Question de Mme CAMPION Claire-Lise (Essonne - SOC) publiée le 24/01/2013

Mme Claire-Lise Campion attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les nuisances aériennes en Essonne.

Le 15 novembre 2011, Mme Kosciusko-Morizet, alors ministre chargée de l'écologie, signait deux arrêtés portant modification du dispositif de la circulation aérienne en région parisienne. L'un d'entre eux, né d'une collaboration entre les services du ministère et la direction générale de l'aviation civile, avait pour objectif d'atténuer les nuisances sonores liées à l'activité aéroportuaire, source de désagrément pour les populations survolées en Essonne.
Mais, il n'en est rien. Non seulement le relèvement des altitudes de 300 mètres n'entraîne pas une diminution significative des nuisances sonores, mais, en plus, il occasionne un accroissement des émissions de polluants, du fait d'une surconsommation de kérosène liée à un allongement des trajectoires. De surcroît, l'allongement des trajectoires entraîne l'étalement des zones de survol et, par conséquent, une hausse du nombre de nos concitoyens assujettis aux nuisances.

Constatant ces dégradations, les associations essonniennes ont décidé d'entamer une procédure de référé-suspension auprès du Conseil d'État visant à suspendre l'effectivité de l'arrêté en question, et ce, tant que le juge administratif n'aura pas jugé le recours au fond. Dans son ordonnance du lundi 16 avril 2012, le Conseil d'État admet qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 15 novembre 2011. Deux raisons justifient ce doute : d'une part, il y a eu une consultation irrégulière de la Commission consultative de l'environnement, d'autre part, cet arrêté méconnaît les objectifs constitutionnels d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.

Pour autant ses conclusions n'aboutissent pas à la suspension de l'arrêté, le Conseil d'État invoquant le caractère complexe d'un retour en arrière.

En septembre 2012, le nouveau gouvernement a finalement abrogé l'arrêté du 15 novembre 2011. Néanmoins, le problème des nuisances aériennes reste entier. Nos concitoyens attendent légitimement des réponses. Ces réponses doivent être le fruit d'une réflexion menée main dans la main avec les élus et les associations concernés. La concertation est la voie que souhaite emprunter le Gouvernement. Il l'a d'ailleurs rappelé à son collègue de l'Assemblée nationale, Jacques Krabal, le 6 novembre 2012.

Dans ce cadre, pourrait-il lui indiquer l'état d'avancement des évaluations qu'il a lancées sur le sujet ?
Surtout, quand envisage-t-il la mise en place de l'étroite concertation évoquée ?
Enfin, quelles seront les modalités concrètes de cette concertation?

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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 20/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2013

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, le 15 novembre 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était alors ministre de l'écologie, a signé deux arrêtés portant modification du dispositif de la circulation aérienne en région parisienne.

L'un d'entre eux, né d'une collaboration entre les services du ministère et la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, avait pour objectif, nous disait-on alors, d'atténuer les nuisances sonores liées à l'activité aéroportuaire, source de désagrément pour les populations survolées, notamment dans l'Essonne. Il n'en fut rien.

Non seulement le relèvement de 300 mètres des altitudes n'a pas entraîné une diminution significative des nuisances sonores, mais, en outre, il a occasionné un accroissement des émissions de polluants, du fait de la surconsommation de kérosène due à l'allongement des trajectoires. De surcroît, cet allongement des trajectoires s'est accompagné d'un étalement des zones de survol et, par conséquent, une augmentation du nombre de personnes soumises aux nuisances.

Constatant ces dégradations, les associations essonniennes ont décidé d'entamer une procédure de référé-suspension auprès du Conseil d'État, afin de faire suspendre l'application de l'arrêté tant que le juge administratif n'aura pas jugé le recours au fond.

Dans son ordonnance du 16 avril 2012, le Conseil d'État admet qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 15 novembre 2011. Deux raisons motivent ce doute : d'une part, une consultation irrégulière de la Commission consultative de l'environnement a été réalisée ; d'autre part, l'arrêté méconnaît les objectifs constitutionnels d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.

Pour autant, le Conseil d'État n'a pas suspendu l'application de l'arrêté, estimant qu'un retour en arrière serait trop complexe.

En septembre 2012, le nouveau gouvernement a finalement abrogé l'arrêté du 15 novembre 2011. Cependant, le problème des nuisances aériennes reste entier et nos concitoyens attendent légitimement des réponses.

Ces réponses doivent être le fruit d'une réflexion menée main dans la main avec les élus et les associations concernés.

Monsieur le ministre, je sais que la concertation est la voie que souhaite emprunter le Gouvernement, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé le 6 novembre dernier au député Jacques Krabal. J'ai donc trois questions à vous poser : quel est l'état d'avancement des évaluations que vous avez lancées sur le sujet ? Quand envisagez-vous de mettre en place l'étroite concertation que vous évoquez ? Quelles seront les modalités concrètes de cette concertation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de vous apporter quelques précisions complémentaires au vu de l'évolution de la situation.

Vous l'avez rappelé, le relèvement des trajectoires d'approche dans la région Île-de-France est un chantier qui a été lancé en 2007. La concertation s'est déroulée dans le respect des procédures et règlementations en vigueur. Une consultation du public et des institutions concernées par les changements de trajectoire a notamment été organisée. Cette concertation s'est conclue par la publication de deux arrêtés le 15 novembre 2011 ; le nouveau dispositif fut ensuite immédiatement mis en œuvre.

Cependant, même si toutes les règles ont été respectées, les opposants restent nombreux ; votre question en fournit une illustration supplémentaire. Ces opposants estiment que la situation environnementale n'est globalement pas satisfaisante. Il conviendra donc certainement de revoir le cadre juridique de la concertation relative à la modification des trajectoires de circulation aérienne, puisque la précédente concertation n'a pas abouti à des solutions satisfaisantes.

Par ailleurs, j'ai été particulièrement attentif à ce qu'une évaluation des résultats soit conduite pour mesurer la cohérence des niveaux de bruit avec ce qui était prévu au moment de la publication des arrêtés, sur le fondement de l'enquête préalable.

Cette évaluation répond à une demande, dont vous vous faites le relais et qui est tout à fait légitime, des habitants de l'Île-de-France, en particulier de ceux des départements les plus concernés par les nouvelles trajectoires.

Les mesures démontrent que les zones qui étaient déjà survolées sous l'empire de l'ancien dispositif ont bien connu une réduction de bruit comprise entre 2 et 3 décibels avec le nouveau dispositif lorsque l'altitude de survol a été augmentée de 300 mètres.

Cependant, l'allongement des trajectoires pour permettre la descente depuis une altitude supérieure a eu pour résultat une dégradation de la situation, avec une augmentation du bruit, dans les zones nouvellement survolées.

Ce bilan, s'il permet de constater des améliorations ponctuelles pour certains riverains, reste donc très mitigé pour d'autres populations dont la situation s'est au contraire dégradée.

Vous l'avez dit, le dossier du relèvement des altitudes en région parisienne est encore en phase contentieuse et ne relève donc plus du seul pouvoir exécutif. Nous avions indiqué que, compte tenu de cette situation, le Gouvernement observerait avec attention la décision prise par le Conseil d'État.

Quoi qu'il en soit, madame la sénatrice, je tiens à vous confirmer que j'accorde une importance toute particulière au maintien du haut niveau d'implication de la DGAC.

Régulièrement, nous évoquons ce sujet avec l'ensemble des services afin de définir des solutions de nature à diminuer progressivement l'impact environnemental de l'activité aérienne en ce qui concerne non seulement le bruit, mais également, vous les avez évoquées, les émissions gazeuses.

Ainsi, à ma demande, la DGAC étudie actuellement, dans le cadre du programme de recherche européen SESAR, de nouvelles perspectives. Elle réfléchit à une modélisation permettant de simuler de nouveaux profils d'approche, dont elle espère retirer les bénéfices sous la forme d'améliorations environnementales. Ses services y travaillent depuis de nombreux mois, notamment en intégrant des avancées technologiques susceptibles d'entraîner des avancées sensibles, qui permettront autant de progrès dans l'intérêt général à un horizon relativement proche, ce qui, dans le domaine aérien, signifie, malgré tout, quelques années.

Cela étant, tout en attendant la réponse de la juridiction administrative, nous continuons à travailler pour pouvoir présenter, dans les prochains mois, du moins je l'espère, une modélisation qui pourrait ouvrir des perspectives favorables à des survols diminuant sensiblement les nuisances subies par les populations.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les éléments d'information que vous m'avez communiqués.

Il est important, pour nous tous, d'avoir confirmation du travail mené, en liaison avec vous-même, par la DGAC.

J'ai également pris note du bilan que vous avez dressé. On ne relève en effet que quelques améliorations ponctuelles, qui sont bien en deçà de l'objectif initial. Je fais miens les mots - et je serais même tentée de les amplifier - que vous avez prononcés : c'est bien un bilan « très mitigé » pour les populations concernées.

Un contentieux est, certes, en cours, mais il est nécessaire, et je vous remercie de l'avoir fait, que le Gouvernement montre à ces dernières, qu'elles habitent l'Essonne ou ailleurs en Île-de-France, le haut niveau d'implication des pouvoirs publics.

Il est important de rappeler que les impacts sont réels, en termes tant de bruit que d'émissions de gaz. C'est donc avec grand intérêt et beaucoup d'impatience que les élus, les associations et les populations concernées attendent les résultats du travail d'étude sur les nouvelles perspectives qu'ouvre la modélisation de nouveaux profils d'approche, qui ne pourront qu'être bénéfiques, j'en suis convaincue, sur le plan environnemental. J'étais un peu inquiète de vous entendre parler d'années ; je suis rassurée par vos dernières paroles qui font état de quelques mois avant que nous puissions nous mettre de nouveau tous ensemble autour de la table. C'est indispensable et très attendu !

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