Question de M. SIDO Bruno (Haute-Marne - UMP) publiée le 07/02/2013

M. Bruno Sido attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, au sujet de l'avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique, qui, en son chapitre 9 dédié aux transports, prévoit de clarifier les compétences de l'État et des conseils régionaux en matière de desserte ferroviaire.

Les conséquences peuvent s'avérer dramatiques pour le niveau de service, en particulier sur la ligne Paris-Belfort. En effet, les lignes d'intérêt national devraient à l'avenir desservir au moins deux villes de plus de 100 000 habitants et, qui plus est, dans deux régions non contiguës.

Ces dispositions risquent d'entraîner une dégradation très nette de la qualité de la desserte entre Paris et la Haute-Marne : 11 trains au départ de Chaumont seraient supprimés chaque semaine.

Alors que le conseil général met tout en œuvre pour moderniser le département et l'ouvrir sur les grands axes de circulation, cette perspective est inacceptable.

La Haute-Marne est en reconversion industrielle depuis la fin des 30 glorieuses et le premier choc pétrolier. La crise des industries et de la métallurgie a apporté comme dans tout l'est du pays son cortège de licenciements et de souffrances.

Tous les élus du territoire sont mobilisés depuis une dizaine d'années, bien au-delà des sensibilités partisanes. Le conseil général a décidé de faire de la modernisation des infrastructures une priorité pour plus d'attractivité. Par exemple, il investit 40 M€ pour poser 1 200 km de fibre optique et permettre aux ruraux d'avoir le haut débit comme tout le monde et pour pas plus cher.

C'est pourquoi il le remercie de lui indiquer si le Gouvernement entend modifier cet avant-projet de loi afin de conserver à la Haute-Marne une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 13/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 12/03/2013

M. Bruno Sido. Ma question, qui concerne non pas seulement mon département de la Haute-Marne mais toute la France, s'adressait au ministre délégué chargé des transports. Mais ce dernier étant bloqué par des congères, c'est Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation qui va me répondre, et je m'en réjouis.

L'avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique, dans son chapitre IX consacré aux transports, prévoit de clarifier les compétences de l'État et des conseils régionaux en matière de desserte ferroviaire.

Si l'intention est louable, les conséquences des dispositions de ce chapitre peuvent se révéler dramatiques pour le niveau de service, en particulier sur la ligne Paris-Belfort.

En effet, d'après les informations dont je dispose, les lignes d'intérêt national devraient à l'avenir desservir au moins deux villes de plus de 100 000 habitants situées, qui plus est dans deux régions non contiguës.

Si les dispositions concernées de l'avant-projet de loi n'étaient pas modifiées, elles entraîneraient une dégradation très nette de la qualité de la desserte entre Paris et la Haute-Marne : onze trains au départ de Chaumont seraient supprimés chaque semaine !

Alors que le conseil général met tout en œuvre pour moderniser le département et l'ouvrir aux grands axes de circulation, cette perspective est inacceptable.

La Haute-Marne est en reconversion industrielle depuis plus de trente ans : depuis la fin des Trente glorieuses et le premier choc pétrolier. La crise des industries et de la métallurgie y a apporté, comme dans tout l'est du pays, son cortège de licenciements et de souffrances.

Tous les élus du territoire sont mobilisés depuis une dizaine d'années, bien au-delà des sensibilités partisanes. Ainsi les élus au conseil général ont-ils décidé de faire de la modernisation des infrastructures une priorité pour gagner en attractivité.

Madame la ministre, je ne vous citerai qu'un seul exemple : nous investissons 40 millions d'euros pour poser 1 200 kilomètres de fibre optique et permettre aux habitants des zones rurales, qui ne sont pas des citoyens de seconde zone, de disposer du haut débit comme tout le monde.

Le conseil régional, le conseil général et les parlementaires partagent cette même préoccupation pour laquelle nous sommes tous mobilisés.

Je vous remercie donc, madame la ministre, de m'indiquer si le Gouvernement entend modifier cet avant-projet de loi afin de conserver à la Haute-Marne, en particulier, une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Vous avez évoqué, au début de votre question, un avant-projet de loi dans une version très antérieure à celle qui a été transmise jeudi dernier au Conseil d'État : dans cette dernière, en effet, le chapitre IX n'existe plus en tant que tel et ses dispositions se trouvent donc considérablement modifiées.

Dans le projet de loi soumis au Conseil d'État, qui sera examiné le 10 avril prochain en conseil des ministres, les dispositions concernées sont très édulcorées. En effet, l'intention de Frédéric Cuvillier est de disposer d'un véhicule législatif propre qui lui permettra d'aborder complètement la problématique des transports ferroviaires, notamment dans le cadre de la concertation à laquelle il s'est engagé, concertation qui doit être longue, lourde et nourrie compte tenu des enjeux que vous avez rappelés.

S'agissant de ces enjeux, nous n'étions pas allés au bout des logiques qui auraient permis de répondre à ce maillage indispensable pour l'ensemble de notre territoire, et c'est peut-être la raison pour laquelle la partie de texte que vous aviez lue a disparu.

Tel est le contexte général que je voulais rappeler.

J'en viens à des réponses plus techniques. M. Frédéric Cuvillier m'a en effet demandé de partager avec vous certaines de ses convictions sur les trains d'équilibre du territoire, les fameux TET.

Ces trains sont un lourd héritage pour l'État, qui en est depuis peu l'autorité organisatrice. Ils sont fortement déficitaires ; la SNCF, qui en avait précédemment la responsabilité, n'y investissait plus.

Les TET jouent pourtant - vous l'avez rappelé - un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire et dans le quotidien de nos concitoyens. Ils doivent en outre constituer une offre commerciale complémentaire du TGV par des horaires et des correspondances adaptés, l'accent étant mis sur l'accessibilité et la qualité du service à bord.

L'évolution de ces trains du quotidien est donc une priorité du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle mon collègue Frédéric Cuvillier a annoncé le lancement dans les tout prochains mois d'une première tranche d'investissement de 400 millions d'euros pour le renouvellement du matériel roulant.

Mais l'investissement, seul, ne suffira pas pour améliorer la qualité du service à la hauteur de ce qu'attendent les usagers. L'offre doit aussi évoluer pour mieux répondre aux besoins de déplacement.

De ce point de vue, et comme vous l'avez dit, les régions sont les premières à reconnaître qu'elles rencontrent parfois des difficultés pour tracer, sur certains trains, la frontière entre leurs trains express régionaux et nos trains d'équilibre du territoire, car ils concernent des liaisons entre deux régions. Cette imbrication des services est à l'origine de problèmes qui pèsent au final sur les coûts et sur la qualité de service.

Derrière les autorités organisatrices, il y a des usagers qui doivent être satisfaits, chacun au mieux de ses moyens. Les régions ont reçu compétence d'organiser les services de transport régional, ce qu'elles font remarquablement bien.

Dès lors, l'État a-t-il vocation à les concurrencer avec ses trains sur ces liaisons entre deux régions seulement ? N'est-il pas plus intéressant pour les régions de disposer de l'ensemble des leviers sur les trains qui assurent les déplacements domicile-travail à l'intérieur d'une région ou entre deux régions limitrophes ?

L'État, en revanche, a vocation à conserver la maîtrise des trains qui assurent l'aménagement du territoire entre trois régions, là où n'existe aucune offre alternative. Il nous faut donc réfléchir à la manière de mieux organiser les offres dans le respect, naturellement, d'un juste équilibre financier des parties. Il va de soi que, en cas de transfert de certaines liaisons aux régions, celles-ci se verraient attribuer la compensation financière existante.

Vous constatez ainsi, monsieur le sénateur, que le Gouvernement prend le problème à bras-le-corps et qu'il le traitera, comme il en a aujourd'hui l'habitude, en suivant sa méthode de concertation, d'écoute et de dialogue avec les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne sais si mon inquiétude doit subsister ; mais ma vigilance, certainement ! En effet, vous venez de me dire, pour résumer, que les dispositions concernées ne figurent plus dans le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique, mais qu'elles seront inscrites dans un véhicule législatif propre. Cela ne retirerait rien à mes craintes si, comme vous l'avez heureusement dit à l'instant, ces TET ne devaient relier trois régions, ce qui est le cas du train Paris-Belfort. Par conséquent, avec les investissements prévus, qui s'élèvent à 400 millions d'euros, nous pourrons à mon avis maintenir le niveau de service.

Je précise que les difficultés sont réelles ! Ainsi, hier soir, venant en train à Paris, je me suis trouvé dans un wagon non chauffé et mal éclairé au point qu'il était impossible de lire le journal ! À l'évidence, ce matériel arrive à bout de course et il faut absolument le remplacer. Certes, des investissements importants ont été réalisés par Réseau ferré de France pour améliorer la ligne. Encore faut-il que des trains puissent rouler dessus...

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