elles envisageables pour résoudre rapidement les problèmes qui y sont rencontrés par les demandeurs d'asile, ou, à tout le moins, pour que ces personnes, qui forment souvent des familles avec enfants, soient mieux prises en charge ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur, qui m'a demandé de vous apporter des précisions sur les conditions de premier accueil des demandeurs d'asile en Ardèche.

En 2012, la demande d'asile a augmenté de 35 % en Rhône-Alpes. En Ardèche, le flux a baissé de 7,2 %. En mars 2013, la situation de la demande d'asile en Rhône-Alpes est en augmentation de 65 % ; en revanche, en Ardèche, la demande d'asile accuse une baisse de 20 %, soit 23 demandes depuis le début de l'année.

Depuis 2010, le premier accueil des demandeurs d'asile est assuré au niveau régional par des plates-formes d'accueil dédiées aux demandeurs d'asile. Leur rôle est d'informer, d'orienter et d'assurer le suivi juridique et social des demandeurs d'asile qui ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA. Ces onze prestations sont inscrites dans un référentiel et font l'objet de conventionnement avec les associations depuis 2012.

La région Rhône-Alpes, compte tenu du flux de demandeurs que je viens d'évoquer, bénéficie de trois plates-formes : La Relève à Grenoble, Entraide Pierre Valdo à Saint-Étienne et Forum réfugiés à Lyon. Seules ces plates-formes ont fait l'objet d'un conventionnement avec l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

S'agissant de l'hébergement, l'association Espoir ne gère pas de CADA en Ardèche. Le département de l'Ardèche dispose de deux CADA, gérés respectivement par le Diaconat protestant et par l'Association nationale d'entraide, l'ANEF.

L'association Espoir gérait toutefois pour le compte de la préfecture de département un service d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, HUDA, sous la forme de nuitées hôtelières et de location d'appartements. Au 31 décembre 2012, 37 places d'HUDA étaient gérées par l'association Espoir en Ardèche. Le coût à la nuitée de l'hébergement géré par cette association était jugé toutefois très élevé, en 2012, au regard des coûts proposés par les autres opérateurs. L'association Espoir n'est pas le principal gestionnaire d'HUDA en Ardèche, puisque l'ANEF est également un gestionnaire important. L'association est en effet très implantée en Ardèche où elle gère un CADA à Privas, ainsi que l'hébergement d'urgence généraliste et le 115.

Aucun projet de l'association Espoir n'a été déposé dans le cadre de l'ouverture de 2 000 places de CADA au 1er juillet 2013. Sous réserve de l'instruction en cours, la décision du Gouvernement permettra d'ouvrir des places supplémentaires pour compléter le dispositif existant en Ardèche.

En effet, trois projets portés par l'ANEF, le Diaconat protestant et l'association Entraide Pierre Valdo ont été déposés dans le département. Ils sont actuellement en cours d'instruction. Les demandeurs d'asile en Ardèche bénéficient donc, de l'avis du ministère de l'intérieur, d'un système de prise en charge satisfaisant au regard des flux.

Par ailleurs, d'après Pôle emploi, le délai d'ouverture des droits pour les demandeurs d'asile qui souhaitent bénéficier de l'allocation temporaire d'attente, car ils ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, n'excède pas dix jours ouvrés dans le département de l'Ardèche.

Enfin, dans le cas des demandeurs d'asile relevant du règlement « Dublin », la Cour de justice de l'Union européenne, dans sa décision du 27 septembre 2012, indique que l'obligation de garantir les conditions minimales d'accueil du demandeur d'asile s'impose dès l'introduction de la demande et pendant toute la durée du processus de détermination de l'État membre responsable, jusqu'au transfert effectif du demandeur par l'État requérant.

C'est pourquoi le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration du ministère de l'intérieur rédige actuellement une instruction à Pôle emploi, aux préfets et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour leur indiquer que l'allocation temporaire d'attente doit être versée aux demandeurs d'asile sous règlement « Dublin ».

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui a permis d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.

Aujourd'hui, mon principal souci porte non pas sur le rôle que l'association Espoir assumait antérieurement et qu'elle ne peut plus jouer maintenant, mais sur les conditions d'accueil actuelles des demandeurs d'asile à Privas, nonobstant le fait - vous l'avez rappelé, mais j'en suis bien conscient - que leur nombre est globalement en baisse en Ardèche alors qu'il augmente au niveau régional. Nous recevons d'ailleurs des placements en provenance d'autres départements quand des places sont disponibles chez nous.

Je souhaitais surtout évoquer l'impact de cette situation sur les associations locales que j'ai citées. En l'état actuel des choses, elles sont obligées d'intervenir bien plus qu'auparavant. Vous avez partiellement répondu à ma préoccupation concernant le nécessaire renforcement des places en CADA. Des projets ont bien été déposés dans le cadre d'un appel à projets lancé par le ministère de l'intérieur. Je souhaite que, dans ce cadre, des places supplémentaires, y compris dans le bassin de vie de Privas, puissent être envisagées. C'est, me semble-t-il, l'une des solutions qui permettraient d'améliorer le dispositif actuel de placement dans des formules hôtelières, formules qui sont onéreuses et qui posent des problèmes en termes de transports collectifs.

Monsieur le ministre, je souhaitais, par votre intermédiaire, attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cette situation, afin que des solutions soient trouvées pour améliorer le dispositif.

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