Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - ECOLO) publiée le 21/02/2013

M. André Gattolin attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conditions de mesure de la pollution atmosphérique.

La pollution de l'air est un sujet de santé publique majeur. Différentes études scientifiques récentes, dont celle de l'Organisation mondiale de la santé, montrent qu'elle est la cause directe ou indirecte de 42 000 morts par an en France.

Face à ce fléau, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, différentes mesures ont été prises. Ainsi, en 1998, sont nés les plans de protection de l'atmosphère, déclinaison française des dispositions de la directive européenne n° 96/62/CEE du 27 septembre 1996 concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant. Il relève que le ministère a récemment déclaré vouloir prendre des mesures permettant de limiter la circulation des automobiles en cas de pic de pollution.

Il remarque que, quelles que soient les dispositions prises ou envisagées, celles-ci s'appuient toutes sur la mesure de la qualité de l'air. Or, une telle mesure repose sur un réseau national de surveillance de la qualité de l'air composé d'associations indépendantes. Dans la région Île-de-France, par exemple, il s'agit de l'Association de surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France (AIRPARIF).

Cette structure, comme ses homologues des autres régions, permet donc d'avoir une mesure quotidienne de l'état de l'air et de prendre les actes nécessaires à la protection de nos concitoyens qui peuvent, ainsi, avoir accès gratuitement à des informations sur la qualité de l'air qu'ils respirent.

Il précise que, dans le département des Hauts-de-Seine, AIRPARIF dispose actuellement de cinq stations de mesure, installées à Gennevilliers, La Défense, Neuilly-sur-Seine, Garches et Issy-les-Moulineaux.

Il observe que la commune d'Issy-les-Moulineaux ne semble plus vouloir de cette dernière station. La cause semble en être l'image négative que donnerait l'existence d'un tel équipement sur le territoire de la commune. Dans un autre cas, à Boulogne-Billancourt, malgré la présence, sur le territoire de cette ville, de la route départementale 910 reliant Paris à la route nationale 118, avec un trafic routier très élevé, aucune station n'a pu être installée.

Le conseil général des Hauts-de-Seine, quant à lui, vient de décider de ne plus verser 80 000 euros de subvention à AIRPARIF, prétextant des contraintes budgétaires liées au gel des dotations de l'État. Mais surtout, le conseil général estime que ses contributions financières ne sont pas déterminantes au regard des enjeux.

Si ces comportements sont suivis par d'autres collectivités locales, toute politique de protection de l'atmosphère serait vouée à l'échec.

Dans les villes de plus 50 000 habitants ou de taille plus réduite mais abritant sur leur territoire des installations industrielles ou situées dans une zone de trafic routier intense, il serait important que, pour la santé de nos concitoyens, il soit impossible que des élus locaux s'opposent à l'installation d'une station de mesure de la qualité de l'air.

Compte tenu de ces situations, il demande, d'abord, quelles mesures réglementaires elle compte prendre pour éviter que l'ensemble du système de mesure de la pollution de l'air ne soit remis en cause en raison de problème budgétaire; ensuite, s'il est possible de concevoir l'obligation d'une garantie pluriannuelle de financement; enfin, s'il ne serait pas nécessaire, dans les villes - comme certaines des Hauts-de-Seine - qui refusent la présence de stations de mesure de la qualité de l'air sur leur territoire afin de ne pas avoir un « thermomètre » permettant de constater une pollution trop élevée dans leurs rues, d'imposer l'installation et le maintien de telles stations.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 10/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2013

M. André Gattolin. Madame la ministre, la pollution de l'air est un sujet majeur de santé publique, comme vous venez de l'indiquer. Différentes études scientifiques, dont celle de l'Organisation mondiale de la santé, montrent qu'elle est la cause directe ou indirecte de 42 000 décès par an en France.

Face à ce fléau qui ne cesse de prendre de l'ampleur, différentes mesures ont été prises. Ainsi sont nés en 1998 les plans de protection de l'atmosphère, déclinaison française de dispositions européennes concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant.

Vous-même avez déclaré vouloir prendre des mesures permettant de limiter la circulation des automobiles en cas de pic de pollution. Or, quelles que soient les dispositions existantes ou à venir, elles s'appuient toutes sur la mesure de la qualité de l'air. Cette mesure repose actuellement sur un réseau national de surveillance de la qualité de l'air composé d'associations indépendantes.

Dans la région d'Île-de-France, par exemple, c'est l'Association de surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France, Airparif, qui est chargée de cette surveillance. Cette structure, comme ses homologues des autres régions, permet d'avoir une information quotidienne sur l'état de l'air et de prendre ainsi les mesures nécessaires à la protection de nos concitoyens.

Dans les Hauts-de-Seine, département où je suis élu, AIRPARIF dispose actuellement de cinq stations de mesure. Récemment, la municipalité d'Issy-les-Moulineaux a déclaré ne plus vouloir de station de mesure sur son territoire. La cause de cette décision semble tenir à l'image négative donnée par l'existence d'un tel équipement ou, en tout cas, par les résultats qu'il produit. Dans le même temps, le conseil général des Hauts-de-Seine a décidé de ne plus verser les 80 000 euros de subvention annuelle qu'il attribuait à AIRPARIF, prétextant des contraintes budgétaires liées au gel des dotations de l'État et estimant également que sa contribution financière n'était pas déterminante.

Madame la ministre, si ces comportements sont suivis par d'autres collectivités locales, toute politique de protection de l'atmosphère pourrait être vouée à l'échec. Pourtant, il serait important pour la santé de nos concitoyens que, dans les villes de plus de 50 000 habitants ou de taille plus réduite mais abritant sur leur territoire des installations industrielles ou situées dans une zone de trafic routier intense, il soit impossible pour les élus locaux de s'opposer à l'installation d'une station de mesure de la qualité de l'air.

Compte tenu des positions récemment adoptées par certaines collectivités locales, quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, afin d'éviter que l'ensemble du système de mesure de la pollution de l'air ne soit remis en cause pour des raisons budgétaires ou... tactiques ? Est-il possible de concevoir l'obligation d'une garantie pluriannuelle de financement ?

Enfin, n'est-il pas nécessaire d'imposer aux villes refusant la présence de stations de mesure de la qualité de l'air sur leur territoire, afin de ne pas avoir un « thermomètre » permettant de constater une pollution trop élevée dans leurs rues, l'installation et le maintien de telles stations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, la pollution de l'air est en effet un enjeu de santé publique majeur. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'augmenter le budget destiné à financer les actions d'amélioration de la qualité de l'air de 18 % en 2013, notamment le budget des associations, ce qui, dans un contexte budgétaire contraint, est un effort significatif.

En outre, j'ai présenté, le 6 février dernier, un plan d'urgence pour la qualité de l'air prévoyant un certain nombre de mesures d'ordre public environnemental.

La mesure en continu de la qualité de l'air est bien sûr un outil indispensable à la politique de l'État et des collectivités. Le réseau de stations de surveillance fixes ou mobiles doit respecter des critères stricts, qui sont fixés par les directives européennes.

En France, ce sont les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, auxquelles je rends hommage, comme Airparif en Île-de-France, qui sont chargées, pour le compte de l'État et des pouvoirs publics, de la mise en œuvre des moyens de surveillance et de l'information du public en cas de dépassement des seuils de pollution, ce qui est arrivé assez fréquemment depuis le début de l'année.

Depuis plusieurs années, le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air vérifie que le réseau national est bien maillé et conforme à la directive européenne.

Les dernières expertises menées en 2011 et 2012 ont établi qu'il existait suffisamment de stations de mesure fixes en France, mais qu'il pourrait être utile de développer des stations de mesure mobiles.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les stations fixes sont généralement situées sur le domaine public et sont donc soumises à autorisation de la collectivité territoriale concernée.

Vous évoquez la station d'Issy-les-Moulineaux, exploitée par Airparif depuis 1991. La ville d'Issy-les-Moulineaux a souhaité disposer des lieux en 2009, et la convention de mise à disposition du local n'a pas été reconduite par la communauté d'agglomération Arc de Seine, devenue Grand Paris Seine Ouest.

La communauté a lancé une procédure de contentieux à l'égard d'Airparif, qui s'est vu assigner pour occupation illégale par le tribunal administratif de Cergy et mis en demeure avec astreinte journalière. Airparif a donc décidé d'opter pour un autre emplacement.

D'autres communes des Hauts-de-Seine ont émis le souhait d'accueillir la station, comme Clamart, mais le choix final pourrait se situer dans le 15e arrondissement, à proximité d'Issy-les-Moulineaux, dans une configuration similaire.

La station d'Issy-les-Moulineaux sera fermée en 2013, et, dans l'attente d'une solution nouvelle, la surveillance de la qualité de l'air sera assurée dans cette zone grâce à la complémentarité entre les stations de mesure et la modélisation permettant d'évaluer la pollution en tout point du territoire.

Quant au financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, il est régi par le code de l'environnement, qui prévoit un financement tripartite : subventions de l'État et des collectivités, contributions des industriels.

Le soutien de l'État a été constant. L'augmentation, depuis 2010, de la quotité de certains polluants de la TGAP - taxe générale sur les activités polluantes - que les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air peuvent récupérer en partie sous forme de dons des industriels, leur permet de voir leur budget s'accroître sensiblement.

Mais l'État ne peut en aucun cas imposer aux acteurs locaux ni leur adhésion aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ni leur financement.

Je regrette profondément le retrait du conseil général des Hauts-de-Seine, département dense de la zone sensible de qualité de l'air en Île-de-France, alors que l'ensemble des autres départements franciliens contribuent au financement d'Airparif, qui remplit des missions de service public.

Je rappelle que, pour les Franciliens, la pollution atmosphérique dans leur région est un sujet de préoccupation majeur.

Je note que le département des Hauts-de-Seine a également supprimé sa subvention à Bruitparif, qui est un outil régional d'aide dans la mise en place des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je resterai très attentive à ce que la pérennité des moyens d'Airparif soit garantie, malgré la décision du conseil général des Hauts-de-Seine.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse très précise et très détaillée, madame la ministre. J'en profite pour saluer mon collègue Philippe Kaltenbach, maire de Clamart, qui a accepté l'installation d'une station de mesure Airparif dans sa commune.

En tant que statisticien de formation, je sais que, pour que des mesures soient véritablement pertinentes dans la durée, on ne peut pas se permettre de modifier un échantillonnage, même si le rôle des modélisations est extrêmement important.

Plus il y aura de stations de mesure, plus les mesures seront fines et précises et permettront une meilleure prévention et une alerte plus rapide de nos concitoyens.

Cela étant dit, il est inquiétant que des collectivités territoriales se désengagent de ce réseau de surveillance au motif que les informations qu'ils fournissent sont alarmantes pour des municipalités vantant la qualité de vie sur leur territoire.

Trois sources de financement, vous l'avez rappelé, contribuent donc au budget du réseau français : l'État, principalement, les collectivités locales et les industriels. En la matière, il me semblerait intéressant d'innover. Le réseau de surveillance de l'air en France, qui est de bonne qualité, est très loin d'atteindre la capacité, la précision et le niveau de développement du système analogue existant en Allemagne, lequel est beaucoup plus réactif.

En décembre dernier, lors de l'installation du comité pour la fiscalité écologique, vous constatiez que la France était avant-dernière en Europe en matière de fiscalité environnementale et qu'il était nécessaire, autant que faire se peut, d'établir un lien concret et direct entre l'affectation du produit de cette fiscalité et l'action environnementale.

Je pense qu'il serait intéressant, pour financer la surveillance de l'air, d'étudier deux sources nouvelles de financement répondant toutes les deux au principe du pollueur-payeur et ne créant pas de nouvel impôt. Il devrait être possible, en premier lieu, qu'une part de la TGAP soit reversée de manière fixe aux organismes français de contrôle de l'air, en second lieu, qu'une fraction de quelques centimes d'euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, l'ancienne TIPP, soit affectée au réseau de mesure de la qualité de l'air.

En tout cas, il faudra trouver une façon, un jour ou l'autre, de rendre obligatoire l'installation de capteurs de mesure de la qualité de l'air dans les communes sensibles ou très sensibles afin d'éviter que, dans les mois ou les semaines à venir, de nouvelles communes se désengagent du réseau de surveillance.

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